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Galeries nationales du Grand Palais, Paris
Grand Palais : La Figuration narrative

Le Grand Palais propose une exposition consacrée à la scène artistique parisienne des années 1964 à 1972.

Article mis en ligne le juillet 2008
dernière modification le 12 août 2008

par Régine KOPP

On ne peut que se réjouir de l’idée qu’ont eue Jean-Paul Ameline et Bénédicte Ajac, en proposant une exposition consacrée à la scène artistique parisienne des années 1964 à 1972.

Une peinture explosive
Pris entre l’abstraction de l’Ecole de Paris et le rouleau compresseur du pop art américain, ce mouvement qui trouve son inspiration dans la bande dessinée, la publicité, le roman policier et l’engagement politique semble aujourd’hui plus vivant que jamais. Quarante ans après leur création, les œuvres de ces artistes conservent leur force corrosive et leur esthétique percutante, que des années d’hégémonie américaine n’auront malgré tout pas rayé de la carte artistique. Rappelons que c’est en décernant en 1964, pour la première fois, le grand prix de peinture de la Biennale de Venise à l’Américain Robert Rauschenberg que le centre de l’art moderne a basculé de Paris vers New York.

Rupture
Sont réunies dans l’exposition une centaine de toiles d’une vingtaine d’artistes en provenance de toute l’Europe qui rejoignent à Paris une scène artistique active. L’Espagnol Arroyo, l’Islandais Erro, l’Italien Recalcati, le Suisse Stämpfli, le Haïtien Télémaque ou l’Allemand Voss ont en commun de s’inscrire en rupture avec la belle peinture, faisant fi du bon goût et revendiquent d’être en phase avec leur époque, en se servant des images quotidiennes produites par la société de consommation. Le parcours s’organise autour des nouveaux univers visuels de cette Jeune Peinture.
Une première salle est consacrée à l’exposition « Mythologies quotidiennes » – titre emprunté à l’essai de Roland Barthes – qui avait eu lieu en juillet 1964 dans les sous-sols du musée d’Art moderne de la Ville de Paris et révélait une figuration à la française, différente de la figuration pop américaine. Attachés à débusquer de nouvelles sources iconographiques, les artistes utiliseront la publicité et la bande dessinée. Que ce soit Six laitues, un couteau, trois épluchures (1965) peint par Arroyo ou Banania N°3 (1964) d’Hervé Télémaque, ces deux compositions, pleines d’humour et de dérision, sont deux exemples représentatifs du potentiel subversif qui construit leurs œuvres. En rupture avec l’art classique, les artistes font cependant référence au surréalisme et produisent des œuvres qui sont autant des hommages que des blasphèmes, mêlant citations, détournements et parodies. Il s’agit de faire sortir les chefs-d’œuvre de leur esthétisme. Grand Pas du Saint-Bernard (1965) d’Arroyo, qui détourne le portrait de Napoléon peint par David, est une entreprise de démystification qui montre une situation grotesque et illustre la méfiance que la peinture d’histoire inspire à l’artiste.
Dans la même veine, Arroyo, Aillaud et Recalcati orchestrent une représentation en huit tableaux de la mise à mort du père du ready-made, ce qui n’a pas manqué de susciter le scandale : Vivre et laisser mourir ou la fin tragique de Marcel Duchamp (1965). Pour des peintres comme Monory, Klasen ou Adami, c’est dans le roman policier ou les films qui en sont tirés, qu’ils puisent leur inspiration ; les peintures se voulant d’une neutralité froide et clinique. Une place importante dans l’exposition est réservée à la figuration politique, ces artistes étant tous très politisés. Une politisation qui se lit dans les thèmes traités, voir dans les techniques empruntées à la propagande.

Opposition
L’apothéose du mouvement coïncide avec une exposition que Georges Pompidou fait organiser en 1972, chargée de retracer les douze dernières années de création en France. C’est l’occasion pour les artistes de s’opposer au pouvoir, créant le scandale en décrochant leurs œuvres et boycottant l’événement, obligeant la police à intervenir. Le Grand Méchoui ou douze ans d’histoire (1972), œuvre prêtée par le musée des Beaux-Arts de Dôle et signée par un collectif, clôt le parcours. Toute l’œuvre de ces représentants de la figuration narrative, reste le symbole d’une génération qui ne voulait pas composer avec le pouvoir. En nous montrant que la figuration narrative subsiste dans l’histoire de l’art comme un des principaux mouvements artistiques politiquement engagés, l’exposition pointe indirectement le doigt sur tous ces artistes contemporains plus avides de dollars que d’engagement politique.

Régine Kopp

Jusqu’au 13 juillet 2008