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Opernhaus, Zurich
Zurich : “Manon Lescaut“
Article mis en ligne le octobre 2007
dernière modification le 24 septembre 2007

par Eric POUSAZ

Tout semblait réuni pour faire de cette reprise de Manon Lescaut une soirée exemplaire. Neil Shicoff, encore auréolé de son récent succès dans le rôle principal de La Juive à l’Opéra de Paris, et Cristina Gallardo-Domas, remarquée notamment dans la dernière Bohème du Met de New York dirigée par Placido Domingo, incarnaient les deux héros tragiques de ce premier chef-d’œuvre puccinien sous la direction d’un spécialiste à l’ancienne : Nello Santi.
Et pourtant, l’étincelle n’a pas jailli.

Le ténor paraissait gêné par une écriture continuellement tendue et exaltée : la voix se raidissait et, même si elle négociait avec panache toutes les difficultés techniques, elle ne s’abandonnait jamais dans les ineffables effusions lyriques dont Puccini avait le secret. Chaque note était magnifiquement rendue, mais l’émotion restait aux abonnés absents. Quant à Manon, elle ne manquait ni de panache ni de fièvre mais l’émission était tellement ouverte que la justesse du son en devenait trop approximative (il est vrai que la cantatrice s’est fait excuser car elle souffrait ce soir-là d’une légère allergie aux pollens). Chez elle, il y avait du pathos à revendre, mais les effets en étaient si appuyés que sa conception du personnage frisait la caricature.

Manon Lescaut, avec Cristina Gallardo-Domâs et Neil Shicoff. Copyright Suzanne Schwiertz

Les motifs de satisfaction étaient plus grands du côté des ‘comparses’. Avec son chant noble et une projection vocale idéale, Cheyne Davidson campait un Lescaut fort présent qui n’avait jamais besoin de forcer la note pour faire le poids. Idéal, aussi, le Géronte de Carlos Chausson dont les courtes interventions conservaient toute la noblesse nécessaire à cette caricature de la veulerie et de l’autosatisfaction. Les nombreux rôles secondaires étaient tous magnifiquement tenus et les chœurs se montraient comme à leur habitude impressionnants par leur versatilité stylistique ; quant à l’Orchestre de l’Opéra, placé sous la direction emportée, mais parfois brouillonne, de Nello Santi, il veillait avec succès à faire monter la température dans la fosse. La mise en scène décorative de Grischa Asagaroff dans les élégants décors de Reinhard von der Thannen vieillit bien et servira certainement encore de cadre à quelques belles reprises de cet ouvrage finalement trop peu joué.

Eric Pousaz