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Centre Pompidou, Paris
Paris : Man Ray, Picabia

Focus sur la revue « Littérature »

Article mis en ligne le 5 août 2014
dernière modification le 12 septembre 2014

L’exposition « Man Ray, Picabia et la revue Littérature (1922-1924) » présentée par le Centre Pompidou éclaire une période cruciale de l’histoire de l’art moderne, entre la fin du mouvement Dada et l’avènement du surréalisme, en s’appuyant sur les vingt-six projets de couvertures conçues par Francis Picabia pour la revue « Littérature » au début des années 1920.

Jusqu’à une date récente, seule leur version imprimée était connue. En 2008, les dessins originaux de Francis Picabia, dont quinze restaient inédits, étaient révélés par la galerie 1900-2000 à qui Aube Elléouët-Breton avait confié les œuvres retrouvées dans une simple enveloppe. Grâce à l’engagement de Sanofi, mécène de l’acquisition, cet ensemble exceptionnel vient d’entrer dans les collections du Centre Pompidou. Il est dévoilé pour la première fois au public.

Cette exposition met aussi en exergue la contribution de Man Ray. Installé à Paris depuis 1921, c’est dans « Littérature » que le photographe américain divulgue en effet pour la première fois des images devenues des icônes de la modernité photographique, comme Le Violon d’Ingres ou encore l’Élevage de poussière de Marcel Duchamp.

En pages intérieures, « Littérature » comprend aussi des œuvres de Picasso, Max Ernst et Robert Desnos. En 1922, André Breton était resté le seul responsable de la revue, après le départ de Louis Aragon, puis de Philippe Soupault avec qui il l’avait fondée en 1919. Pour marquer ce changement de cap de la revue, Breton décide alors de remplacer l’image de couverture créée par Man Ray par des dessins, toujours différents, de Francis Picabia auquel il donne carte blanche pour chaque numéro.

Dans la carrière de l’artiste, ces dessins se situent entre les œuvres mécanomorphes et les Espagnoles. Leur style graphique très linéaire constitue une réponse ironique de Picabia à la vogue du « retour à Ingres » prôné par les anciens cubistes, qu’il brocarde régulièrement.

Plusieurs couvertures peuvent ainsi être rapprochées de l’univers du maître de Montauban, comme par exemple l’irrévérencieuse interprétation faite du Bain turc. Picabia emprunte aussi à l’imagerie religieuse, à une iconographie érotique, à celle des jeux de hasard. Ces encres révèlent enfin un Picabia animalier : cheval, babouin, tigre, chien ou biche, sans doute inspirés par des ouvrages de vulgarisation, côtoient divers personnages dont certains appartiennent à l’univers du cirque ou du music-hall. Plusieurs dessins semblent concerner les auteurs de la revue elle-même à laquelle Picabia apporte régulièrement sa contribution littéraire. L’artiste joue des contrastes prononcés du noir et du blanc qui rappellent ses peintures au Ripolin de la même époque comme le Dresseur d’animaux, conservé au Centre Pompidou, dont l’iconographie est d’ailleurs voisine.

Par Christian Briend, commissaire de l’exposition, conservateur au cabinet d’art graphique, musée national d’art moderne
Et Clément Chéroux, commissaire de l’exposition, conservateur, chef du cabinet de la photographie, musée national d’art moderne

Jusqu’au 8 septembre 2014