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Théâtre Marigny, Paris
Paris : Feydeau-Françon

Feydeau-Françon : mariage raté ...

Article mis en ligne le avril 2011
dernière modification le 29 avril 2011

par Julien LAMBERT

Quatre pièces de Feydeau pour re-re-re-redire les joies suffocantes du mariage. Où comment Alain Françon re-re-re-retombe quadruplement dans le panneau du vaudeville littéral, guère aidé par le fait de disposer d’un trop beau plateau d’histrions.

Il arrive que lorsqu’un metteur en scène se lance dans une entreprise annoncée vaine d’avance, il ne veuille souvent pas faire les choses qu’à moitié. Qu’Alain Françon, metteur en scène pas franchement rock and roll, spécialisé un temps dans la paranoïa apocalyptique d’un Edward Bond, s’attaque aux comédies courtes de Feydeau, c’est déjà surprenant ; mais il fallait qu’il en monte quatre de suite, découpées en deux services. Du Feydeau au prix de gros, alors que ce genre de mignardise théâtrale se goûtera de préférence à doses délicates, sous peine de gaver son auditoire. Or là où Gian Manuel Rau s’en était tiré excellemment au Vieux-Colombier, en alternant trois pièces de formes et de sujets très différents qui circonscrivaient un Feydeau virtuose par les tangentes de l’art du rire, Françon se plante en accumulant quatre pièces taillées sur un chablon très similaire, aussi bien dans la forme que dans le fond. S’il s’était agi d’une recherche universitaire, on aurait pu comprendre...

« Du mariage au divorce ».
Mention : Michel Corbou.

Mise en scène purgative
Sous le titre générique – lui aussi gros comme le théâtre Marigny – Du Mariage au divorce, il regroupe quatre comédies qui mettent toutes le couple en crise ; ou plus exactement, qui le montrent en crise par nature, et déploient à partir de situations larvées tout l’arsenal humoristique du conflit conjugal. Le titre laisse donc faussement croire qu’une progression se dessine d’une pièce à l’autre, alors qu’il n’en est rien. Monsieur et Madame s’engueulent dans On purge bébé parce que Monsieur s’entête à commercialiser la porcelaine de ses pots de chambre au lieu de déboucher son fils, Monsieur et Madame s’écharpent dans Feu la mère de Madame parce que Monsieur rentre de soirée ballonné et fauché, Madame en remet une couche dans Léonie est en avance parce que Monsieur a le culot de ne pas être enceinte à sa place, Monsieur pique une dernière crise contre Madame dans Mais n’te promène donc pas toute nue parce que... Madame se promène toute nue, pardi. (S’il y a une chose à éviter, avec Feydeau, c’est la littéralité.) D’une pièce à l’autre, Monsieur et Madame changent de nom, mais guère de travers. Encore eut-il pu être intéressant d’explorer les mécaniques perverses et récurrentes des arguties conjugales, ou de faire exploser avec fracas l’apothéose de la mauvaise foi et du cynisme marital, mais c’est encore raté. Françon passe à côté de la nuance en travaillant l’humour à la truelle, préférant aux chemins de traverse les « boulevards » du rire facile ; il fait un pet dans l’eau plutôt que de bombarder l’imposture du mariage bourgeois avec fracas, préférant nous tenir à distance avec un ton farcesque, au lieu de jouer la carte de l’horreur crédible.

Flatteuse distribution
Pourtant, maître des climats angoissants quand il s’attaque à Bond, le metteur en scène esquisse parfois des pistes anxiogènes possiblement fertiles, qui retombent hélas bien vite dans la gaudriole appuyée. Du coup, comme toujours quand c’est le gag qui prime, Monsieur et Madame ternissent vite, et ce sont les valets et les hôtes malvenus qui amusent le plus, à l’image d’Eric Elmosnino, qui trouve dans la causticité une alternative aux grimaces redondantes de ses acolytes. Évidemment, de tels acteurs – Gilles Privat, Dominique Valadié... – s’en donnent à cœur joie et se montrent on ne peut plus à l’aise dans ce genre d’exercice. Sûrement un peu trop : pour un acteur, le danger est souvent plus fertile que la sécurité...

Julien Lambert

Théâtre Marigny (Paris 8e), jusqu’ du 11 janvier 2011 au 9 mai 2011 ; www.theatremarigny.fr ; Réservations : +33 1 53 96 70 00