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Sur les scènes parisiennes
Paris : Sélection danse

Le Théâtre de la Ville présentait In-I avec Juliette Binoche et Akram Khan, tandis que l’Opéra National de Paris programmait Raymonda.

Article mis en ligne le février 2009
dernière modification le 24 mars 2009

par Stéphanie NEGRE

Au Théâtre de la Ville, In-I
Proposition artistique inclassable faite de danse et de théâtre, créée et interprétée par la comédienne Juliette Binoche et le danseur et chorégraphe anglais Akram Khan, In-I est une variation pleine de finesse sur les rapports homme femme dans le couple.
Pendant un peu plus d’une heure, sur une scène au décor épuré d’Anish Kapoor – un grand carré sur le fond de scène, tantôt miroir des émotions, tantôt lit conjugal –, Juliette Binoche et Akram Khan vont nous jouer en cinq scènes les jeux de l’amour sans le hasard. En effet, il n’y pas de place pour le hasard pour ce couple qui se forme à l’issue de la poursuite amoureuse effrénée d’une femme décidée à inverser les rôles, à incarner la séductrice...

« In-I », avec Juliette Binoche et Akram Khan
© Tristram Kenton

Pas de place pour le hasard donc, au départ, mais place, au fil du temps, aux tracas de la vie quotidienne à deux, entre chamailleries et grosses scènes de ménage, entre réminiscences d’un amour d’enfance pour lui et incompréhension pour elle. Ainsi va la vie de couple, avec ses moments solaires, effusions passionnées, communion à deux, avec ses moments sombres, désillusion pour l’être idéalisé, incompréhension, tromperie, jalousie. Tout cela est dit et dansé dans In-I, sur des textes et une chorégraphie que les deux artistes ont écrits ensemble. La chorégraphie est très riche et mêle mouvements contemporains et gestuelles plus traditionnelles issues des danses indiennes, des arts martiaux et du tango.
Pour la musique, la composition originale de Philip Sheppard recèle de beaux moments qui renforcent la tension émotionnelle de la danse et des textes.
Alors, l’interrogation qui est sur toutes les lèvres, danseuse Juliette Binoche, comédien Akram Khan ? quelle réponse attend-on et qu’importe, si In-I n’existe pas sur le plan de la cohérence technique de ses interprètes mais dans la justesse des émotions que les deux artistes nous laissent, la beauté du jeu de lumière et de la musique ?

A l’Opéra National de Paris : Raymonda
Pour cette fin d’année 2008, l’Opéra de Paris programme Raymonda dans la chorégraphie de Rudolf Noureev de 1983. Si Noureev a choisi de présenter Raymonda à l’occasion de sa prise de fonction comme directeur de la danse de l’Opéra de Paris, il travaillait sur cette œuvre depuis déjà plus de vingt ans. Reprenant dès 1961 des variations de l’œuvre de Marius Petipa créée en 1898, il conçoit sa première version du ballet en 1964 pour le Royal Ballet de Londres. Il continue de la faire évoluer, en 1965 pour l’Australian Ballet, en 1975 pour l’American Ballet Theatre jusqu’à la version définitive de 1983.
Première héroïne de Noureev, Raymonda est une noble provençale fiancée au chevalier Jean de Brienne. Celui-ci revenant des croisades, on annonce leur mariage. Les scènes de liesse au château se succèdent quand Abderam, chef d’une armée de sarrasins qui campe à proximité, vient présenter ses hommages à la demoiselle. La beauté brune et virile du guerrier va troubler la princesse jusque dans ses songes. Ainsi l’acte I s’achève-t-il sur une âme tourmentée entre avenir tout tracé et amour interdit. A l’acte II, Abderam invite le château a une fête donnée en l’honneur de Raymonda dans son campement. Entre les danses de ses troupes, il tente d’enlever la fiancée mais Jean de Brienne arrive. Les deux hommes se défient dans un tournoi. Pour l’issue du combat, la morale – elle date de 1898 – est sauve et triomphe pendant tout l’acte III. Les interprètes, qu’il s’agisse des solistes ou du corps de ballet, ont tous été excellents. A cette réserve près qu’on peut regretter l’impassibilité de Marie-Agnès Gillot.

« Raymonda » avec Marie-Agnès Gillot et Nicolas Le Riche
© Julien Benhamou

Raymonda qui es-tu, cette jeune femme à la froide beauté que rien ne semble émouvoir, pas même deux hommes qui se défient à mort pour toi ? même si ton rang impose de ne pas montrer tes sentiments, ta vie sera-t-elle vraiment la même après qu’un homme a assumé ses sentiments jusqu’à mourir pour toi, son passage dans ta vie aura-t-il donc été si vain ? De l’âme dans une interprétation n’a jamais nuit à l’excellence académique. Les deux héros étaient quant à eux interprétés par José Martinez, Jean de Brienne plein d’élégance, et par Nicolas Le Riche, Abderam tout en beauté féline.
Œuvre aboutie où se mêlent virtuosité technique et émotion romantique, Raymonda inaugure la série d’œuvres du répertoire classique revues par Noureev. Dans ses œuvres, la mièvrerie n’a plus de place, pas plus que les intrigues désuètes ; les personnages écartelés entre devoir, morale et passions portent les tourments humains et révèlent notre part d’ombres.
On peut trouver dans Raymonda un divertissement magnifique, où, de l’excellence des danseurs à la musique de Glazounov – influences populaires russes et orientales mêlées – en passant par la scénographie – décors chatoyants, costumes rivalisant de beauté –, tous concourent à faire passer au spectateur un moment exceptionnel et inoubliable. On peut aussi en sortir troublé à l’évocation de ses petits grains de sable qui rouillent les mécaniques bien huilées des destins qu’on aimerait tout tracés.

Stéphanie Nègre

Nota : nos lecteurs l’auront eux-mêmes corrigé, c’est bien sûr Pierre Brasseur et non Claude qui incarne Frédérick Lemaître dans le film de Marcel Carné, « Les Enfants du Paradis ».