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DVD de novembre 2010 : “Palestrina“

Coup de projecteur sur une œuvre méconnue, qui bénéficie d’une distribution grandiose.

Article mis en ligne le novembre 2010
dernière modification le 11 décembre 2011

par Eric POUSAZ

Pfitzner : Palestrina

couverture Palestrina

Palestrina de Heinrich Pfitzner est encore une de ces œuvres quasiment inconnues hors de ses frontières nationales ! Les théâtres qui hésitent à la monter sont pourtant excusables : l’ouvrage dure près de trois heures et demie ; il ne comporte aucune intrigue amoureuse, donc se passe pratiquement de toute interprète féminine ; de plus, il nécessite une distribution et une mise en scène dont le prix égale celui d’une production des Maîtres Chanteurs de Nuremberg de Wagner. Enfin, le rôle titre est écrasant et a vu plus d’un ténor célèbre renoncer à s’y attaquer pour ne pas risquer de mettre en danger une voix qu’il est certainement plus lucratif de mettre au service d’ouvrages autrement populaires.
L’Opéra de Bavière a mis ce titre à son répertoire lors du festival de juillet clôturant la saison passée (et il sera rejoué dans le cadre de la saison 2010/2011). Le spectacle surprend : s’il laisse une impression plutôt mesurée et sombre au plan musical, l’irruption de couleurs criardes dans le décor rappelle à bon escient que cette longue dispute sur le rôle de la musique liturgique dans les services religieux - qui a effectivement eu lieu lors du Concile de Trente au XVIe siècle - est loin d’appartenir définitivement au passé. Il n’est qu’à voir les réactions que provoquent encore l’utilisation de la musique moderne dans certaines messes célébrées de nos jours un peu partout…
Les trois actes correspondent à trois moments bien définis qui paraissent presque indépendant les uns des autres. Au 1er acte, Palestrina compose une nouvelle messe sous l’égide des maîtres anciens à qui il entend rendre hommage, certes, mais sans servilité. Le 2e acte nous fait assister à la dispute du Concile : le nombre des figurants aux maquillages grimaçants impressionne autant que la complexité du langage musical qui est ici fait de courtes interventions composant une savante mosaïque. Le 3e acte, plus court, décrit le triomphe de Palestrina dont la musique novatrice a su plaire au pape lui-même…
La distribution est grandiose : les moindres petits rôles sont tenus par des chanteurs qui font preuve à la fois d’aplomb et de subtilité : dans l’impossibilité de les citer tous, on retiendra particulièrement dans ce contexte l’Ighino travesti vocalement raffiné de Chiristiane Karg ou la grandiose charge que fait du Cardinal Madruscht un Roland Bracht d’une envergure vocale imposante. Inoubliable, aussi, le Morone vipérin incarné par un Michael Volle aux dons d’acteur superlatifs ou le Novaregio retors, au timbre doté d’aigus si particuliers car presque torturés, de John Daszak. A Christoph Ventris échoit le redoutable honneur de défendre le rôle titre. Sa voix passe facilement la rampe dans une tessiture qui est loin d’être toujours confortable et met une telle ardeur à exposer ses doutes et ses certitudes qu’il enlève à la musique ce qu’elle pourrait avoir parfois de répétitif. Falk Struckmann en Borromeo est non moins fascinant avec un chant certes parfois désordonné (les changements de registres ne se font plus sans peine) mais d’une telle fermeté d’accents que la présence du personnage en acquiert un poids scénique incontournable. La direction est assurée par Simone Young, une cheffe attentive à donner le maximum de relief au vaste flux musical qui traverse ces trois longs actes tout en donnant à entendre divers traits d’instrumentation originaux parsemant un discours qui menace parfois de devenir indigeste.
Dans sa mise en scène dont la tonalité d’ensemble se tourne ouvertement vers le pop art, Christian Stückl se plaît à introduire des éléments ouvertement provocateurs : on citera seulement ici les masques démesurés qui habillent certaines apparitions fantomatiques ou l’énorme portrait de Christ aux couleurs rose framboise et vert pistache dominant le 3e acte. L’œil est toujours distrait, ce qui peut paraître un plus dans un opéra à l’action si lente et si embrouillée à la fois, mais l’on se fatigue finalement de tant d’actions scéniques motivées en apparence seulement par l’envie de surprendre en trompant délibérément les attentes du public.
2 DVD Euroarts

Eric Pousaz