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Musée Maillol, Paris
Paris : “C’est la vie !“

L’exposition du musée Maillol explore le sujet des Vanités, de Caravage à Damien Hirst, et nous parle donc surtout de la mort...

Article mis en ligne le avril 2010
dernière modification le 2 juillet 2010

par Régine KOPP

Le titre de l’exposition est pour le moins provocateur, car l’exposition «  C’est la vie !  » nous parle surtout de la mort. Cette mort qui hante, fascine et interroge les artistes depuis le Néolithique jusqu’à nos jours. Patrizia Nitti, la nouvelle directrice du musée Maillol, connue du public pour ses belles expositions organisées au musée du Luxembourg, frappe fort en explorant le sujet des Vanités.

Au cœur de l’inspiration des artistes depuis la fin du Moyen-Age, ces créations morbides évoluent au fil des époques et des modes. Chaque génération s’attache à cristalliser la vanité de la condition humaine, pour se “ré-approprier“ sa mort, écrit-elle dans son propos introductif. C’est justement ce que l’exposition se propose de nous montrer avec cent soixante œuvres, peintures, photographies, vidéos, sculptures et bijoux, répartis sur trois niveaux, architecture du lieu oblige. L’idée originale étant de ne pas construire le parcours sur la chronologie mais de mixer les époques.

Les années “sida“
C’est ainsi que le visiteur est d’abord jeté dans l’arène foisonnante des vanités de l’art contemporain et remontera ensuite le fil du temps. Dans les années soixante, les artistes ont souvent délaissé les images de vanité. Andy Warhol, pourtant, réalise dans les années soixante-dix des séries de crâne roses et verts, présentés dans la grande salle. Ce sont les années sida qui ont ramené la représentation de la mort au cœur de l’art contemporain. A côté des vanités caravagesques de Gerhard Richter, on trouve les œuvres de Baselitz, de A.R.Penck et Markus Lüpertz pour témoigner de ces années sida. Dans nos sociétés contemporaines, qui ont peur de vieillir, la mort nue comme un os radiographié est un thème récurrent de nombre d’artistes. Des artistes comme Damien Hirst, très présent avec trois grandes œuvres, font entrer la mort dans le consumérisme ambiant, le motif mortuaire devenant merchidising.
Aux œuvres de Damien Hirst, The fear of death (2007), avec mouches et résine sur crâne humain, The death of God (2006), avec laque sur toile, couteaux et coquillages, For the love of God (2007), version de crâne avec poussière de diamant, répondent celles de nombreux autres artistes : Subodh Gupta, et son œuvre C.B. 1 (2009) avec ustensiles de cuisine en inox, Daniel Spoerri dont l’œuvre, La lionne et le chasseur (1988) va jusqu’à exhiber, collé sur un tapis, un squelette. Un peu plus loin, c’est la vidéo de Paolo Canevari qui accrochera l’œil, Bouncing skull (2007), montrant un enfant jouant au football avec une tête de mort sur fond d’immeubles délabrés.

Etre ou ne pas être photographié
Le parcours se poursuit au deuxième étage avec des œuvres photographiques réunies sous le titre “Etre ou ne pas être photographié“. Le visiteur est accueilli par l’œuvre de Piotr Uklanski, Sans titre (2003), un portrait radiographique de François Pinault, dont les couleurs psychédéliques du crâne et des tibias rappellent la fragilité du pouvoir.
De Robert Mapplethorpe, c’est le célèbre Autoportrait (1988) où l’artiste se photographie mourant du sida, qui nous est présenté. Avec Dimitri Tsykalov qui a choisi de réaliser une série de crânes taillés dans des légumes, Christian Gonzenbach avec Mortadella (2006) ou Abdel Abdessemed et Mes amies (2006), qui montre une femme se promenant dans la rue au bras d’un squelette, c’est une représentation de la mort passée au filtre de l’humour.
Quant à l’œuvre photographique monumentale de Marina Abramovic, qui promène un squelette sur son dos, Carrying the skeleton I (2008), on pourrait croire que le crâne et le squelette sont devenus un motif, un phénomène de mode.

Les Classiques et les Modernes
Après cet intermède photographique, le visiteur rejoindra au premier étage, “Les Classiques et les Modernes“. L’œuvre la plus ancienne exposée et représentant un Memento Mori est une mosaïque pompéienne du I° siècle après J.C. On regrettera toutefois l’évocation laconique des danses macabres du Moyen-Age. Le XVII° siècle, qui célèbre le carnaval macabre dans toute sa violence est représenté par Georges de la Tour, Extase de Saint François (1640/1645), Le Cavarage, Saint François en délation (1602), Zurbaran, Saint François agenouillé (1635), chacun des artistes éclairant davantage le crâne dans la main du saint que le visage de l’homme. Avec l’apparition de la Nature Morte, comme nouveau genre dans la peinture en Hollande, surgit le sous-genre de la Vanité. Œuvre insolite que celle de Genovesino qui entoure une tête de mort d’un corps de putti endormi ou celle troublante de Giovanni Martinelli, Memento Mori (1635) dans laquelle un squelette vient interrompre le dîner familial.

En contrepoint à ces vanités classiques, des œuvres contemporaines sont intercalées, comme celles de Jake et Dinos Chapman, Migraine (2004), qui nous montre un crâne recouvert d’insectes et de vers ou de Mark Quinn, Waiting for Godot (2006), prenant la forme d’ un squelette agenouillé. Du côté des Modernes, regroupés sous le titre “La conscience et la mort“, ce sont les trois œuvres de Picasso, Poireau, crâne et pichet (1946), Braque, L’atelier au crâne (1938) et Cézanne, Nature morte, crâne et chandelier (1886/1887), réunies sur un même mur, qui nous font comprendre que les têtes de mort deviennent un motif presque abstrait, de cône ou de cylindre, presque équivalent à des pommes ou des baigneuses. Pour Picasso, sa révolte face à la mort et on pense à Guernica, c’est moins la mort qui y est dénoncée que la cruauté et la brutalité. A la fin de la deuxième guerre, la révélation des images des camps fait perdre pour plus de vingt ans l’envie de toute représentation morbide.

Régine Kopp

Exposition jusqu’au 28 juin 2010