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Musée Maillol
Paris : « Trésor des Médicis »

Belle réussite que cette exposition du Musée Maillol ! A voir jusqu’au 13 février

Article mis en ligne le décembre 2010
dernière modification le 22 février 2011

par Julien LAMBERT

Grâce à l’originalité de son approche, qui nous plonge au cœur même du rapport entre le collectionneur et ses collections, ce « Trésor des Médicis » reconstitué en condensé par le Musée Maillol permet de jeter un regard nouveau sur l’engouement artistique et intellectuel de la Renaissance. En convoquant surtout les sophistications enchanteresses d’arts décoratifs trop rarement exposés.

La dynastie du goût
La Renaissance florentine... avec Monet, voilà sans doute le domaine le plus rebattu par les musées européens. Le Musée Maillol a pourtant réussi un coup rare avec son exposition au titre pompeux de « Trésor des Médicis ». La façade est trompeuse, bien que certaines des pièces les plus précieuses et rares des collections médicéennes soient représentées dans ce parcours, qui ne brille certes guère par sa modestie et dont les mises en scène tape-à-l’œil peuvent parfois user. Mais ce titre implique, plus qu’un contenu et son prestige, une approche particulièrement originale du sujet : l’exposition ne montre en effet pas tant des objets que la personnalité, les goûts et ambitions de leurs collectionneurs à travers ces objets. Ce n’est donc pas tant la Renaissance florentine en tant que noyau de talents qui fait la trâme de l’expo, que les passions foisonnantes d’une des plus riches et puissantes familles de l’Histoire, dont la frénésie de collections est sans doute sans comparaison. En reproduisant en miniature un aperçu du musée idéal médicéen, l’exposition parvient à nous faire sentir rien moins que l’utopie humaine de se réapproprier et de recréer le monde sous verre.

Une exploration esthétique
Tout en suivant discrètement un fil chronologique qui va des brillants balbutiements de la Renaissance (au début du XVe siècle sous Cosme l’Ancien) jusqu’à l’extinction de la famille, l’exposition ouvre de discrètes et parcimonieuses cases sur chacun des domaines d’investigation des souverains florentins et de leurs artistes : faste de cour et œuvres d’habile propagande, religion et fascinations occultes, botanique et zoologie, alchimie et astronomie, bilbliophilie, arts appliqués et décoratifs, cabinets de curiosité...
Ce qui est fascinant et que le visiteur conscientise peu à peu au fil des salles, c’est que ces quelques objets bien mis en valeur ne lui ouvrent pas seulement les portes des différents domaines dont les mécènes et leurs artistes ont fait imploser les limites. Il accède surtout à la qualité esthétique de ce rapport au monde. Exploit d’autant plus rare que les représentants les plus « évidents » de l’art florentin sont discrètement représentés. Une Adoration des mages de Botticelli, un petit Fra Angelico délicat, un portrait de Pontormo conservé à Prague, un éphèbe effacé de Michel Ange : tous les maîtres sont là, y compris Del Sarto, Pollaiulo, Giambologna, Benvenuto Cellini et même Raphael (qui n’est pas florentin), mais toujours au travers d’une œuvre atypique et jamais gratuitement clinquante, qui à sa manière apportera son mot au thème.

L’attention renouvelée
C’est donc une muséographie d’une rare intelligence et économie, qui cultive chez le visiteur une capacité d’attention et pour ainsi dire de patience, d’introspection minutieuse à l’égard de l’objet exposé. D’où cette impression de voir exaltées les qualités strictement esthétiques de chaque objet. C’est aussi que les arts directement décoratifs sont préférés à la peinture et à la sculpture. Bijouterie, enluminure, marquetterie mettent ainsi mieux en valeur les qualités de forme et de matière, abstraites, que ces arts trop asservis à la figuration. Pourtant ces savoir-faire méconnus représentent aussi des figures et récits qui, sans le voisinage écrasant de toiles et de statues, reprennent leurs droits. Le visiteur se découvre donc une patience et une curiosité nouvelle pour les minuscules scènes d’une table en marbre, d’un bréviaire ou d’une crosse d’évêque, toutes sortes de foisonnements illustratifs qui lui paraissent souvent trop laborieux. Cette exposition hors-normes offre donc, bien plus qu’un best-of rentable des nombreux musées florentins, un parcours aux confins les plus lointains de l’art et du savoir.

Julien Lambert

Musée Maillol, Paris 7e, jusqu’au 31 janvier 2011. PROLONGATION jusqu’au 13 février