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Sélection danse : Opéra national de Paris
Paris, danse : “Onéguine“

L’Opéra national de Paris programmait Onéguine créé par John Cranko.

Article mis en ligne le juillet 2009
dernière modification le 13 juillet 2009

par Stéphanie NEGRE

Rares sont les ballets de John Cranko dansés sur les scènes parisiennes. En effet, le danseur et chorégraphe sud-africain a principalement créé pour les grandes compagnies anglo-saxonnes, comme le Royal ballet de Londres où il débuta comme interprète en 1946 ou le Ballet de Stuttgart qu’il dirigea de 1960 à sa mort en 1976.

Créé en 1965 par le Ballet de Stuttgart, Onéguine est considéré comme l’un de ses chefs-d’œuvre ; il connait d’ailleurs très vite un grand succès dont l’apothéose sera la soirée inaugurale de la réouverture du Metropolitan Opera House de New York en 1969. Présenté du 16 avril au 20 mai 2009, il fait son entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris.
Reprenant l’intrigue du poème de Pouchkine, Onéguine est un ballet particulièrement réussi et cela à plus d’un titre. D’abord sur le plan de la chorégraphie, John Cranko nous offre des pas de deux pleins de grâce avec des portés extrêmement audacieux qui semblent se jouer de la pesanteur ; ces mouvements inédits, très beaux, font de leur auteur l’un des maîtres du style néo-classique. Ensuite, les décors et les costumes de Jürgen Rose – scénographe qui travailla avec John Cranko à partir de 1973 – sont simples et raffinés, avec un emploi intéressant des velums pour créer différents tableaux simultanés dont le plus saisissant sera celui où, au final, Eugène revoit les grands moments de sa vie. Enfin, ce ballet restitue de manière limpide l’histoire d’Eugène et de Tatiana, deux êtres qui s’aiment mais qui auront la révélation de leur amour à des moments différents, trop tôt pour elle, trop tard pour lui.

« Onéguine », avec Muriel Zusperreguy et Florian Magnenet
Photo Sébastien Mathé

Subtilité
Pour parvenir à exprimer avec la danse ce drame romantique tout en subtilité psychologique, John Cranko donne une grande place à l’interprétation dramatique de chaque rôle, de celui des solistes jusqu’à chacun des membres du corps de ballet. Si le propos est porté par les premiers, l’ambiance et l’état d’esprit sont traduits par les autres et justement, ici, le contexte social – la petite noblesse désargentée de province et la haute société pétersbourgeoise désœuvrée - joue un rôle important dans les rapports entre les deux héros.
Dans Onéguine, chaque scène est en lien avec l’intrigue. On ne trouve à aucun moment, comme dans les grands ballets classiques, ces parenthèses que sont les grands mouvements du corps de ballet ou autres variations, qui bien souvent cassent le rythme de la narration.
D’ailleurs, pour s’affranchir de la chronologie de l’opéra de Tchaïkovski, il élabore avec Kurt-Heinz Stolze, alors chef d’orchestre de l’opéra de Stuttgart, une œuvre musicale originale constituée d’extraits d’autres œuvres du compositeur russe. On l’imagine, dans une telle œuvre, le jeu des interprètes est primordial. Dans le rôle titre, Hervé Moreau a bien su jouer les deux aspects de son personnage, sombre et hautain au début puis, à la fin, détruit, cherchant dans l’amour son salut. De même, Isabelle Ciaravola a réussi à incarner aussi bien l’adolescente romantique que la grande dame écartelée entre la passion toujours vive et l’affection qu’elle porte à son mari. Elle vient d’ailleurs d’être nommée danseuse étoile dans ce rôle. Les seconds rôles, Muriel Zusperreguy, la sœur de Tatiana, Florian Magnenet, le fiancé de celle-ci et Nicolas Paul, prince et mari de Tatiana, ont également su faire vivre les personnages de ce ballet théâtral.
Tous ces éléments concourent à faire de cette œuvre et de ses représentations à l’Opéra de Paris une œuvre juste et émouvante. Ainsi, ce ballet n’est-il pas une simple adaptation d’une œuvre littéraire. John Cranko a créé une œuvre originale, maîtrisée sur tous ses aspects, chorégraphie et dramaturgie. Maître du ballet théâtral, il offre à cette belle histoire d’amour la dimension universelle de la danse, alors que la poésie ne la réservait qu’aux seuls connaisseurs de la littérature russe.

Stéphanie Nègre