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Opernhaus, Zurich
Zurich : “Le Nozze di Figaro“

Une folle journée qui se déroule réellement sur un rythme d’enfer.

Article mis en ligne le février 2008
dernière modification le 5 février 2008

par Eric POUSAZ

Sven-Eric Bechtolf ne s’intéresse qu’aux dimensions comiques et sensuelles du livret de Da Ponte et évacue toute nostalgie. Son spectacle est magnifiquement enlevé : les mains sont lestes, les dessous féminins affriolants et les travestissements dégustés avec une jouissance trouble. Et tant pis pour les amateurs d’un Mozart plus ambigu…

En réduisant le Comte à un magicien amateur qui s’amuse à étonner de ses tours de passe-passe un public facilement conquis, le metteur en scène ouvre résolument la porte à une vision plutôt uniforme de la vie quotidienne dans le château des Almaviva. Tout tourne autour de l’argent, du pouvoir de séduction des hommes et de résistance des femmes. La folle journée se déroule réellement sur un rythme d’enfer et procure à chaque chanteur maintes occasions de faire étalage de ses talents d’acteur.

Diamants
La distribution contient plusieurs diamants, à commencer par le premier Figaro du jeune chanteur suisse allemand Ruben Drole. Cet artiste enchante par son naturel scénique autant que par un chant d’une rare beauté, où la puissance n’est jamais synonyme d’effet gratuit ; le timbre est plutôt sombre avec un grave facile, magnifiquement sonore alors que l’octave supérieure séduit par son émission allégée mais pleine. Déjà remarqué en Papageno dans la dernière Flûte enchantée montée sur ces mêmes planches il y a quelques mois avec la complicité de Nikolaus Harnoncourt (un DVD vient de sortir), il s’affirme en Figaro comme un des chanteurs mozartiens avec lesquels il faudra désormais compter.

Le Nozze di Figaro
Avec Erwin Schrott, Martina Janková, Malin Hartelius, Carlos Chausson, Irène Friedli, Martin Zysset. Copyright Suzanne Schwiertz

Michael Volle reste un Comte d’une assurance presque arrogante, mais vocalement, la voix sait se faire chaleureuse et séductrice, ce qui rend le personnage d’autant plus dangereux. Malin Hartelius en Comtesse n’éclipse pas les grandes interprètes du rôle car le timbre n’est pas naturellement généreux, mais elle campe avec assurance un personnage fragile, adonné aux joies de l’alcool et du sexe, qui ne manque pas de subtilité psychologique. Avec son timbre clair et délié, l’adorable Suzanne de Martina Jankova ferait meilleure impression encore si un vibrato de plus en plus envahissant n’entachait durablement une émission qui en devient parfois confuse. Avec sa voix ambrée, presque trop féminine déjà, Judith Schmid est un Cherubino aux désirs inassouvis omniprésents qui ne fait qu’une bouchée de ses deux airs et s’impose comme un des vrais ressorts de l’intrigue.
Excellents également le Bartolo chaleureux et jouisseur de Carlos Chausson, le Basilio persifleur de Martin Zysset ou la Marzelline encore juvénile d’Irene Friedli (aussi est-il heureux que ces deux derniers chanteurs aient pu conserver leur air traditionnellement coupé au 4e acte !...)
La direction de Franz Welser-Möst est un miracle d’équilibre et de couleurs chatoyantes. Son départ pour Vienne sera vraiment regretté au bord de la Limmatt…

Eric Pousaz

(Opernhaus, 25 novembre)