Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Théâtre de Carouge
Théâtre de Carouge : Yvette Théraulaz

Quelques commentaires sur le parcours d’Yvette Théraulaz et sur son nouveau spectacle.

Article mis en ligne le septembre 2007
dernière modification le 1er septembre 2007

par Laurent CENNAMO

Du 18 septembre au 14 octobre 2007, Yvette Théraulaz présente au Théâtre de Carouge son nouveau spectacle en chansons, Histoires d’elles. L’occasion pour la comédienne vaudoise qui a vécu intensément les luttes féministes dès les années 70 de raconter avec tendresse des histoires d’hommes et de femmes simples, entre vie quotidienne et engagements, intimité
et Histoire collective.

Yvette Théraulaz est une figure reconnue de la scène romande et francophone. Sa carrière de comédienne l’a notamment conduite à s’exprimer au Théâtre Populaire Romand (avec Benno Besson) ou au Centre Dramatique de Lausanne. En plus de cette activité, elle présente depuis bientôt trente ans de nombreux spectacles chantés, dont Chansons-femmes au Théâtre de Carouge-Atelier de Genève (1978), A Table ! en 1996 (en duo avec Pascal Auberson), et dernièrement A tu et à toi au Théâtre Kléber-Méleau de Renens (2005).
Son nouveau tour de chant intitulé Histoires d’elles, dans une mise en scène de Jean-Paul Wenzel (arrangements et direction musicale de Lee Maddford, collaboration artistique de la jeune comédienne Stefania Pinelli) porte un regard à la fois tendre, drôle et lucide sur les luttes féminines d’hier et d’aujourd’hui.

Yvette Théraulaz. Photo de répétition par Marc Vanappelghem

Histoires d’elles
Deux histoires s’enlacent, la grande et la petite, dans ce nouveau tour de chant. Il y a d’abord un récit intime, celui de la mère d’Yvette Théraulaz et de la relation que cette dernière a développée avec elle. Et puis il y a une tentative, à travers ces deux parcours nécessairement différents, de retracer l’histoire des femmes et de leur émancipation dans la seconde moitié du XXe siècle. « Le parcours de ma mère était fortement marqué par le catholicisme et un héritage culturel ayant peu évolué » se souvient Yvette Théraulaz, « ce dernier a néanmoins explosé dans le prolongement de Mai 68 et de l’éclosion du Mouvement de Libération des Femmes. Ma mère n’avait alors pas le droit de vote, ni celui d’exercer une profession sans le consentement de son mari, ni celui d’ouvrir un compte en banque. Les femmes de sa génération ont ainsi été marginalisées au plan des droits jusqu’à l’obtention du droit de vote en 1971 ». C’est le choc de ces deux univers, de destins contrastés, déclinés au féminin que se propose de parcourir ce spectacle musical.

Sous toutes leurs coutures
Les chansons d’Histoires d’elles sont alternativement pleines d’humour et d’émotion, piquantes (parfois un brin scandaleuses !), tristes ou révoltées. Elle interviennent souvent comme un écart humoristique ou de distanciation relativement à la gravité du sujet embrassé. En effet, le spectacle n’est pas exclusivement composé de chansons : des textes courts, le plus souvent à coloration autobiographique - l’histoire de la mère au travers du regard de la fille - sont lus à intervalles réguliers par la comédienne. Aux compositions d’Yvette Théraulaz se mêlent des réalisations d’autres compositeurs qu’elle aime, tels que Georges Brassens, Guy Marchand, Anne Sylvestre, ou Jean Ferrat.
L’écriture est poétique, le choix des textes - tantôt franchement hilarants, tantôt doux-amers - avisé. La façon subtile dont Théraulaz donne la parole alternativement aux hommes et aux femmes (et tantôt la garde) lui permet de ne jamais tomber dans la caricature facile ou la méchanceté. Le tour de chant commence par une étonnante invitation au silence : « Silence / Il faudrait faire silence / Suspendre le vacarme / Laisser couler les larmes… ». Se taire, laisser remonter à la surface l’essentiel, le bruit – ou la musique – que font ce que Théraulaz elle-même appelle les « petites vies ». Yvette Théraulaz aime les chansons d’Anne Sylvestre, ses envolées poétiques et son regard pertinent sur la condition et le vécu des femmes. Féministe avant l’heure, Anne Sylvestre revendique dès le début des années 60 la liberté des femmes dans le domaine amoureux. De cette dernière Yvette Théraulaz interprète notamment Bergère ainsi que sa longue chanson Une sorcière comme les autres, sorte de fresque décrivant avec une rare finesse les rapports hommes-femmes.
Le refrain de la chanson intitulée La femme est faite pour l’homme (d’Arletty) traduit bien le regard à la fois ému et amusé que porte Théraulaz sur les femmes et leurs attachements : « La femme est faite pour l’homme / Comm’ le pommier pour la pomme / Cette vérité / Tout l’mond’ l’a constatée / Depuis l’antiquité / La femme à l’homme s’accroche / Tout comme l’huître à la roche / Par conséquent / Cell’qui n’a pas d’amant / Est comm’ un’ bouch’ sans dents ». D’autres chansons abordent avec humour des thèmes plus délicats, plus secrets, comme par exemple Les nuits d’une demoiselle : « Que c’est bon d’être demoiselle / Car le soir dans mon petit lit / Quand l’étoile Vénus étincelle / Quand doucement tombe la nuit / Je me fais sucer la friandise / Je me fais caresser le gardon / Je me fais empeser la chemise / Je me fais picorer le bonbon… ». Ailleurs - sans cruauté mais de manière plus incisive - Théraulaz met en lumière les angoisses des femmes liées à leur apparence, ou dénonce avec force la marchandisation du corps féminin dans les médias.

Un pan entier du spectacle donne la parole aux hommes et à leur regard amoureux et tendre sur les femmes. Ainsi, de Georges Brassens, le public de Carouge pourra réentendre avec plaisir Les Passantes ou La non-demande en mariage. Dans On ne voit pas le temps passer, Jean Ferrat décrit avec beaucoup de sensibilité le quotidien d’une femme au foyer. Une chanson aborde le thème « tabou » de l’amour à 60 ans. Dans Ragazza enfin, Guy Marchand témoigne de son désir fou de revenir entre les jambes des femmes, là où tout a commencé : « Je ne sortirai plus ma tête de tes jambes, reine. Je ne veux respirer sur cette terre que ton haleine. Je veux retourner d’où je viens au fin fond d’une femme. Et me mettre à l’abri tout chaud tout entier dans ton âme ».

Laurent Cennamo

Du 18 septembre au 14 octobre 2007
Réservations par téléphone : + 41 (0) 22 343 43 43
www.theatredecarouge-geneve.ch