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Aux Gémeaux, scène nationale de Sceaux
Paris : “Un monde en soi“

Abou Lagraa présentait sa dernière chorégraphie aux Gémeaux.

Article mis en ligne le mars 2010
dernière modification le 30 mars 2010

par Stéphanie NEGRE

Présentée en avant-première aux Gémeaux les 23 et 24 janvier, Un monde en soi est la nouvelle œuvre d’Abou Lagraa. Sur des musiques d’Anton Webern et de John Cage interprétées sur scène par le quatuor Debussy, le chorégraphe nous propose une réflexion sur la création du monde.

Un fracas, une explosion sonore et lumineuse qui fait immanquablement penser au Big Bang et d’où jaillissent sept danseurs, ainsi débute Un monde en soi. Planètes échouées ? Etres premiers ? Peu importe, ce qui compte ici c’est leur destinée de créatures ex-nihilo, leur confrontation à l’autre, leur construction dans un monde privé des repères qui constituent une société, une civilisation. Pour établir les premiers contacts entre eux, pour s’appréhender mutuellement, les danseurs se reniflent, se sentent. De nos cinq sens, l’odorat, à la connotation animale, ne serait-il pas celui qui, sans que nous ayons conscience, influence le plus notre perception de l’autre, plus encore que la vue ?

« Un monde en soi », dernière chorégraphie d’Abou Lagraa
© Eric Boudet

Les scènes qui s’ensuivent, étapes fondatrices du monde, sont transposables à la formation de l’identité humaine. Ainsi, deux hommes se mesurent l’un à l’autre dans un corps à corps fatale, un duel pour le pouvoir, typiquement viril. Quelques instants plus tard, une danseuse tente de s’extraire du groupe des danseurs qui la retiennent, l’étouffent, elle, l’astre fragile, l’éternel féminin luttant pour le droit d’exister. Dans sa chorégraphie, Abou Lagraa mêle des mouvements issus de la danse classique, du hip hop et de la dance contact. Le résultat en est une chorégraphie originale, complexe, déroutante parfois. Sur scène, les interprètes dégagent une énergie incroyable, presque primitive, à la hauteur des rôles qu’ils incarnent. Ceci est renforcé par leur confrontation presque charnelle à la musique et aux musiciens qui évoluent parmi eux. Les destins qui se jouent sous nos yeux trouvent des résonances dans l’histoire, celle du monde et celle de chacun d’entre nous, et font réfléchir à l’influence de la culture sur la construction personnelle et la perception de ce qui nous entoure. Celle-ci est-elle un cadre précieux pour une compréhension plus profonde de l’autre ou nous enferme-t-elle ? Comment nous définirions-nous dans l’absolu  ? Faisons l’exercice de nous détacher de nos habitudes et de nos repères pour observer le monde qui nous entoure et sentir nos propres aspirations. Dans la dernière scène, on voit un danseur tourner sur lui même à la recherche de l’équilibre et finissant par le trouver. Il fait penser à l’être civilisé, structuré par les générations qui l’ont précédé. C’est un être abouti mais il lui reste pour autant tout à faire.

Stéphanie Nègre

« Un monde en soi » sera présenté du 10 au 13 mars 2010 à la Maison de la danse à Lyon