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Paris opéra : Calme Calisto

Oeuvres vues et entendues : La Calisto - Les Boulingrins - Billy Budd

Article mis en ligne le juin 2010
dernière modification le 28 juillet 2010

par Pierre-René SERNA

Le Théâtre des Champs-Élysées s’attaque à un opéra rare : La Calisto, d’un Cavalli tout aussi peu fréquent sur les scènes lyriques. Avec un relatif succès.

Francesco Cavalli est le suiveur direct de Monteverdi dans l’Italie de la première moitié du XVIIe siècle, à une époque de l’opéra balbutiant. Son style ne s’écarte guère de celui de son prédécesseur, si ce n’est pour une veine plus légère et un soutien orchestral qui l’est autant. Ainsi de La Calisto, opéra créé pour Venise en 1651, qui entrelace les amours de divinités dans le mode mythologique alors de rigueur.
L’érotisme du livret surprend cependant, avec des allusions clairement désignées qui héritent à n’en pas douter de la veine libertine de la commedia dell’arte. La musique se fait plus conventionnelle, alignant récitatifs longuets au-dessus d’un continuo et brèves échappées d’arias ponctuées de régulières ritournelles instrumentales. Un peu pesant ! sauf pour les épanchements de fins d’actes. À la tête de ses Talens lyriques, réduits à une poignée d’instruments, Christophe Rousset porte la partition sans écarts, en grand professionnel. Le plateau vocal, nombreux et bien choisi, se révèle en situation, avec les voix aiguës adaptées, et principales, de Sophie Karthäuser (Calisto), Lawrence Zazzo (Endymion), Véronique Gens (Junon), Marie-Claude Chapuis (Diane) et Sabina Puértolas (Satyre). Le chant de Jupiter et de Mercure s’avère plus incertain, délivré par de flottants Giovanni Battista Parodi et Mario Cassi. Mais l’ensemble s’écoule sans anicroche. Comme cette musique dépourvue d’emportements véritables.

Théâtre des Champs-Elysées : « La Calisto » Acte 1
© Alvaro Yañez

Il n’empêche que l’on se serait volontiers passé de bruits sortis de haut-parleurs dont la metteuse en scène parsème régulièrement son spectacle (un tic pénible venu du théâtre parlé actuel et dont la musique d’opéra n’a que faire). Celle-ci, Macha Makaïeff, accomplit sa tâche sans défaut ni transcendance. Une profusion de cercles, de disques, de sphères – puisque de la lune et de planètes il est question avec Diane – plaquent le fond de rideau et ornent des praticables descendus des cintres. S’ajoutent quelques autres symboles (?), un cube, un emmarchement, de gentilles figurines de cartons parsemés de croissants et d’étoiles, des danseurs grimés à la façon de nymphes et satyres, sous des éclairages attendus. Le tout bien réglé. Sans que l’intérêt s’emballe, ni l’imagination. À l’image de l’œuvre et la soirée.

Boulingrins crincrin
La nouvelle politique de l’Opéra-Comique ne se contente pas d’une méritoire remise à jour du répertoire qui lui est spécifique, mais entend renouer avec une autre grande tradition de son histoire : celle de la création lyrique, en passant des commandes propres. Double louable objectif, dont on ne peut que saluer l’initiative. C’est ainsi que devant une salle comble, les Boulingrins, le dernier Georges Aperghis, sont donnés en première mondiale (avec comme producteur associé, la Muse en circuit, centre de création musicale). L’ouvrage est dû à la complicité du compositeur et de son metteur en scène, Jérôme Deschamps, par ailleurs directeur de l’institution. Cet opéra-bouffe, ainsi intitulé, se fonde sur la pièce éponyme de Courteline dont il reprend intégralement le texte – semble-t-il – mais en adjoignant quelques tirades d’onomatopées pour les passages plus chantés. Le premier étant débité tel que, dans une sorte de sprechgesang des plus intelligibles. Plutôt qu’un “opéra-bouffe” ou un opéra-comique, on serait donc tenté d’y voir un mélodrame, ou parlé sur fond instrumental, dont l’action demeure toujours limpide. Une sorte de première chez Aperghis qui avait jusqu’ici habitué à une matière textuelle absconse ou du moins incompréhensible, jouant sur les façons de débiter des bribes de mots au mépris de la transmission. Heureuse chose ! “Être clair, être clair, être clair”, préconisait Pascal…

A l’Opéra-Comique : « Les Boulingrins ».
Photo E. Carecchio

On se laisse donc gagner par l’intrigue délirante, qui voit un invité subir l’animosité vengeresse des deux composants du couple qui le reçoit, pour atteindre à une folie sadomasochiste. Irrésistible ! Le serait moins, le traitement musical : tissus lancinant dont on goûte les subtilités de prime abord, mais diluées durant une heure et quart quand dix minutes suffisent à s’en faire l’idée. Une machine à tourner en rond ! Ce n’est pourtant pas faute d’originalité – avec douze instruments des plus choisis : un piano, un accordéon, une flûte basse, deux clarinettes basses, un saxophone, un cor, deux violoncelles, auxquels s’ajoute la percussion de matériels de cuisine. Mais le tout manque de ressort, sauf quelques passages fugaces de chant, entre un texte indéfiniment déroulé.
Et pourtant la réalisation n’appelle que des éloges. Le décor représente une maison à trois étages, avec sa cuisine, son salon, sa chambre à coucher, où se répartissent les musiciens et à l’occasion des solistes vocaux lors de leurs déplacements. Ces derniers occupent aussi le devant de scène de leurs gesticulations et élucubrations. Le tout dans des couleurs vives et des éclairages choisis. Bravo à Jérôme Deschamps et son équipe, dont Macha Makaïeff pour les affriolants costumes ! Les musiciens du Klangforum Wien sont irréprochables sous la battue scrupuleuse de Jean Deroyer. Les solistes tout autant : Lionel Peintre, Jean-Sébastien Brou, Doris Lamprecht et Donatienne Michel-Dansac, dans l’élocution et leur rares, mais vocalisés, moments chantés. Au bout du compte, un joli spectacle, à voir et à suivre, plus qu’à écouter.

Billy Budd fait escale
C’est une production âgée de plus de quinze ans que la Bastille reprend avec Billy Budd. On ne saurait dire que la mise en scène de Francesca Zambello a vieilli, mais bien plutôt qu’elle a mûri. Le spectacle avait marqué en son temps, en 1996 lors de sa création officielle à Bastille (reprise toutefois de celle du Grand Théâtre de Genève en 1994), qui avait justifié son retour en 1998 et en 2001. Depuis, le temps a passé, et le souvenir que nous en gardions également. Mais il semble que le travail scénique ait gagné en précision, en efficacité : gommant certaines lourdeurs et effets appuyés d’origine, pour parvenir à une sorte de geste épuré. Il y a donc moins d’athlètes exhibant leur musculature sur des filins, et davantage de jeu intérieur des personnages, dans des situations et mouvement mieux que jamais réglés. Cette histoire d’hommes enfermés dans leur navire et leurs tourments intérieurs – campée par une femme metteur en scène – retrouve une vérité d’accents que nous n’avions pas sentie à ce degré en 1996. Nous en souvient-il…
Et ce, d’autant que la restitution musicale s’immerge quasi idéalement. Kim Begley, Lucas Meachem et Gidon Saks sont l’incarnation même du Capitaine, de Billy Budd et de Claggart, le trio autour duquel le drame se noue, éminemment crédibles scéniquement comme vocalement. Le reste d’une pléthorique distribution, le chœur et l’orchestre, la direction acerbe et pointilliste de Jeffrey Tate (un retour, également), tout concourt à une sorte de regain victorieux de l’opéra de Britten. Une arrivée à bon port après tant d’années.

A la Bastille : « Billy Budd », avec Lucas Meachem (Billy Budd), Gidon Saks (John Claggart) et John Easterlin (Squeak). Yuri Kissin (Dansker), au second plan.
Crédit : Opéra national de Paris/ Ian Patrick.

La Provençale et sa Parodie
Il était de coutume au XVIIIe siècle que les ouvrages à succès suscitent leur parodie. Ainsi de la Provençale, petite bergerie due en 1722 à Jean-Joseph Mouret et dont s’éprit la Pompadour, que singera la Fille mal gardée de Charles-Simon Favart et Egidio Duni un peu moins de trente ans plus tard. La trame reste la même, mais la musique du “ballet” (ou intermède chanté faisant place aux danses), se colore de teintes moins enrubannées, avec des touches de chansons populaires. Sachant que dans l’un et l’autre cas on n’atteint pas au grand art, ni même à l’inspiration à venir d’un Grétry ou d’un Dalayrac pour l’opéra-comique français de la fin de ce siècle. La production donnée à la salle Favart (comme il se doit !) est signée Jean-Luc Impe, qui dirige également la poignée d’instrumentistes, qui avec cinq solistes vocaux et deux danseurs forment la compagnie des Menus-Plaisirs du Roy. Un spectacle léger, fait de riens, de gestes, de costumes et de poses bien placés. On aura goûté le joli chant de Stéphanie Gouilly et l’excellente diction de Stéphan Van Dyck. Un petit plaisir, d’ordre davantage esthétique – ou historiciste – que musical.

François-Xavier Roth

Académismes d’académiciens
Toujours à l’Opéra-Comique, dit salle Favart, François-Xavier Roth fait une pause entre deux Mignon qu’il dirige, pour un concert en l’honneur des directeurs s’étant succédés à la tête du Conservatoire de Paris. Ambroise Thomas, l’auteur de Mignon, Fauré, Henri Rabaud, Théodore Dubois et Auber, sont ainsi honorés le temps d’une soirée. Roth est cette fois face à son propre orchestre, les Siècles, sur instruments d’époque. Mais laquelle ?… puisque les pièces présentées vont de 1828 à 1899, du style opéra-comique à grand renfort de grosse caisse, à celui crypto-wagnérien. Et hormis pour Fauré, dans une Ballade ici interprétée sèchement par le piano de Vanessa Wagner, ces petites pages inconnues paraissent mériter de le rester. Des musiques académiques récapitulées des langages alors enseignés… Notons aussi que Roth et sa splendide phalange semblent mieux à leur affaire au début du XIXe siècle qu’en sa fin. Difficile d’être de tous les siècles !…

Jeunes voix pour Schumann
L’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris offre un récital Schumann multiple, comme le sont ses intervenants. Les deux célèbres cycles espagnols (Spaniches liederspiel et Spanische Liebes-lieder), celui de Maria Stuart, et d’autres lieder accompagnés au piano font ainsi alterner douze voix, par ensemble ou en solistes. Pour de jeune chanteurs non encore parfaitement aguerris, s’affirme le métier déjà reconnu de Zoe Nicolaidou, Alisa Kolosova, Olivia Doray, Carol García et Manuel Nuñez Camelino.

Pierre-René Serna