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Exposition à la Cité de la Musique
Paris : "Lénine, Staline et la musique"

Suite d’une réflexion autour du totalitarisme politique...

Article mis en ligne le décembre 2010
dernière modification le 29 janvier 2011

par David VERDIER

Dans le cadre de l’année France-Russie, la Cité de la Musique propose un passionnant parcours, du 12 octobre au 16 janvier, autour de la thématique Lénine, Staline et la musique ; une exposition est accompagnée de concerts, forums, projections de films. Cette réflexion autour du totalitarisme politique avait été amorcée en 2004 avec l’exposition Le Troisième Reich et la musique.

L’exposition dévoile sur deux étages l’évolution de la vie musicale et culturelle, de la Révolution de 1917 à la mort de Staline en 1953. Au total, environ 400 œuvres sont exposées, certaines d’entre elles pour la première fois en France. Tout commence dans l’allégresse des premières années de la révolution, avec l’explosion créative tout azimut des peintres, poètes et musiciens, occupés à célébrer la modernité bolchevique. On mesure d’autant mieux dans la deuxième partie la plongée dans l’obscurantisme intellectuel et artistique, marquée par le pouvoir stalinien.

Motivations des artistes
On comprend mieux les motivations qui tantôt attirent les artistes vers cette utopie, tantôt les pousse à la fuir. Parmi les noms célèbres, on remarque Igor Stravinsky et Serge Rachmaninov, tandis que d’autres comme Prokofiev, décident de rentrer et subissent de plein fouet la répression du régime.
Le cas des compositeurs officiels est abordé dans le détail, pris en tenaille entre leur obligation de propagande du pouvoir et l’expression de leur sensibilité propre. Ainsi, Chostakovitch évoluant de partitions novatrices à des pièces d’allégeance.
La première partie de l’exposition se referme sur ce divorce consommé entre les tenants de l’avant-garde artistique et les défenseurs du dogmatisme prolétarien qui prônent une musique populaire au service de la révolution. Le réalisme socialiste, prôné par Staline, s’impose après "le grand tournant" de 1929.

L’art officiel
La deuxième partie présente l’art officiel qui règne sans partage sur la Russie soviétique. C’est l’heure des grandes purges et de la terreur instituée en principe politique. Personne n’échappe à la censure d’Etat de Jdanov, pas même le grand metteur en scène Vsevolod Meyerhold, assassiné en secret, Dmitri Chostakovitch et tant d’autres contraints à prononcer leur autocritique. Durant la Seconde Guerre mondiale, "la grande guerre patriotique" exige des compositeurs des œuvres diffusées par haut-parleurs dans les villes assiégées comme Leningrad.

Dans les goulags
Une place particulière est faite à la culture juive de cette époque et la manière dont elle fut opprimée par le régime. Une section nous fait découvrir la vie artistique et musicale dans les goulags à travers une série de photos inédites particulièrement émouvantes ainsi que plusieurs instruments confectionnés par les prisonniers. On mesure avec effroi le sort de ceux qui étaient frappés de "formalisme" et poursuivis par la police politique comme la poétesse Anna Akhmatova.

Ironie du sort, et point de conclusion de cette exposition, la disparition le même jour de Staline et de Prokofiev, persécuté et isolé.
La diversité des œuvres exposées est impressionnante : Partitions et manuscrits autographes, maquettes de décors d’opéras, affiches, tableaux, photographies… saluons au passage le travail méticuleux du commissaire de l’exposition, Pascal Huynh.

David Verdier