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Sur les scènes parisiennes
Paris : Festival d’Automne

Paris présente un festival d’automne fidèle à l’esprit de son directeur disparu.

Article mis en ligne le septembre 2010
dernière modification le 14 décembre 2011

par Régine KOPP

Présentant la programmation du dernier festival d’automne, nous concluions par un hommage à Alain Crombecque, n’imaginant cependant pas qu’il disparaîtrait brutalement quelques semaines plus tard. En attendant la nomination d’un nouveau directeur, ce sont les directrices générales Marie Colin et Joséphine Markovits, familières de la manifestation, qui ont signé cette programmation, mélangeant événements et découvertes, stars et artistes moins connus, selon une formule qui a fait ses preuves et à laquelle tient le public.

Le mois de septembre est tout d’abord marqué par quelques temps forts de théâtre. Peter Stein revient au festival d’automne, après trente cinq ans et met en scène (18-26 septembre) son adaptation du roman de Dostoïevski, Les Démons, dans un spectacle fleuve de près de douze heures. Autres moments attendus, la mise en scène de La Cerisaie de Tchékov par Julie Brochen (22 septembre-24 octobre) mais aussi celle des Chaises d’Eugène Ionesco par Luc Bondy, qui se saisit de ce vieux couple pour chercher à montrer les êtres à l’endroit de la fêlure (29 septembre-23 octobre).
On se souvient du choc produit par le théâtre de Tadeusz Kantor. Le public pourra découvrir (11,12,14, 15 septembre), un autre maître du théâtre polonais Krystian Lupa, dont le spectacle Factory2 prend appui sur Andy Warhol et l’underground new-yorkais. Au théâtre de la Colline (9-30 septembre), c’est la Compagnie d’Ores et Déjà qui interroge les années de la terreur, se demandant pourquoi un seul homme, Robespierre, peut être tenu pour responsable de la violence de cette période. Théâtre encore avec le projet de Nicolas Bouchaud et Eric Didry au théâtre du Rond-Point (16 septembre au 16 octobre), La loi du marcheur, où le cinéma s’invite dans le jeu des acteurs. Pour les amateurs de musique, le mois de septembre offre plusieurs concerts de musique classique indienne, à la maison de l’architecture.

« La Cerisaie »
© Franck Beloncle

En octobre, le voyage théâtral se poursuit avec des artistes japonais, iraniens, anglais , argentin, russe. Toshiki Okada présente Hot Pepper, Air Conditioner and the Farewell Speech (2-5 octobre), théâtre dansé qui s’inspire des rues du Japon contemporain. Amir Reza Koohestani dont le théâtre évoque le malaise social en Iran, présente sa nouvelle création, Where were you on january 8th, comme « un collage de réflexions sur tout ce qu’il a raté pendant deux ans », passés à Manchester pour faire son doctorat (5-17 octobre). La compagnie anglaise Divertissement Forcé explore dans un spectacle intitulé The Thrill of it All, avec une ironie ravageuse, les codes de la représentation et de la société marchande (6-9 octobre). Nikolaï Kolyad, dont la troupe est installée à Ekaterinbourg joue un théâtre de répertoire, en respectant la tradition russe, relève le pari de monter une pièce emblématique du théâtre occidental et propose sa vision de Hamlet, comme une grande fête païenne (7-16 octobre).
Le metteur en scène et dramaturge argentin Claudio Tolcachir a créé Le cas de la famille Coleman, une famille exubérante au sein de laquelle les fêlures subjectives sont palpables et la violence a remplacé le dialogue (16 octobre -13 novembre). En octobre, la danse a rendez-vous au théâtre de la Ville avec Robyn Orlin (5-9 octobre) mais aussi Anne Teresa de Keersmaker (12-16 octobre), tandis que le Centre Pompidou accueillera Alain Buffard avec Tout va bien (13-17 octobre) et Julie Nioche pour un jeu complexe de liberté et de contraintes, Nos Solitudes (27-29 octobre).
La musique honorera un compositeur méconnu au talent singulier : Nikolaï Obouhov, qui dix ans avant Schoenberg avait inventé sa propre technique d’écriture dodécaphonique, dans une œuvre monumentale et lacunaire, Le Livre de vie (22 octobre). La musique célèbrera en novembre deux grands noms de compositeurs György Kurtag et Helmut Lachenmann .

Le compositeur Bruno Mantovani
© Editions Lemoine / Christophe Daguet

A l’opéra Garnier (2 novembre), c’est l’Ensemble Musikfabrik qui interprétera une vaste épopée musicale pour chœur et instruments Colinda-Balada ainsi que les Quatre Poèmes d’Anna Akhmatova, pour soprano et ensemble de Kurtag, tandis qu’au Bouffes du Nord (29 novembre) on pourra entendre Got Lost pour voix et piano de Helmut Lachenmann, accompagné d’œuvres d’autres compositeurs, Mark Andre, Pierluigi Billone, Frédéric Pattar. La salle Pleyel accueillera le 6 novembre Pierre Boulez qui dirigera l’Ensemble Modern Orchestra pour la création de Bruno Mantovani, Postludium ainsi que des œuvres de Schoenberg. L’orchestre symphonique de Baden-Baden et Freiburg avec à sa tête Sylvain Cambreling donnera la Symphonie n° 3 d’Anton Bruckner et Nun de Helmut Lachenmann. Après avoir adapté La Tragédie de Carmen, avec une économie de moyens stupéfiante, Peter Brook s’attaque à La Flûte enchantée de Mozart dans le cadre intime et envoûtant des Bouffes du Nord (9 novembre-31 décembre).
Le mois de novembre permet aussi de retrouver tg Stan au théâtre de la Bastille (2-13 novembre) pour une nouvelle création Le Tangible, qui cherche à aborder sur scène les conflits moyens-orientaux sans trop de parti pris. Au théâtre de la Ville, plusieurs soirées (3-6 novembre, 9-13 novembre) seront consacrées à la compagnie de Merce Cunningham, tandis qu’au Centre Pompidou (17-21 novembre), Mathilde Monnier, la chorégraphe, rencontre un peintre, Dominique Figarella, créant un opéra hybride Soapéra, où les lois de la peinture servent de base au mouvement et les gestes chorégraphiques rappelleront le mouvement des pinceaux sur la toile. La chorégraphe Mette Ingvartsen cherche à penser les nouveaux modes d’être et d’apparaître du corps, tirant sa diversité d’un croisement entre danse et médias. Avec Giant City, monté à la Cité Internationale (18-20 novembre), c’est le tissu flexible de l’espace urbain qui devient objet d’investigation. Miguel Gutierrez, qui a imposé sur la scène new-yorkaise un style explosif, nous fait basculer avec Last Meadow de l’autre côté de l’écran dans l’univers de James Dean (25-28 novembre).

Patrice Chéreau
Photo Nontas Stylianidis

En décembre, on ira chercher les découvertes du côté du théâtre : avec la mise en scène très attendue de Patrice Chéreau de Rêve d’automne de Jon Fosse (4 décembre-25 janvier) et une belle brochette d’acteurs comme Valeria Bruni-Tedeschi, Bulle Ogier, Michèle Marquais, mais aussi la mise en scène de Claude Régy, qui choisit des extraits des Oiseaux du Norvégien Tarjei Vesaas intitulant son texte Brume de Dieu, promet des moments de théâtre passionnants. Le cinéma consacre du 2 décembre au 22 janvier, une vaste rétrospective à Werner Schroeter. Quant au projet dédié aux arts plastiques, il a été confié à Walid Raad, qui a engagé une recherche autour de l’histoire de l’art moderne et contemporain dans le monde arabe, avec une exposition au Centquatre et une performance (6 novembre au 5 décembre).
Cette 39° édition du Festival d’Automne, à laquelle Alain Crombecque « aura secrètement beaucoup œuvré avant de disparaître » est une très belle manière de lui rendre hommage et sera pour le public l’occasion de belles rencontres, privilégiant l’émotion et l’émerveillement poétique, ainsi que le souhaitait Alain Crombecque.

Régine Kopp