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Chronique des concerts
Paris : Concerts - mai 2011

Quelques soirées remarquables à commenter.

Article mis en ligne le 1er mai 2011
dernière modification le 1er décembre 2013

par David VERDIER

Commençons par une curiosité ; celle de lire le nom de Diego Tosi, jeune violoniste de l’ensemble intercontemporain, dans un récital Saint-Saëns à l’auditorium du Louvre. Son interprétation de la sonate n°1 est très sobre et distinguée. Si l’on peut reprocher aux Elégies de se borner à d’aimables dialogues feutrés, le ton n’est jamais trop sucré ou "salonard". Seule référence contemporaine, la pièce Irisations de la compositrice Edith Canat de Chizy permet d’apprécier l’étendue des modes de jeu de l’instrument : récitatifs chuchotés, gammes ascendantes en doubles cordes, polyphonie de pizzicatos et trilles-glissendis très lyriques – quoique un peu "extérieurs" sur la durée. Le lendemain, toujours à l’Auditorium du Louvre, Denis Pascal avait cédé la place au jeune Jean-Frédéric Neuburger. Le quatuor Modigliani offrait un très debussyste quatuor de Maurice Ravel précédant le Concert en ré majeur pour piano, violon et quatuor à cordes d’Ernest Chausson. L’interprétation de ce chef d’œuvre est à la fois très marquée par l’enthousiasme des interprètes et une relative tendance à ne pas "sentimentaliser" l’expression.

Diego Tosi

On retrouvait J.F. Neuburger à la Cité de la Musique, malheureusement très mal accompagné par Michel Tabachnik, dans le concerto n°1 de Liszt. La désinvolture du chef ne rendait pas hommage ce soir-là à l’impressionnante virtuosité du jeune Français. Le curieux rapprochement thématique Liszt/Nono, fruit d’un amalgame oiseux entre "foi" et "engagement", nous permit d’écouter des œuvres rarement jouées à commencer par le quatuor "Fragmente-Stille, an Diotima" du compositeurs italien. Difficile de trouver pour cette partition de meilleurs interprètes que le jeune quatuor éponyme formé en 1996. Malgré plusieurs remaniements (respectivement le premier et le second violon), elle demeure leur cheval de bataille et figure parmi leurs plus beaux enregistrements. Autre pari de cette soirée, l’interprétation "…sofferte onde serene…" pour piano et bande, par François-Frédéric Guy. Mieux connu sous des latitudes romantiques, notamment par le disque, le pianiste français aborde cette œuvre avec la concentration requise. On devine très vite qu’il ne s’agira pas de rivaliser avec le talent du dédicataire de l’œuvre, Maurizio Pollini. La sonate en Si ne fut pas des plus mémorables. François-Frédéric Guy a toutes les bonnes intentions du monde mais cela ne suffit pas à surmonter les pièges d’une partition aussi injouable.

François-Frédéric Guy
© Philippe Stirnweiss

Un passage par l’église Saint-Roch fut l’occasion de réécouter le quatuor Diotima dans un superbe programme Berg-Beethoven donné dans le cadre de l’excellent festival organisé dans le superbe cadre de la chapelle du Calvaire, réunissant pour l’occasion les quatuors Parisii et Parkanyi (ex Orlando). Le choix de la Suite Lyrique est particulièrement adapté au caractère du jeune ensemble. La tension extrême alliée à l’expressivité fantasque de cette pièce sonne d’une manière très appropriée sous leurs archets. On retrouve l’enthousiasme de leur récent enregistrement paru chez NAIVE au début de l’année. Plus ambitieux encore, l’opus 130 de Beethoven (version originale avec la Grande Fugue en conclusion) recule les limites techniques, au risque de mettre à nu certains défauts de justesse – mais comment pourrait-il en être autrement dans un tel programme ?

Quatuor Diotima
© Philippe Stirnweiss

La venue de l’orchestre du festival de Budapest à Pleyel sous la direction d’Ivan Fischer fut l’occasion d’admirer des timbres Mitteleuropa d’une exceptionnelle cohérence. Seule ombre au tableau, une assez mince Danse à l’auberge du Village de Liszt qui n’eut pour mérite que de permettre aux musiciens de se chauffer les doigts avant plusieurs pages orchestrales de Wagner. L’ouverture de Tannhäuser se caractérise par des cuivres non excessivement héroïques, le chef privilégiant le thème des pèlerins malgré des contours amollis et des interventions de la petite harmonie insuffisamment soulignées. Dans l’enchaînement, on ne se réveille pas dans les bras de Vénus mais dans la virile sonorité des Meistersinger. "Virile" est le terme, à en croire ces premiers accords pompeux et grossissant la dynamique générale. A ce rythme, les cuivres saturent très vite et le tempo traîne un peu. La seconde partie est plus convaincante, à l’image de ce Voyage de Siegfried sur le Rhin illuminé par la douceur des cordes. L’engagement de Petra Lang dans l’Immolation de Brünnhilde est un moment mémorable à retenir surtout pour le talent dont elle fait preuve dans les passages très exposés, malgré un chef pas toujours soucieux de l’équilibre dynamique.

Vladimir Jurowski
© Sheila Rock

Vladimir Jurowski donnait au Théâtre des Champs Elysées son dernier programme de la saison à la tête du London Philharmonic Orchestra. Heureusement pour le chef russe, cet orchestre est plus juste que l’Orchestra of the Age of Enlightement… mais bien moins charismatique et personnel que la Staatskapelle de Dresde pour ne citer que les deux derniers ensembles qu’il avait dirigés le mois dernier. Dans le concerto de Beethoven, Christian Tetzlaff sature la partition de bonnes intentions mais ne parvient pas à donner une impression de continuité, tant chaque note fait l’objet d’un sort particulier. La 4e symphonie de Brahms est, elle, aux antipodes du lyrisme expressif. Jurowski fait peser une chape de plomb sur la moindre velléité de sentimentalisme, ce qui finit toujours par provoquer chez l’auditeur un sentiment mitigé d’admiration et d’ennui.
On le sait depuis le début de son intégrale Mahler à Pleyel, Valery Gergiev est capable du meilleur comme du pire. Pour la conclusion du cycle, la première option semble – heureusement - se dessiner ; le mérite revient principalement aux qualités du London Symphony Orchestra, remplaçant le Mariinsky. La septième est menée tambour battant, trop sans doute pour assurer une carrure rythmique pertinente et permettre aux instrumentistes de surmonter toutes les difficultés de la partition. La troisième fut très certainement le sommet du cycle, parfaitement soutenue par les interventions de la contralto Anna Larsson et le choeur d’enfants d’Eltham College. Le geste toujours très fébrile et approximatif de Gergiev produit contre toute attente une cohésion interprétative de premier ordre.

David Verdier