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sur les scènes parisiennes en mars
Paris : Sélection danse No. 212

Magnifique soirée Lifar / Petit / Béjart à l’Opéra de Paris. Et commentaires sur Marco Polo, qui sera donné à Genève.

Article mis en ligne le avril 2009
dernière modification le 30 avril 2009

par Stéphanie NEGRE

En réunissant en une même soirée Suite en blanc de Serge Lifar, l’Arlésienne de Roland Petit et le Boléro de Maurice Béjart, l’Opéra de Paris nous offre un aperçu de l’évolution de la danse au XXème siècle au travers de trois chefs-d’œuvre de son répertoire.

A l’Opéra de Paris, soirée Lifar / Petit / Béjart
Créée en 1943, Suite en blanc est une étape dans l’œuvre de Serge Lifar. Ancien soliste des Ballets russes, il a déjà conçu à cette époque plus d’une dizaine de ballets avant-gardistes. Maître de ballet de l’Opéra de Paris depuis 1933, il ne cesse d’enrichir d’influences russes le vocabulaire classique de la danse française et jette les bases d’un nouvel académisme, l’école néo-classique dont Petit et Béjart, entre autres, se réclameront. Arrivé à un tournant de sa réflexion, il souhaite, par un ballet sans argument, exposer au public l’aboutissement de ses recherches. Ce ballet, il l’appelle Suite en blanc, succession de solos, pas de deux, pas de trois et variations du corps de ballet sur une musique d’Edouard Lalo. Loin d’une froide démonstration académique, Suite en blanc est d’abord une rare occasion de retrouver en un même soir les étoiles, les premiers danseurs et premières danseuses du ballet de l’Opéra de Paris. C’est aussi une œuvre d’une grande poésie due à la composition chorégraphique de Lifar mais aussi aux effets rendus par le contraste entre la blancheur éclatante des costumes des danseurs et le fond noir de la scène. Il se dégage des interprètes un halo lumineux presque irréel qui plonge le spectateur dans un moment de rêverie et lui fait perdre toute notion du temps. D’ailleurs, n’est-ce pas là une des caractéristiques d’un chef-d’œuvre que d’offrir à celui qui le découvre un moment hors du temps ?

« Suite en Blanc ».
Photo Sébastien Mathé

Avec l’Arlésienne, Roland Petit renoue avec la tradition des œuvres régionalistes. Tirée d’une nouvelle d’Alphonse Daudet, l’intrigue porte sur l’histoire d’amour entre deux jeunes provençaux, Vivette et Frederi, sur laquelle plane le spectre d’une femme mystérieuse, l’Arlésienne.
Chorégraphie néo-classique, musique de Bizet, décor inspiré par Van Gogh, tous les paramètres sont rassemblés pour faire de ce ballet un classique de la fin du XXème siècle. Eleonora Abbagnato est une Vivette pleine de joie juvénile face à Manuel Legris, Frederi sombre, écartelé entre sa tendresse pour sa promise et l’Arlésienne fantasmée. Etoile de l’ère Noureev, Manuel Legris quittera le ballet de l’Opéra de Paris à la fin de la saison ; c’est donc une des dernières occasions, avec Oneguine de Crancko en avril prochain, de voir cet exceptionnel danseur sur la scène de Garnier.
Œuvre majeure de Maurice Béjart, le Boléro fut présenté pour la première fois en 1961 au Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles. Dépouillant l’œuvre de Ravel de toute connotation espagnole, Béjart joue sur le rythme répétitif et le crescendo musical pour créer une atmosphère sensuelle et envoutante. Par ses déhanchements répétitifs, le personnage principal situé sur un podium électrise une foule rassemblée autour de lui. Au fur et à mesure de l’œuvre de Ravel, par petits groupes, la foule reprend ses mouvements dans une sorte de communion érotique. Formidable danseur classique, José Martinez interprète avec force et sensualité le rôle principal dans cette œuvre qui exalte l’érotisme assumé, le plaisir physique et annonce la liberté sexuelle de la décennie suivante.

José Martinez dans « Boléro ».
Photo Sébastien Mathé

A l’issue de cette soirée, une question demeure. Pourquoi avoir réuni en un même programme ces trois œuvres si différentes ? L’exercice est périlleux car la comparaison entre les ballets est inévitable. Entre Suite en blanc, pièce historique d’un théoricien et le Boléro celle d’un révolutionnaire, l’Arlésienne paraît anecdotique. C’est dommage mais pour ne pas tomber dans le travers de la comparaison brutale, il aurait fallu un propos. Il manque.

De Paris à Genève : Marco Polo
Donné en avant-première à Pékin en août 2008 lors des jeux olympiques, Marco Polo est un ballet de Marie-Claude Pietragalla librement inspiré du Livre des Merveilles du célèbre navigateur vénitien. Plongé dans un monde fantastique, le spectateur va suivre les pérégrinations d’un héros à la recherche de son identité. Guidé par une femme mystérieuse, sa quête va le conduire tout d’abord dans une cité en ruine qui rappelle Venise. Point de départ d’un périple renouvelé, il s’en échappe en bateau mais pris dans une tornade, il échoue dans une contrée sauvage. Poursuivant son voyage à l’Est, il traverse l’Asie et arrive en Chine où il est fait prisonnier par un seigneur. Il le provoque en combat singulier, le tue, est acclamé par son nouveau peuple… Son destin le rattrape car il est alors projeté dans une sorte de mégapole ultra moderne. Parachuté dans une cour des miracles que n’aurait pas reniée Kubrick dans Orange mécanique, il va devoir lutter pour se faire accepter dans ce nouveau groupe. Cette jungle urbaine lui fait également découvrir des hommes-robots lancés dans une quête folle du plaisir et de la consommation. Fin du voyage, notre héros retrouve là la créature qui lui aura servi de guide pendant tout le ballet et se révèle être la femme, réelle ou imaginaire, qu’il aime.

« Marco Polo », avec Julien Derouault (acte I)
Crédit Pascal Elliott

Facilité de l’intrigue, le ballet est organisé en un prologue et quatre actes qui correspondent aux différents lieux traversés et qui sont autant d’occasion de montrer de très belles scènes de danse où les genres, du classique au contemporain en passant par le hip hop, se mêlent. Julien Derouault, Marco Polo des temps modernes, est très convaincant, tout aussi à l’aise dans le contemporain que dans le classique. Pietragalla est une dame blanche, oscillant entre apparition fantomatique et amoureuse passionnée. Ces deux-là arrivent à recréer des duos très émouvants dans un environnement grandiose qui ne se prête guère à l’intimité. La troupe est époustouflante dans ses variations d’ensemble d’une haute virtuosité physique. Les cinq tableaux ont tous une très forte identité due aux costumes somptueux de Patric Murru et aux vidéos du studio Chrysoïd dont l’esthétique rappelle celle de la bande dessinée d’anticipation.
Construit comme un ballet classique, Marco Polo reprend le thème du voyage initiatique, la découverte du monde comme découverte de soi. L’intrigue est assez mince et les symboles attachés aux lieux – l’Afrique sauvage, l’Asie mystérieuse, les mégapoles avec leurs excès et leurs exclus – n’ont rien d’originaux. Il n’en reste pas moins un beau spectacle, plus grosse production que réflexion sur l’évolution du monde, certes, mais qui nous en met plein les mirettes. Alors ne boudons pas notre plaisir !
Ce ballet sera présenté à Genève, au Théâtre du Léman, les 20 et 21 avril à 20h30 (location Fnac, TicketCorner et Résaplus).

Sur les scènes parisiennes, sélection danse pour juin et juillet 2009
Pour terminer la saison, les scènes parisiennes nous réservent quelques belles surprises avec notamment à l’Opéra de Paris, La fille mal gardée de Frédérick Ashton du 27 juin au 15 juillet 2009 et au théâtre des Champs-Elysées, un programme de ballets russes rarissimes, Schéhérazade, le Dieu bleu et Thamar de Fokine et le Boléro par Nijinska du 19 au 21 juin 2009.

Stéphanie Nègre