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Institut du Monde arabe
Paris : Orient - Hermès

A l’Institut du Monde arabe, Leïla Menchari invite au voyage à travers des décors de la maison Hermès.

Article mis en ligne le mai 2010
dernière modification le 16 juin 2010

par Régine KOPP

C’est l’écrivain Michel Tournier qui parle de Leïla Menchari comme d’une « reine mage », offrant « les parfums de son Orient natal mais aussi les matières précieuses qui sont plus que son décor : son univers ». Pour l’Institut du monde arabe, elle a recréé huit décors élaborés au fil des ans pour la maison Hermès.

Tunisienne d’origine, elle dit avoir vécu dans l’intimité des objets du quotidien, que les artisans tunisiens façonnent depuis des siècles, soucieux de préserver le savoir-faire hérité de leurs aïeux. « C’est ce travail-là des artisans tunisiens que j’ai voulu offrir au regard des visiteurs de l’Institut du monde arabe ». Grâce à sa connaissance profonde des matériaux et des couleurs, de l’Histoire et de la mythologie, de l’art et des artisanats, Leïla Menchari crée des univers imaginaires qui nous font rêver. Elle allie le talent d’un peintre, pour qui le sens des couleurs n’a plus aucun secret, à l’œil exercé d’un décorateur, qui sait réunir les objets les plus hétéroclites dans un ensemble de luxe et de volupté, qui font rêver. Tous les ingrédients qui devraient séduire un directeur d’opéra pour lui confier une mise en scène, qu’elle n’a pas encore réalisée jusqu’à présent.

Leïla Menchari
© Carole Bellaïche

Dans la grande tente montée sur le parvis de l’Institut du monde arabe, le visiteur est invité à déambuler d’un caravansérail persan aux bordures d’un fleuve africain, en passant par le palais d’un maharadjah, continuer ensuite vers Byzance, poursuivre vers Carthage, en faisant un crochet par le Mexique avant de retrouver Paris. Au cours de ce voyage, le public peut apprécier la dextérité de divers artisans venus de différents pays arabes. Tailleur de pierre, dinandier, nattier, verrier, sellier, ont été conviés à montrer leur art. La vitrine consacrée au cheval d’orient s’est inspirée de fastueux dessins persans de chevaux. Leïla Menchari a choisi de montrer une scène de chasse, plaçant le visiteur dans un caravansérail, le temps d’une halte pour jouir du repos et de la beauté : « Richesse des soies, des broderies, des peaux souples qu’on devine odorantes. Tout est animal… ».

Sensualité
Dans la vitrine consacrée à l’Afrique, « un continent fabuleux avec un artisanat remarquable… où l’harmonie avec la nature est essentielle », nous sommes au bord du fleuve, à l’heure où le soleil décline à l’horizon et où les animaux vont se désaltérer. « J’avais envie de montrer la sensualité de ces animaux sauvages, la présence inquiétante des insectes, des termites », précise Leïla Menchari. Quand on découvre la vitrine consacrée aux festivités indiennes, il est difficile de ne pas tomber en pâmoison devant le bestiaire animal que l’artiste a imaginé : des éléphants, des lions, une panthère mais aussi des trônes d’argent aux pieds de griffon. « Je voulais que le faste des réalisations de ces artisans qui repoussent l’argent éclate dans mon décor. Je crois que rien n’est trop beau et qu’il faut montrer sans avoir peur du trop ». Lorsqu’on se trouve devant le sérail d’un sultan, c’est l’opulence de la céramique ottomane d’Iznik qui enchante le visiteur. Sur la terrasse d’un palais indien, l’œil est accroché au paon blanc d’Inde, oiseau de dentelle de marbre qui est pour Leïla Menchari un lien symbolique avec les paons colorés de sa Tunisie natale, « ce qui me fait fonctionner, c’est ce besoin de toucher l’œil, cette sensualité du regard que le décor éveille », souligne-t-elle.

Pour évoquer Paris, elle a recréé les monuments de Paris : faisant par exemple réaliser en organdi – ce tissu immaculé et transparent – la tour Eiffel mais aussi Notre-Dame, une œuvre signée par le peintre et fresquiste Condescu. A Carthage, qui doit être pour Leïla Menchari sa madeleine proustienne, elle évoque la Méditerranée en demandant à des artisans tunisiens de réaliser des mosaïques inspirées des mosaïques anciennes. Fascinée par Maria Félix, l’égérie de peintres célèbres comme Diego Riviera, Léonor Fini, ou Léonora Carrington, Leïla Menchari a conçu la vitrine en hommage à cette artiste, où l’exotisme de l’environnement et la luxuriance de la végétation ne peuvent qu’enchanter le visiteur.

Comme toutes les magiciennes qui nous transposent dans un monde de beauté, il arrive qu’à un moment donné le rêve prend fin. Mais avant d’être rejeté dans la grisaille du quotidien, le visiteur pourra prolonger ses rêveries, en dégustant un thé à la menthe au café des délices !

Régine Kopp

Exposition jusqu’au 6 juin 2010
Renseignements pratiques sur le site de l’Institut du monde arabe
www.imarabe.org