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Opéra de Zurich
Zurich : “L’Italiana in Algeri“ & “Faust“
Article mis en ligne le juillet 2007
dernière modification le 20 juillet 2007

par Eric POUSAZ

Légère déception à l’Opéra de Zurich lors de la première d’une nouvelle
production de L’Italienne à Alger de Rossini pourtant confiée à quelques
spécialistes de renommée mondiale.

L’excellente surprise est venue du jeune ténor Javier Camarena, tout fraîchement issu de l’Opéra Studio zurichois : voix conquérante, timbre solaire, imparable sens du rythme et de la coloration, ligne de chant charmeuse, aigus sûrs : tout concourt à faire de sa prise de rôle une carte de visite qui devrait lui ouvrir les portes des plus grandes scènes internationales dans un proche avenir.

L’Italiana in Algeri, avec Javier Camarena. Copyright Suzanne Schwiertz

A ses côtés, Vesselina Kasarova joue les vedettes avec un aplomb certain, mais la voix peine à donner l’impression de se sentir à l’aise dans une écriture qui sollicite aussi souvent des changements de registre difficiles à négocier. Inutile de dire, bien sûr, que la cantatrice a toutes les notes dans son gosier agile, qu’elle négocie toutes les difficultés techniques du rôle avec une nonchalance séduisante, mais l’auditeur n’a jamais l’impression qu’elle s’amuse vraiment (comme savait le faire Marilyn Horne dont un DVD récemment issu chez DG a conservé le souvenir). Carlo Lepore en Mustafa se livre à une véritable démonstration de chant agile avec un timbre sonore sur tout le registre et une faconde qui rend son élocution parfaitement claire dans les passages de vélocité les plus exposés. Carlos Chausson en amant éconduit nous rappelle, dans ce rôle un peu court et sacrifié, qu’il reste un des meilleurs spécialistes rossiniens de sa génération alors que Valeriy Murga en Haly et Christiane Kohl en Elvira attestent l’excellent état de santé de la troupe des chanteurs fixes de l’opéra zurichois.
La direction de Paolo Carignani n’a rien d’un feu d’artifice : son analyse soignée et précise du langage instrumental lui permet de mettre l’accent sur les innombrables trouvailles du compositeur, au détriment parfois du rythme d’ensemble, qui a tendance à s’enliser dans les moments les plus fous du final du 1er acte ou de la scène des pappataci. La mise en scène de Carlo Lievi se veut respectueuse d’une certaine tradition, mais le décor clinquant et les costumes kitsch de Luigi Perego et Marina Luxardo évoquent avec trop d’insistance l’univers de l’opérette viennoise avec ses plaisanteries convenues et ses coups de théâtre éventés pour servir de cadre efficace aux délirantes situations mises en place par le musicien et son librettiste. On ne s’ennuie jamais à ce spectacle, certes, mais Rossini reste trop souvent aux abonnés absents (le spectacle est repris au cours de la saison 2007/2008)

Faust
L’Opéra de Zurich compte, au nombre de ses invités réguliers, quelques ténors qui sont en passe de réussir une impressionnante percée au plan international. Parmi eux, il faut citer le chanteur polonais Piotr Beczala, dont les débuts tant à New-York qu’à Londres, Milan ou Munich ont fait grand bruit au cours des derniers mois. A Covent Garden, il a même été salué comme le meilleur interprète actuel du Faust de Gounod (Roberto Alagna appréciera !). Et c’est précisément dans ce rôle majeur du répertoire français qu’il est revenu à Zurich pour quelques représentations seulement.
Il est difficile d’analyser l’art de ce ténor lyrique pour qui le rôle du savant goethéen semble avoir été expressément écrit. La ligne de chant, soutenue par une maîtrise impressionnante du souffle, reste d’un éclat incomparable, égal sur tout le registre. L’aigu qui couronne un médium chaleureux et moelleux semble tout naturellement jaillir d’un gosier négociant avec une facilité déconcertante les sauts d’octave qui mettent plus d’un interprète sur le gril. L’intonation est non seulement idoine, mais fait preuve d’une franchise et d’une élasticité qui ajoutent une touche de spontanéité à un chant aux charmes duquel il est difficile de se soustraire.

Faust, avec Piotr Beczala. Copyright Suzanne Schwiertz

Bref : la scène internationale semble tenir là un de ces interprètes d’exception capable de redonner vie à un répertoire qui reste encore trop souvent l’apanage de brailleurs sans style.
La basse italienne Giacomo Prestia épate avec son Mephistophélès puissamment sonore tout en restant d’une élégance raffinée ; de plus, cet artiste sait faire un sort à la moindre notation de nuance de la partition pour donner du panache à son incarnation des plus séduisante du diable tentateur. Elena Mosuc s’avère moins à l’aise en Marguerite qu’en Lucia ou Traviata, mais son portrait de l’héroïne de Gounod séduit par la légèreté et le naturel d’un timbre dans cet emploi dont l’écriture vocale est d’abord délicatement rêveuse avant d’être vraiment virtuose. Oliver Widmer reste un Valentin pâlot alors que Judith Schmid campe un Siebel d’un aplomb réjouissant.
La direction d’orchestre est assurée par Patrick Fournillier qui veille avec succès à dynamiser le langage instrumental souvent langoureux du compositeur afin de lui assurer un maximum de vitalité et de couleurs. Les chœurs, comme à l’accoutumée, se montrent sous leur meilleur jour alors que la mise en scène sobre et avant tout efficace de Götz Friedrich, dans le décor simple mais superbe de Andreas Reinhardt, nous console de ces relectures trop nombreuses sur les scènes actuelles qui semblent vouloir prouver au public d’aujourd’hui que le musicien et son librettiste n’ont en fait rien compris à l’histoire dont il se sont emparés !...

Eric Pousaz