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Théâtre de l’Odéon
Paris : “Gertrude (Le Cri)“

A l’Odéon, Giorgio Barberio Corsetti signe la mise en scène de Gertrude (le cri).

Article mis en ligne le février 2009
dernière modification le 23 mars 2009

par Despoina NIKIFORAKI

Le Théâtre de l’Odéon ouvre grandes ses portes pour accueillir non pas une, mais quatre des œuvres d’Howard Barker.

Un spectacle cristallin
Dramaturge britannique de haut vol, auteur de plus de cent pièces, Barker est certainement un homme de théâtre accompli sous toutes les facettes de la création dramatique. Il est lui-même metteur en scène, théoricien, scénographe et artiste visuel. Son œuvre magnétise le regard du public parisien et new-yorkais.
Giorgio Barberio Corsetti, aventurier confirmé de la scène des grands théâtres et de l’Opéra, signe la mise en scène de Gertrude (le cri) ; le spectacle fait éclore le texte de Barker sous son plus bel aspect, rencontre artistique d’exception entre un auteur et le metteur en scène. Dans un ensemble traversé par des formes épurées, où rien ne paraît truqué, le résultat est époustouflant.

« Gertrude (le cri) » de Howard Barker

L’intrigue de Gertrude (le cri) tourne autour de l’histoire d’Hamlet, désaxée et montrée sous le prisme de la relation d’amour passionnel entre la reine et Claudius. Cet amour-passion est subtilement travaillé jusqu’aux confins de l’extase, frôlant à la fois l’obsession érotique et l’obscénité. Loin de la dimension épique de Shakespeare, Barker concentre l’action en cercle presque familiale, la tragédie fait surface sous une langue profonde et fluide, retentissant un cynisme aigu mais nullement vulgaire. Les personnages se dessinent des traits clairs et charnels. Tous les caractères ont trouvé leur ancrage de singularité, merveilleusement incarnés par les comédiens. Gertrude, dont le rôle est joué par Anne Alvaro, exhibe de façon sensationnelle ses jambes et ses souliers jusqu’à rencontrer le fétichisme des Surréalistes. Et le simple costume-cravate se transforme, sur scène, en peinture vivante de Magritte.

Illusion théâtrale
La scénographie est grandiose et gracieuse. Limpide et cinétique, elle suit le mouvement du texte ; en un clin d’œil, elle renverse le rapport intérieur/extérieur, elle fait disparaître et, de nouveau, apparaître des éléments du décor. Elle crée à la fois une image et son reflet. La théâtralité n’est pas mise en distance : un dispositif spectaculaire dévoile, en guise de conclusion de la pièce, le jeu de l’illusion théâtrale. Le décor se relève dédoublé, photographié dans une perspective de sa réalité virtuelle. L’action s’y reflète dans une double optique et interprétation.

La musique est vibrante, nécessaire et à sa juste place. Jouée par Baptiste Vay, elle tient toute la pièce en équilibre. Les lumières éclairent ingénieusement le plateau, évitant la surexposition de la scène. D’emblée, elles créent une vraie atmosphère intimiste et onirique qui cadre l’action et la scénographie sans la déborder.
Le spectacle de Barberio Corsetti témoigne d’un travail méticuleux, d’orfèvrerie, au service du grand texte d’Howard Barker, et sans pour autant manquer de surprises scéniques ni de contemporanéité.

Despoina Nikiforaki

Le spectacle est joué à l’Odéon – Théâtre de l’Europe, Paris (6e), jusqu’au 8 février.