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A la Fenice, Venise
Venise : “Thaïs“

En octobre, La Fenice proposait Thaïs de Massenet. Pour des raisons de rareté ?

Article mis en ligne le décembre 2007
dernière modification le 16 décembre 2007

par Philippe BALTZER

Depuis la fin du dix-huitième siècle se dresse sur un ravissant petit campo de Venise, l’une des plus célèbres scènes d’art lyrique italiens : « la Fenice ». Rossini, Bellini, Verdi, Donizetti et Stravinski ont lié leurs noms à son histoire et Maria Callas y fit ses débuts. Belle carte de visite.

Bâti en 1792 sur les ruines d’un théâtre incendié (déjà !), l’opéra de « la Sérénissime » fut une première fois livré aux flammes en 1836. Reconstruit « à l’identique » quelques années plus tard, il fut victime en 1996 d’un incendie criminel déclenché par une poignée d’artisans peu scrupuleux. Tout comme l’oiseau mythologique, qui en est le symbole, le théâtre renaquit de ses cendres en 2004, pour la plus grande joie du mélomane de passage, qui tombera immanquablement sous le charme des lucioles qui encadrent les ravissantes loges aux motifs ouvragés.

“Thaïs“ à La Fenice

Mais pourquoi diable programmer Thaïs de Jules Massenet à « la Fenice », si ce n’est pour des raisons de rareté ? L’œuvre ne se distingue ni par son originalité ni par son intérêt, et pour dire les choses un peu vite, la conversion au christianisme d’une courtisane d’Egypte du IV siècle, et les amours impossibles d’un moine cénobite ne sont pas d’une grande actualité ! Sauvons toutefois de cette partition quelques minutes de vrai bonheur : l’intermezzo symphonique, plus connu sous le nom de Méditation de Thaïs, un délicieux solo de violon, accompagné par une harpe et un chœur invisible qui reprend le motif en produisant un effet admirable.
Passons rapidement sur la mise en scène d’un classicisme figé, soulignée par de grandes croix qui obstruent l’ouverture scénique et qui tiennent lieu de décor. Le vétéran Pier Luigi Pizzi ponctue cet océan d’ennui par quelques trouvailles qui ne parviendront jamais à donner à ce spectacle un début d’intensité théâtrale. On déplore également la faiblesse générale du plateau vocal : Simone Alberghini massacre méticuleusement le français et ne possède pas la belle voix sombre requise par le rôle d’Athanaël. Darina Takova est une « Thaïs » solide et sans charme, qui ne restitue que fort mal la destinée tragique de son personnage. Le reste de la distribution est si peu digne d’intérêt qu’on se plonge à plusieurs reprises dans le programme afin de s’assurer qu’il s’agit bien de « la première » et non d’une distribution de remplacement.

Dans la fosse, le jeune chef strasbourgeois Emmanuel Vuillame emmène ce joyeux désastre avec une grande sûreté et un mélange de contrôle et d’instinct. Sa battue dynamique et son énergie ne seront jamais pris en défaut au cours de la soirée.
Dans son Dictionnaire amoureux de Venise, Philippe Sollers s’étonne de la programmation « absurde » de ce haut lieu de l’art lyrique « où l’on voit défiler Britten, Berio, Nono, Busotti » et ajoute que « pour éviter d’autres incendies, la « Fenice » devrait être entièrement consacrée à Vivaldi et à Mozart, sans quoi je ne réponds de rien ».
Je souscris pleinement à cette analyse pyromane et ajoute, que compte tenu du prix des billets, un soin un peu plus grand pourrait être apporté à la qualité des distributions !

Philippe Baltzer

Renseignements et location : tel (+39) 041 2424 www.teatrolafenice.it