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Grand Palais, Paris
Paris : Nature et idéal

A voir au Grand Palais : Nature et idéal, le paysage à Rome, 1600-1650.

Article mis en ligne le avril 2011
dernière modification le 20 août 2011

par Régine KOPP

Amoureux de l’Italie, cette exposition, qui célèbre l’histoire de la peinture de paysage et que le musée du Louvre a conçue en collaboration avec le musée du Prado de Madrid, réunissant quatre-vingt œuvres et une trentaine de dessins, est un festin pour l’œil et une délicatesse pour l’esprit.

C’est à Rome, dans la première moitié du XVII° siècle que le paysage ce genre profane devient un genre autonome dans la peinture européenne. Plusieurs facteurs expliquent que cet essor du paysage peint est parti de Rome. La Ville éternelle attire les artistes non seulement de toute l’Italie mais aussi de France, d’Allemagne ou des Pays-Bas, qui viennent compléter leur formation et sont séduits par les beautés antiques de la ville mais aussi par sa lumière.

Quelques étapes marquantes
Ce n’est donc pas un hasard si dix-huit des trente-trois artistes montrés dans l’exposition, sont nés hors de l’Italie. Il y a aussi le goût croissant pour le dessin sur le motif et son réemploi dans l’œuvre peinte en atelier, car rares sont les paysages peints en plein air, à cette époque-là. Mais ce sont surtout les tableaux de petit format, très appréciés des amateurs, aristocrates ou issus des familles pontificales, ou ceux que les artistes remportaient dans leur pays d’origine, qui ont contribué à leur diffusion. Pour les commissaires, cette exposition, consacrée exclusivement aux origines et à l’histoire de ce genre, est donc une première.

Le parcours s’organise de manière chronologique et s’articule autour de quelques étapes marquantes, rassemblant des artistes très différents, entre lesquels se sont opérés des échanges souvent fructueux. Une première section est consacrée à Annibal Carrache (1560-1609), qui élabore un nouveau type de peinture représentant la nature, harmonieusement structurée, à l’origine du paysage idéal. Son Paysage fluvial (1590/1609) est remarquable pour sa facture fluide et alerte et ses vues du lointain rendues par des dégradés de couleurs d’une grande vivacité. Par la suite, il remplace la vision lyrique d’une nature vierge par la poésie plus solennelle d’un paysage rigoureusement construit, servant de cadre à des actions humaines précises, dont La Fuite en Egypte (qui au dernier moment n’a pas été prêtée par la Galleria Doria Pamphilj) est considéré comme une œuvre fondatrice du paysage classique. Dans le sillage de Carrache, il y a encore Francesco Albani (1578-1660), dit l’Albane qui parvient à une maîtrise complète de ce classicisme idyllique et dont témoignent deux œuvres prêtées par la Galleria Borghese, La Toilette de Vénus et Vénus et Adonis.

Artistes du Nord
A la disparition de Carrache, le relais est pris par Domenico Zampieri, dit le Dominiquin (1581-1641) qui se consacre à la peinture de paysages avec des petits formats, traitant de sujets familiers comme le Paysage avec laveuses de linge (1603), bientôt abandonnés pour des thèmes bibliques (sa Fuite en Egypte (1621/23) est plus sauvage que celle de Carrache plus mesurée) ou des sujets mythologiques. Tout au long du parcours, les commissaires se réfèrent aux artistes du Nord de l’Italie : l’Allemand Adam Elsheimer (1578-1610) dont le réalisme minutieux et les effets lumineux de ses petits tableaux, émerveillent ses contemporains tandis que les Flamands comme Paul Bril (1554-1626) avec sa Vue du port (1612) ou Cornelis van Poelenburgh (1594-1667) avec Paysage avec ruines dans la campagne (1617/21) se spécialisent dans les représentations des ruines de Rome, avec un goût prononcé pour les variations lumineuses. D’autres artistes viennent de Naples ou de Toscane, comme Pierre de Cortone (1597-1669) qui peint non seulement les propriétés de ses protecteurs mais aussi des vues imaginaires, dans lesquelles l’organisation de la composition est transcendée par une vision grandiose et pittoresque.
Diego Vélasquez (1599-1660) fait aussi le voyage à Rome, où il séjourne un an, chargé de rechercher des antiques et des maîtres de la Renaissance pour enrichir les collections royales mais se passionne, comme ses contemporains, pour la peinture de paysage. Sa Vue du jardin de la Villa Médicis, à Rome (1629/30) est exceptionnelle par l’aspect à la fois quotidien et informel des motifs et des personnages représentés.

Les dernières salles sont pour l’essentiel dédiées aux carrières de Claude Lorrain (1600-1682) et Nicolas Poussin (1594-1665) qui ont passé l’essentiel de leur carrière à Rome. Le Lorrain élabore progressivement une esthétique personnelle, centrée sur la restitution des effets atmosphériques, qui séduiront ses clients aristocrates ou ecclésiastiques de haut rang. Il transforme dans ses tableaux la campagne romaine en un lieu privilégié pour évoquer des sujets de l’histoire sacrée (Moïse, Saint-Antoine, l’archange Raphaël et Tobie) ou mythologique comme l’enlèvement d’Hélène. Son Paysage avec un berger (1634/35), une œuvre qu’il conserva toute sa vie, pour pouvoir se servir comme modèle des différends types de feuillages, dégage un sentiment de calme et de sérénité. Sa toile plus tardive, qui date de 1636, Vue d’un port avec le Capitole, montre une scène quotidienne qui s’ouvre sur un horizon lointain et un ciel aux teintes dégradées.

Centre artistique reconnu
Quant à Nicolas Poussin, installé à Rome depuis 1624 et lié d’amitié avec Le Lorrain, jusqu’à ses dernières années, c’est Le Titien, qui inspire ses premières représentations de la nature. Dans Grottaferrata avec Vénus, Adonis et une divinité fluviale (1626), il offre un cadre sensuel à des sujets mythologiques. En 1637, quand il peint Pan et Syrinx, la végétation enveloppe littéralement les personnages. Vers 1638, le Lorrain et Poussin sont associés aux meilleurs peintres, les uns travaillant en Italie, d’autres dans les Flandres, pour réaliser un ensemble exceptionnel de paysages destiné au palais du Buen Retiro à Madrid, un édifice disparu au début du XIX° siècle. Au cours des années 1640, les paysages de Poussin évoluent vers une vision plus intellectuelle, comme dans le Paysage avec les funérailles de Phocion (1648), où l’histoire prend place dans un paysage d’une ampleur exceptionnelle.

Au même moment, les grands paysages de Claude Lorrain deviennent plus grandioses et se révèlent toujours plus raffinés, uniques dans son art de restituer les effets du soleil couchant, inspirant les générations futures surtout en Angleterre, où son influence perdure, au moins jusqu’à Turner et fournissant des modèles de référence pour la peinture du paysage jusqu’au XIX° siècle. Bien avant Paris, dont on connaît l’importance de son foyer artistique à la fin du XIX° et au début du XX° siècle, c’est donc Rome qui, grâce à l’essor du paysage peint s’affirme comme nouveau centre artistique, dans cette première moitié du XVII° siècle. Un sujet auquel aucune exposition n’avait encore été exclusivement consacrée et auquel ce parcours chronologique rend hommage !

Régine Kopp

Jusqu’au 6 juin 2011

Informations, billets, sur www.rmn.fr