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Opernhaus, Zurich
Zurich : “Luisa Miller“

A Zurich, une Luisa Miller selon Damiano Michieletto.

Article mis en ligne le juin 2010
dernière modification le 30 juillet 2010

par Eric POUSAZ

L’institution zurichoise continue à explorer les fameuses années dites ‘de galère’ où Verdi était obligé, pour se faire connaître, de produire à la chaîne des œuvres lyriques souvent assez mal ficelées. Après un Corsaire (d’après Byron) bien falot et avant I Masnardieri (Les Brigands, d’après Schiller) en automne prochain, l’Opéra de Zurich proposait une nouvelle version de Luisa Miller.

Bien que construit sur la base d’un drame de jeunesse de Schiller (Kabale und Liebe), le livret de cet ouvrage ne tient pas la route : l’intrigue est tellement morcelée qu’elle en devient illogique. De plus, la tradition lyrique du temps qui obligeait un compositeur lyrique italien à ajouter des chœurs dans chacune de ses nouvelles œuvres incite Verdi à introduire près de cinquante chanteurs là où leur présence ne se justifie pas, comme par exemple dans la scène d’ouverture où une masse chorale s’introduit dans la chambre de Luisa pour fêter son réveil le jour de son anniversaire !

Décor en miroir
La mise en scène de Damiano Michieletto se joue dans un fabuleux décor en miroir de Paolo Fantin : au bas de la scène, les parois grises et délabrées dépeignent l’univers sinistre où vivotent le soldat Miller et sa jolie fille ; vers le haut, le décor change radicalement de tonalité : les parois immaculées en blanc et en or ainsi que les lambris aux ornementations savantes d’un palais luxueux évoquent le monde rutilant du comte Walter et de son fils. Visuellement, aucune porte, aucun couloir ne relient ces deux mondes : cette impossibilité résume brillamment le fond du drame que se noue entre la pauvre jeune femme et son riche prétendant.

« Luisa Miller » avec Barbara Frittoli, Leo Nucci
© Suzanne Schwiertz

Malheureusement, la direction d’acteurs reste trop sommaire pour intéresser durablement ; le plateau tournant ne cesse de faire glisser les personnages vers la droite ou la gauche sans nécessité dramaturgique et l’on a finalement l’impression que le spectacle se mord la queue en faisant constamment réapparaître les mêmes praticables dans des endroits qui devraient être autres…

La distribution est dominée par Leo Nucci dans le rôle du vieux Miller, un vétéran du bel canto italien qui, comme nul autre, sait mettre en valeur l’éclat d’un timbre inaltérable sans solliciter la musique avec vulgarité. Son portrait, robuste et vaillant, s’impose sans peine comme le plus abouti de la soirée. Barbara Frittoli en Luisa dispose bien de tous les atouts nécessaires à brosser le portrait vocal crédible de la malheureuse héroïne de cette sombre histoire mais la voix bouge tellement dans l’aigu qu’elle peine à planer avec cette douce clarté lunaire que la musique d’une noble mélancolie du compositeur devrait susciter chez son interprète.

Malchance
Fabio Armiliato joue de malchance pour son premier Rodolfo scénique : une inflammation des cordes vocales lui fait ‘craquer’ quelques aigus dans les passages les plus exposés du final du 1er acte et dans le duo avec Luisa. Aussi son chant est-il, ce soir-là, peu varié, mais le flamboiement du timbre convient bien à ce type d’amoureux ardent prêt à tous les excès pour parvenir à ses fins.
Les voix fatiguées de László Polgár en Comte Walter et de Liliana Nikiteanu en Federica font par contre peine à entendre tant l’effort reste audible à chaque instant.
Ruben Drole, dans le rôle de l’infâme intrigant Wurm, offre une brillante démonstration de puissante déclamation tragique. A défaut de s’imposer comme un grand baryton verdien en devenir – le souffle est trop court et le chatoiement de l’aigu trop limité – le jeune baryton suisse joue avec aisance les utilités dans cet opéra où le compositeur ne l’a pas particulièrement gâté en ne lui confiant aucun air. (Représentation du 18 avril)

Eric Pousaz