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A la Comédie Française
Comédie Française : “Partage de midi“

La Comédie Française remet à l’affiche Partage de midi de Claudel.

Article mis en ligne le juillet 2007
dernière modification le 4 août 2007

par Régine KOPP

La Comédie Française remet à l’affiche Partage de midi de Claudel dans une nouvelle mise en scène, confiée à Yves Beaunesne. Il choisit la première version de la pièce, écrite en 1905 et que l’auteur n’a accepté de faire représenter qu’en 1948, la jugeant, lors de sa création, trop
intimement liée à sa vie personnelle.

Partage de midi ou comment le désir fou devient destructeur
C’est à Jean-Louis Barrault – pour qui il écrit une deuxième version – que nous devons cette mémorable mise en scène de 1948, avec Edwige Feuillère dans le rôle d’Ysé et Pierre Brasseur dans celui de Mesa. Mais l’événement plus près de nous, et dont les théâtrophiles se souviennent encore, a lieu en 1975, avec Antoine Vitez qui signe à la Comédie Française une mise en scène qui fera date, avec Ludmila Mikaël dans le rôle d’Ysé, Patrice Kerbrat dans celui de Mesa, Michel Aumont (Amalric) et Jérôme Deschamps (de Ciz).
C’est maintenant au tour de la fille de Ludmilla Mikaël, Marina Hands, de prendre la relève de ce rôle exceptionnel pour une comédienne, celui d’une femme en quête d’absolu, d’amoureuse à la recherche de la passion fusionnelle. Une comédienne qui n’est d’ailleurs pas passée inaperçue, puisqu’elle a interprété, dans le film Lady Chatterley, un rôle similaire qui lui a valu le césar de la meilleure actrice.
Le metteur en scène de la version 2007, Yves Beaunesne, ne veut pas refaire du Vitez. Si la griffe vitézienne avait plus de mystère et proposait une interprétation moins sombre, celle de son successeur prend le parti de la jeunesse, apportant plus de naturel et de légèreté. Il choisit la première version, moins mystique et plus désespérée que la seconde, donnant une tonalité plus grave que chez Vitez.

Le Partage de Midi

L’histoire, qui a la simplicité et l’élégance d’une tragédie classique, transpose l’histoire vécue par Claudel sur ce bateau qui l’a emmené en Chine, et raconte la rencontre avec cette femme dont il tombe fou amoureux. Le premier acte de la pièce nous montre la belle Ysé, le bon Mesa, l’aventureux Amalric et le falot de Ciz enfermés sur ce bateau à destination de la Chine, condamnés à vivre ensemble pendant plusieurs semaines et à deviser pour faire passer le temps. Mais le soleil brûlant de midi fait naître le désir et Mesa se débat entre Dieu et les tentations de la chair. L’acte deux nous emmène à Hong Kong, dans le cimetière de Happy Valley. Ysé se donne à Mesa, persuadée qu’ « au-dessus de l’amour, il n’y a rien et même pas vous, Dieu. ». Tout se précipite dans l’acte trois, qui prend place dans le sud de la Chine, au moment d’une insurrection. La traversée mène les protagonistes de l’amour à la mort avec comme ultime étape, Dieu. L’absolu de l’amour ne peut se réaliser que dans la destruction.

Puissance lyrique
Si l’on n’est pas croyant, on peut être agacé par la présence excessive du religieux mais on n’en reste pas moins transporté par la puissance lyrique et la force théâtrale qui se dégage de ces deux heures d’intense lutte entre la chair et l’esprit, dont sort vainqueur le verbe car Claudel est un musicien des mots, dits par des comédiens remarquables.
L’action se passe dans un lieu intemporel, un plateau nu où sont tendus quelques cordages, qui symbolisent le pont d’un bateau et servent au jeu des acteurs. Les costumes inspirés des années cinquante, et imaginés par Patrice Cauchetier, sont d’expression contemporaine et rendent les personnages proches de nous. On ne peut qu’être sous le charme de Marina Hands, sublime d’élégance et de grâce, rayonnante d’intelligence, et une vraie virtuose de la diction. On sent en elle cette énergie d’aimer qui la poussera au désastre. Face à elle, des comédiens tout aussi exceptionnels : Eric Ruf incarne un Mesa totalement possédé, avec ce talent fait de distinction et de passion, Hervé Pierre est touchant par ses certitudes et sa manière trouble de masquer ses sentiments, Christian Gonon joue avec justesse le personnage bourgeois de De Ciz.
Que les spectateurs réfractaires au lyrisme mystique de Claudel ne fassent pas une croix sur ce spectacle ! Ils manqueraient un quatuor d’acteurs éblouissant !

Régine Kopp

Salle Richelieu (loc. 01 44 58 15 15) jusqu’au 15 juillet