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Coup de projecteur sur Faramondo de Haendel, et sur le CD de la cantatrice Diana Damrau.

Article mis en ligne le mars 2010
dernière modification le 23 mars 2010

par Eric POUSAZ

Haendel  : Faramondo


3 CDs Virgin 50999 2 16611 2 9
avec livret en anglais et italien seulement

Distribuer un opéra qui contient quatre rôles de contre-ténor tient de la prouesse, même si, de nos jours, ce registre est particulièrement prisé de toute une jeune génération de chanteurs. C’est pourtant ce que vient de réaliser de convaincante manière Diego Fasolis à l’occasion d’un concert donné l’an passé au Théâtre Municipal de Lausanne qui a également été prétexte au premier enregistrement discographique intégral de l’ouvrage.

Max Emanuel Cenci

L’opéra ne compte pas au nombre des meilleures créations de leur auteur, surtout à cause d’un livret emprunté et de situations dramatiques mal exploitées. Mais la distribution est idéale en tous points, à commencer par le quatuor de voix masculines aiguës. Max Emanuel Cenci incarne Faramondo avec une assurance stylistique et un aplomb vocal qui rend pratiquement insensibles les changements de registre. La voix est ample, chaude et surmonte les vocalises les plus aériennes avec une légèreté de touche qui en fait tout le prix, car la difficulté technique ne passe jamais au premier plan et ne nuit par conséquent pas à l’expression. Philippe Jaroussky est Adolfo, l’amant de Clotilde en proie aux tourments de l’amour contrarié. La voix est plus légère, voire un brin artificielle car elle manque de puissance ; elle prend même parfois des accents excessivement suaves qui donnent une touche féminine au personnage. Mais une ligne de chant d’une perfection absolue et un art de la coloration poussé à l’extrême rend chacune de ses scènes inoubliables. Xavier Sabata en Gernando et Terry Wey en Childerico complètent de somptueuse façon ce quatuor dans des rôles plus épisodiques mais non moins nécessaires à l’équilibre musical subtil de ces trois longs actes. La basse In-Sung Sim dote Gustavo d’une voix sombre mais toujours légère et racée alors que le baryton Fulvio Bettini en Teobaldo ajoute un ton moins austère à l’ensemble par son chant presque bonhomme aux teintes chaleureuses.

Philippe Jaroussky

Le soprano aérien de Sophie Karthäuser convient idéalement au personnage psychologiquement ambigu de Clotilde : ses broderies vocales, ajoutées au charme prenant d’un mezza-voce fluide aux demi-teintes changeantes, assure à ce personnage une assurance de la meilleure veine. Marina de Liso reste en retrait avec Rosimondo par son émission un brin appliquée mais elle reste néanmoins parfaitement à l’aise dans l’expression des méandres sentimentaux de son rôle.
Diego Fasolis tire parti avec panache de l’orchestre I Barocchisti, un ensemble de musiciens basé au Tessin qui a su se tailler une place enviable dans la nuée d’orchestres baroques sur instruments anciens : le ton reste vif mais plein, précis et pugnace. De ce fait, l’accompagnement instrumental n’est jamais réduit à jouer les utilités et intervient en protagoniste de l’action. La direction du chef sait en effet animer le discours avec suffisamment de variété pour empêcher les musiciens de se mettre sur pilotage automatique. On l’aura compris : cet enregistrement est une des plus belles surprises de cette année Haendel qui s’achève et se doit de figurer dans la discothèque de tout amateur éclairé.

Diana Damrau  : COLORaturaS


1 CD Virgin 50999 519313 2 2 avec livret quadrilingue

Le jeu de mots du titre de ce CD exceptionnel ne saurait mieux traduire ce qui attend l’auditeur : une vraie leçon de chant d’agilité qui cherche son pareil loin à la ronde…

Diana Damrau
Photo © Tanja Niemann

Diana Damrau est un nom encore relativement neuf sur les scènes lyriques mais fut Donna Anna dans le dernier Don Giovanni genevois… Cette cantatrice allemande a fait sensation la saison passée au Metropolitan Opera de New York en chantant – avec succès et en alternance dans la même série de représentation – les rôles de Pamina et de la Reine de la Nuit dans La Flûte enchantée de Mozart, un exploit réalisé pour la première fois sur cette scène. Puis elle fut une Lucia di Lammermoor tellement exceptionnelle que son triomphe a éclipsé la sage Anna Netrebko qui a lourdement trébuché dans le grand air de la folie.
Le présent CD donne à entendre un seul aspect de l’art de cette cantatrice : celui de soprano coloratur à qui rien ne résiste. Les styles musicaux, fort divers, trouvent tous en cette artiste une musicienne soucieuse de respect de la couleur originale, d’élégance du phrasé, d’expressivité de la vocalise. Dans la Valse de Juliette ‘Ah je veux vivre’ tiré du Roméo de Gounod, le timbre a des teintes opalines pour dépeindre la joie insouciante d’une jeune femme qui assiste à son premier bal. Dans ‘No word from Tom’ tiré du Rake’s Progress de Stravinsky, la tristesse de l’amante abandonnée et inconsolable s’exprime par des passages rapides aux fioritures presque blanches, comme privées d’influx nerveux. C’est tout le contraire qui se produit dans un ‘Glitter and be gay’ tiré du Candide de Bernstein où la voix caracole dans l’aigu avec une insolente précision, un pep et une ironie cynique inimitables. De fait, chaque air surprend par son climat particulier au point que ces presque soixante-quinze minutes de récital ne lassent jamais. La cantatrice est idéalement accompagnée dans ce marathon vocal par Dan Ettinger, un jeune chef travaillant surtout à la Staatsoper de Berlin et qui dirige ici le Münchener Rundfunkorchester avec une fougue et un sens de l’à-propos tout simplement admirables.

Eric Pousaz