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Aux Gémeaux, scène nationale de Sceaux
Paris : “ Choice“ et “AfterLight“

Deux ballets étaient présentés aux Gémeaux.

Article mis en ligne le juillet 2010
dernière modification le 20 août 2010

par Stéphanie NEGRE

Dans le cadre des rendez-vous chorégraphiques de Sceaux, les Gémeaux présentent, les 11 et 12 mai 2010, deux ballets du chorégraphe anglais Russel Maliphant. Le premier, Choice, créé en 2003, est interprété par la compagnie catalane CobosMika. Le second, AfterLight, est une création autour du danseur et chorégraphe Vaslav Nijinski.

Chorégraphié pour trois femmes et deux hommes, Choice se compose d’une suite de solos, pas de deux, trios, quintets abstraits sur une musique électronique d’inspiration asiatique. Les danseurs se confrontent, se répondent ; des synergies se font et se défont dans un dialogue physique plein de puissance. On retrouve dans la chorégraphie les influences de Russel Maliphant, la danse classique, la danse contemporaine mais aussi les arts martiaux et la capoeira. Dans une ambiance de clair obscur, la lumière de Michael Hulls organise l’espace et souligne en même temps les lignes des corps. Ainsi mis en valeur, les danseurs apparaissent comme des sculptures vivantes qui dégagent une grande énergie. Dans Choice, le corps se fait œuvre, une œuvre cinétique inscrite dans l’espace.

« AfterLight Part 1 ».
Photo Hugo Glendinning

AfterLight est constitué de trois parties dont la première entre dans le cadre du programme « In the spirit of Diaghilev » commandé en 2009 par le théâtre du Sadler’s Wells de Londres en hommage aux Ballets russes. La première partie est un solo interprété par Daniel Proietto sur la Troisième Gnossienne d’Erik Satie. Sur la scène plongée dans l’obscurité, le danseur tourne sur lui-même, dans un halo projeté au sol, comme attiré par la lumière zénithale, à la recherche de l’équilibre. Petit à petit, le cercle lumineux se nuance de formes rappelant les dessins de Vaslav Nijinski. Dans sa rotation, Daniel Proietto reprend les attitudes de ce dernier dans Shéhérazade ou Le Spectre de la rose, immortalisées par la photographie. L’ensemble est si fascinant, le geste si juste, que j’ai l’impression de voir apparaître, en instantané, le fantôme de Vaslav Nijinski. Dans cette atmosphère onirique provoquée par le thème musical, la lumière et la chorégraphie, je ne peux m’empêcher de songer au danseur perdant la raison et revivant, dans un rêve, les ballets qu’il a dansés.

Les deux parties suivantes sont un trio où l’on retrouve Daniel Proietto et deux danseuses. Le tulle qui sépare la scène de la salle floute les silhouettes. La vidéo projette sur le tulle et le fond de scène des formes chimériques de nuages, de branchages. Comme précédemment, tel un fil conducteur, la chorégraphie reprend des postures issues des Ballets russes, notamment L’Après-midi d’un faune. J’imagine, en noir et blanc, Vaslav Nijinski s’échappant du ballet avec deux nymphes et batifolant avec elles, loin du monde. Les trois semblent si légers, si insouciants, comme si le temps s’était arrêté… Alors, est-on dans le cerveau de celui qui perd petit à petit ses repères et se raccroche à ce qui est ancré au plus profond de sa mémoire ? est-on dans un phénomène inconscient qui associe, ici à un mouvement, ailleurs à une parole, à un parfum, le souvenir d’un être ?

La mélodie d’Andy Cowton est propice à cette atmosphère toute en demi-teinte. A la fin, une fumée de plus en plus dense enveloppe la scène jusqu’à ce que le danseur disparaisse, comme une image qui se dissipe, comme le souvenir. A la fois mélancoliques et lumineuses, jamais tristes, les parties II et III nous font ressentir la rémanence de la beauté de la gestuelle de Vaslav Nijinski. Immortalisée par la photographie, Russel Maliphant, l’espace d’un instant, l’espace d’un ballet, l’espace d’AfterLight, lui redonne vie.

Stéphanie Nègre