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Notules DVD - décembre 2006

A propos de : Natalie Dessay - Le miracle d’une voix / Massenet - Werther / Donizetti - L’Elisir d’amore

Article mis en ligne le décembre 2006
dernière modification le 22 janvier 2012

par Eric POUSAZ

Natalie Dessay : Le miracle d’une voix

La parution de ce DVD réjouira tous les amateurs de cette cantatrice qui s’est faite rare sur les scènes ces derniers mois suite à une opération d’un nodule mal placé dans les cordes vocales. Le programme de plus de deux heures propose des extraits de productions filmées en salle et en direct dont la plupart n’ont pas encore connu les honneurs d’une publication intégrale. Malheureuse-ment, la rareté de tels témoignages filmés nous vaut trois interprétations de l’air d’Olympia de Contes d’Hoffmann d’Offenbach et deux ‘Gross-mächtige Prinzessin’, le grand air de Zerbinetta tiré d’Ariadne à Naxos de Richard Strauss. Ce qui pourrait agacer à première vue s’avère pourtant excitant, car ces versions parallèles permettent de juger de la versatilité d’une cantatrice qui se met totalement au service du concept proposé par le metteur en scène. Dans le premier extrait de Strauss, tourné à Salzbourg sous la direction scénique de Jossi Wieler et Sergio Morabito, Natalie Dessay se mue en vamp capricieuse, coquette et d’une légèreté assez agaçante. Dans la version parisienne, due à Laurent Pelly, elle devient une midinette de plage à l’abattage irrésistible. Du coup, ses vocalises paraissent nettement plus en situation et les dix minutes de son monologue passent à la vitesse de l’éclair. Les trois extraits des Contes d’Hoffmann sont dus, dans l’ordre, à Andréi Serban, Louis Erlo et Jérôme Savary. C’est le premier des trois extraits qui convainc le plus dans ce cas, car le metteur en scène roumain obtient de la cantatrice un numéro d’une virtuosité étourdissante chorégraphié avec une extrême précision. Mais dans les trois cas, le chant se révèle d’une sûreté et d’une justesse somnambulique dont les aigus sont accrochés sans la moindre trace d’effort. On admire aussi sans réserve la valse de Johann Strauss Voix du Printemps, donnée lors du traditionnel gala situé vers la fin du 2e acte de la Chauve-Souris. Le numéro d’actrice est à couper le souffle, et la précision des attaques autant que la rigueur de l’intonation commandent le respect. Passer ensuite aux langueurs de l’air de Cunégonde de Candide de Leonard Bernstein, avec toutes ces attaques de notes en crescendo pour mieux souligner la situation de comédie ‘jazzy’ voulue par le compositeur, procure un de ces plaisirs inouïs qui attestent bien le caractère d’exception de cette cantatrice méritant mieux que quiconque en France le nom de diva… (1 DVD Virgin)

Massenet : Werther

Captée en concert, cette version de Werther pourrait passer inaperçue, tant il est vrai que cet opéra appelle le sortilèges de la scène. Pourtant, sa distribution retient l’attention, puisque c’est une mouture peu connue de ce chef-d’œuvre qui a été choisie. Massenet a en effet choisi de transposer le rôle titre pour un baryton, peu convaincu qu’il était par les effets histrioniques dont les ténors de son temps aimaient à charger sa musique. C’est donc Thomas Hampson qui chante ici Werther ; une fois l’effet de surprise passé, on s’habitue rapidement à la transposition, et l’on en vient même à trouver le profil vocal de cet emploi mieux accordé aux accents graves de Charlotte, que Massenet a bien sûr conservés dans l’écriture originale réservée à un mezzo soprano. L’alchimie fonctionne parfaitement entre Susan Graham et Thomas Hampson, et leur français est tout simplement admirable de clarté comme de justesse d’accentuation. Hampson voit Werther comme un dandy assez proche de Eugène Onéguine, la morgue en moins. Son chant, d’un raffinement extrême, ne laisse rien de côté ; chaque accent est signifiant, chaque éclat maîtrisé. Mais il serait faux d’imaginer que cette interprétation manque de spontanéité : c’est toute la psychologie complexe du personnage qui tient dans cet effort de ne montrer aux autres qu’une facette policée de son drame intérieur. Face à lui, Charlotte est une harpe vibrant au moindre souffle. On s’étonne de la variété des accents autant que de la beauté pure des notes exposées (dans le fameux air des larmes, par exemple, ou la bouleversante scène finale). De fait, même les amateurs de théâtre ne seront pas déçus, car ces deux chanteurs, malgré l’absence de costume et de décor, se regardent avec une intensité qui en dit plus long sur leurs émois que les fantaisies de bon nombre de metteurs en scène actuels pourraient le laisser supposer. Les voix se marient à la perfection : le grain sombre des éclats de Susan Graham et l’éloquence policée du chant du baryton permettent à Michel Plasson, à la direction, de jouer sur les non-dit et les allusions discrètes au lieu de s’étendre sur le sentimentalisme de l’écriture instrumentale. Sandrine Piau incarne une Sophie primesautière, mais pas excessivement vive alors que Stéphane Degout brosse un portrait du mari trompé tout en menaces contenues grâce à un timbre d’une magnifique malléabilité. René Schirrer, François Piolino et Laurent Alvaro se partagent les rôles secondaires et font mieux que de la figuration intelligente. (1 DVD Virgin)

Donizetti : L’Elisir d’amore

Rien de bien neuf à signaler, côté scénique, dans cette captation faite à l’Opéra de Vienne d’une production d’Otto Schenk datant des années 80. Tout est mis en place avec élégance dans les beaux décors de Jürgen Rose, tout est fait pour séduire l’œil et ne pas déranger les acteurs sur le plateau. Autant dire qu’il n’y a plus trace de mise en scène véritable et que les acteurs font ce qu’ils veulent.
Mais lorsqu’il a affaire à deux monstres sacrés comme Anna Netrebko et Rolando Villazon, le spectateur le plus critique ne fait pas longtemps la fine bouche. Non que ces deux chanteurs, au faîte de leur gloire, soient vraiment encore meilleurs que d’autres, mais leur abattage scénique fait qu’on oublie tout simplement les comparaisons avec d’autres grands interprètes des rôles principaux. Oubliés, donc, les Alagna ou Pavarotti, les Gheorgiu ou Freni !... Netrebko occupe le devant du plateau avec sa verve gouailleuse, son timbre presque trop épicé pour cette musique écrite à la pointe du crayon et son jeu virevoltant. Le médium, agréablement charnu, compense quelques aigus un brin tiraillés, alors que l’aisance scénique fait mouche à chaque instant. Villazon est un Nemorino idéal, plus rêveur que lourdaud. Le timbre a de la souplesse, de la couleur, mais aussi une élégance naturelle de la meilleure veine. Sa ‘furtiva lacrima’ au 2e acte n’a rien de pleurnichard ; il s’agit bien plutôt de l’expression d’un regret portée sur le fil de la voix par un chanteur qui n’a aucune peine à chanter sur le souffle. Tout simplement admirable ! Leo Nucci n’est, par l’âge, plus tout à fait le jeune Belcore dont on attend qu’il puisse faire oublier le fringant Nemorino à Adina, mais la voix est encore bien là et ses rodomontades séduisent sans peine un public conquis par tant d’insolence vocale. Ildebrando d’Arcangelo ne fait qu’une bouchée du rôle de Dulcamara, même si sa rouerie, comparée à celle de vieux routiniers, manque un brin de punch, un défaut que le chanteur compense en forçant sur la caricature. Excellent chœur de l’Opéra de Vienne et orchestre bien rôdé sous la direction un brin routinière d’Alfred Eschwé, plus connu pour ses incursions dans le répertoire de l’opérette locale… (1 DVD Virgin)
Eric Pousaz