Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Paris : Philippe Quesne

Le Centre Pompidou accueille Philippe Quesne pour quelques dates.

Article mis en ligne le 15 novembre 2010

par Stéphanie LUPO

Ce sont des questions, qu’avec Big Bang, sa dernière création Philippe Quesne semble poser. On l’avait vu lors du dernier festival d’Avignon, au festival Arsenic en août dernier, sa tournée internationale le pose quelques jours à Paris, où il achève quelques dates au centre Pompidou.

Comment parler du vide ? Du désir de partir et de fuir ? De s’en sortir ? Comment parler de la communauté impossible, plus pensable aujourd’hui ? Comment dire la mémoire collective des trente dernières années, saturée d’images où la fiction se mêle sans cesse au vrai ? Comment demander encore, aujourd’hui alors ensemble à quoi rêver ? Et BING. Et BANG. D’abord faire exploser.

La première image du spectacle on pense à la honte de se retrouver tous autour d’une table dans un espace d’aujourd’hui un peu médiocre, un peu sordide, ensemble dans le silence, rien à faire, rien à manger, ça crie le vide, l’inutilité. Il faudrait tout virer on pense. C’est ce que fait la petite communauté que l’artiste a convoquée. Ils se retrouvent alors dans un espace blanc, nu, on dirait encore plus vide. Mais là au moins on commence à rire. Comme si c’était possible, tout refaire… Et avant encore essayer de se demander, ce qu’il y avait ? Et après le rien, le vide, encore ils semblent demander : ce qu’on ferait ? Quand les voitures ont été renversées ? Les voitures. Encore. Les renverser.

« Big Bang » de Philippe Quesne, création juillet 2010

L’avenir du monde ? Cette bande de mutants un peu ratés, semble nous dire, nous on ne sait pas, mais on peut encore le dessiner. Le plateau devient une grande page blanche alors, sur laquelle tour à tour, chacun peu dessiner. Et là tout se mélange, et encore on se demande, ce qu’il faudrait garder ? Et ce qui est faux ? Et ce qui est vrai ? De la carcasse de voiture aux bateaux gonflables au feu électrique sans flamme véritable, de la fausse terre, des faux nuages, des vrais morceaux d’un arbre rescapé … nostalgie d’un autre monde… en direct l’avenir se déploie, en direct il s’effondre.

A la fin les hommes se sont fondus dans le décor, vert criard du simulacre, des trucages télévisés. A la fin les hommes ont été avalés. Il reste le bruit de l’eau et le silence après l’ultime sanglot d’une radio étranglée. Dans tout ça on se demande qu’y avait-il de vrai ?

Ce qui se joue dans l’univers de cet artiste plasticien de la scène n’est pas évident à décrire, tant le poème semble avoir lieu dans le non dit, dans l’invisible, dans le silence des images qui se construisent au présent sur le fil d’une histoire en train de se dérouler. Dès les premières minutes on rit et on frissonne car tout ce qui est touché s’avère toujours ridicule. Toute tentative de comprendre, de lier, est annulée, jusqu’à soi-même, jusqu’à exister. Avec un humour terrible, son regard sur le monde à la fois acerbe et désabusé saisit d’intelligence et de sensibilité. Ce qui fascine dans son travail c’est le langage qu’il parvient à trouver pour dire un aujourd’hui par nous tous partagé. Il offre un poème visuel personnel et sensible. Une parole d’artiste drôle, timide, terrible, où se mêlent délicatesse et tranchant qui font vibrer. Sous la menace de la lame, il parvient à faire rire. Bing. Bang. On pense, si on pouvait. C’est fini, on sourit dans la salle, on pourrait aussi bien pleurer.

Stéphanie Lupo