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Sur les scènes parisiennes
Paris : Chronique danse No. 228

Oeuvres commentées : Paquita et Suivront mille ans de calme.

Article mis en ligne le décembre 2010
dernière modification le 26 janvier 2011

par Stéphanie NEGRE

L’Opéra de Paris proposait, en reprise, Paquita dans une nouvelle chorégraphie de Pierre Lacotte. Au Théâtre national de Chaillot, c’est le nouveau ballet d’Angelin Preljocaj qui était présenté, intitulé Suivront mille ans de calme.

A l’Opéra de Paris, Paquita
Créé en 1848 par Joseph Mazilier, Paquita sort du répertoire de l’Opéra de Paris en 1851 mais continue de vivre en Russie sous l’impulsion de Marius Petipa. En effet, celui-ci en chorégraphie sa propre version en 1881 qu’il inscrit au répertoire du théâtre Mariinski. Abandonnée après la révolution russe, Paquita renaît au Palais Garnier en 2001 dans une chorégraphie de Pierre Lacotte, ancien élève d’une interprète de la version de Marius Petipa. Cette recréation était reprise du 18 octobre au 7 novembre 2010.

Marie-Agnès Gillot dans « Paquita ».
Photo A Poupeney

L’intrigue se déroule en Espagne durant l’occupation napoléonienne. Une jeune orpheline élevée par des gitans et promise à leur chef, tombe amoureuse sans le savoir de son cousin, le sauve d’une tentative d’assassinat et déjoue un complot contre des aristocrates français qui vont se révéler être ses parents. Ce ballet est un exemple de l’école française qui mêle danse et pantomime. Déployant de somptueux décors et costumes conçus par Luisa Spinatelli, il permet de retrouver les solistes dans un rôle où le jeu d’acteur compte énormément tant il y a de péripéties dans le récit. Le charisme de Marie-Agnès Gillot, dans le rôle-titre, confère une force de caractère insigne à celle qui, contre vents et marées, échappe à son destin sinistre, trouve l’amour et retrouve les siens.
Karl Paquette trouve le ton juste pour faire exister Lucien d’Hervilly, le gentilhomme français, entre l’audacieuse Paquita et des méchants vraiment méchants. Vincent Chaillet fait oublier un manque d’assurance technique notamment dans ses sauts, par son investissement scénique dans le rôle d’Inigo, chef des gitans ombrageux et homme de main de la conspiration contre les d’Hervilly. Porté par ces trois interprètes, les aventures du premier acte s’enchainent de manière parfaitement intelligible sans besoin de lire au préalable l’argument. Le second acte qui se déroule dans le palais du gouverneur de Saragosse est l’occasion de retrouver des grandes scènes de ballet et les solistes dans des variations époustouflantes de virtuosité.
Ballet emblématique du style français, Paquita emporte autant de succès que lors de sa première, rendant actuel les propos de Théophile Gautier dans La Presse du 6 avril 1848 « des tonnerres d’applaudissements ont salué la danseuse, rappelée à deux reprises après la chute du rideau ».

Au Théâtre national de Chaillot, Suivront mille ans de calme
Pour son nouveau ballet, Angelin Preljocaj prend comme fil conducteur l’Apocalypse selon Saint Jean, en retenant la notion de révélation et de renaissance développée dans le texte plutôt que l’aspect cataclysmique de certains chapitres. Créé dans le cadre de l’année France-Russie pour dix danseurs du ballet Preljocaj et dix du Bolchoï, Suivront mille ans de calme était présenté du 1er au 22 octobre 2010 au Théâtre national de Chaillot.

« Suivront mille ans de calme »
Photo JC Carbonne

Après Siddharta créé pour le ballet de l’Opéra de Paris l’an dernier, Suivront mille ans de calme s’inscrit dans la veine de ballets mystiques vers laquelle Angelin Preljocaj semble s’orienter. Malheureusement, alors qu’avec Siddharta, il réussissait à entrainer l’esprit dans une dimension spirituelle avec l’évocation de la quête de Bouddha, il peine ici à faire naître de l’émotion, à créer quelque chose de porteur de sens. Les scènes se succèdent, images de violence, de sensualité, de désarroi, sans qu’on puisse se les approprier ou percevoir un propos. Même si elles sont esthétiquement réussies - le talent chorégraphique d’Angelin Preljocaj est indubitable – il manque quelque chose dans la construction du ballet, une cohérence d’ensemble.
La musique de Laurent Garnier, aux rythmes sans cesse changeant, et la scénographie de Subodh Gupta, toute en clair obscur, ne facilite pas l’appréhension de l’œuvre qui laisse globalement perplexe. Elle s’achève avec la présentation des drapeaux des principales nations, lessivés puis étendus sur la scène pour accueillir la venue de deux agneaux. Référence à l’Agneau divin annonçant l’avènement de la Jérusalem céleste, ce final est pour moi une allusion au renouveau des nations soustraites au péché. S’il est réellement émouvant, il l’est, à mon sens, plus par ce qu’il évoque au regard de l’actualité internationale que comme l’aboutissement de l’œuvre. 

Stéphanie Nègre