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Musée d’Orsay
Paris : Mahler intime

Focus sur Mahler au musée d’Orsay

Article mis en ligne le 2 mai 2011
dernière modification le 2 juin 2013

par Pierre-René SERNA

Le centenaire de la disparition de Mahler est particulièrement célébré à Paris, où se disputent les intégrales de ses symphonies au concert, en compagnie de quasiment toutes ses autres pages musicales. Quelle revanche ! pour un compositeur injustement ignoré du grand public jusqu’au célèbre film de Visconti, Mort à Venise en 1971. Mais l’exposition « Gustav Mahler » au Musée d’Orsay se distingue, qui vise à une sorte d’intimité avec l’homme et l’artiste.

La première chose qui frappe dans cette exposition est son caractère discret, presque dérobé : trois petites salles en enfilade, nichées dans un coin en mezzanine de la vaste nef d’Orsay. Le visiteur non averti (ou l’un des nombreux touristes qui envahit à toute heure ce musée obligé des circuits parisiens) pourrait ne pas s’en apercevoir, passer son chemin et passer outre une petite porte d’accès anodine. On le souhaiterait presque. Car il convient de flâner comme dans un salon, dans un lieu préservé, propice à la rêverie.

C’est l’avantage et le défaut de cette exposition. Il faut donc saisir l’instant, entre deux moments où les hordes déambulantes prennent d’assaut les minuscules salles et empêchent tout regard quelque peu serein. Car, alors que les concerts mahlériens parisiens font chorus et fanfare, c’est à une invitation dans les secrets du musicien que convient les images exposées. Reste ainsi à vagabonder et à picorer, entre les témoignages d’époque, photographies, coupures de journaux, lettres, manuscrits… les échos des contemporains, à travers peintures, dessins, gravures, sculptures… Le tout, en petit format, sur les murs formant cimaise ou dans des présentoirs au centre des salles. L’échelle est donnée, offerte à une proximité amicale.

On goûte la scénographie, qui ponctue la présentation des pièces d’un parcours musical, celui de la Quatrième Symphonie, la plus légère et joyeuse, sur fond d’une bande-son (évidemment !) mais que l’on peut suivre, feuille de partition après feuille, sur un présentoir tout du long, ponctué d’un éclairage marquant le moment précis entendu. S’agissant par ailleurs d’une copie d’un manuscrit autographe du maître lui-même, dont on peut repérer les corrections et remords, offert pour finir le trajet dans son état original sous une vitrine.

Se signale aussi une vidéographie montrant Alma Mahler à la fin de sa vie, dans son appartement new-yorkais, avec son tempérament irascible (quand elle ordonne sèchement à sa fille ! Alma ne devait pas être une compagne de tout repos…). Au fil des documents, on relève une page de journal d’époque figurant Mahler sur son lit de mort, faisant face à une réclame pour on ne sait quel produit pharmaceutique orné d’une Mort et sa faux. Cohabitation à l’ironie macabre… Ou alors une caricature du musicien dédaignant un postulant timide… qui n’est autre que Mozart. Ou, plus sérieusement, les magnifiques gravures de Carl Moll, dans un style symboliste- expressionniste, représentant les différentes maisons de Beethoven… Ou les esquisses et maquettes des scénographies d’Alfred Roller, autre ami plasticien de Mahler, tout aussi belles dans leur cadre Art déco… On peut aussi être touché par quelques objets familiers : une baguette ayant appartenu au grand chef d’orchestre que fut ce compositeur, son stylographe, ses (éternelles) lunettes…

Et pour prolonger le souvenir de cette exposition, rien de tel que de lire et feuilleter son catalogue, qui n’est autre que l’ouvrage de Christian Wasselin (par ailleurs collaborateur éminent de Scènes Magazine), chez Gallimard-Découvertes, richement illustré (et beaucoup plus en ce sens que l’exposition elle-même) et rédigé dans un style dont l’enthousiasme ravira mélomanes et amateurs d’art.

Pierre-René Serna

Jusqu’au 29 mai.