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A l’Opéra de Toulouse
Toulouse : “Tristan und Isolde“

Après Bruxelles et Montpellier, Toulouse vient d’afficher sans complexe Tristan und Isolde.

Article mis en ligne le mai 2007
dernière modification le 15 juillet 2007

par François LESUEUR

Après Bruxelles (voir numéro de décembre) et Montpellier, Toulouse vient d’afficher sans complexe Tristan und Isolde. Toujours prêt à relever les défis qu’imposent ces grands titres, et à Wagner en particulier, Nicolas Joël confirme sa volonté de hisser la scène toulousaine parmi les plus attractives de l’hexagone.

Quelques mois après une Frau ohne Schatten de Strauss saluée unanimement, Nicolas Joël s’est remis au travail en s’attaquant cette fois à l’imposant Tristan und Isolde. Sa rencontre avec Wagner ne date pas d’hier, puisqu’il fit ses premières armes en assistant Patrice Chéreau à Bayreuth et c’est assez naturellement qu’une fois passé à la mise en scène, il se frotta à ce compositeur (premier Ring monté à Strasbourg et Lyon, Parsifal à San Francisco, Le Vaisseau fantôme à Orange, et à Toulouse, un nouveau Ring, mais également Les Maîtres chanteurs, avant Rienzi à Leipzig en novembre prochain).

Brangaene : Janina Baechle / Isolde : Janice Baird.

Cette production techniquement lourde comptera sans doute dans sa carrière, même si son impressionnant dispositif ne laissera pas de souvenirs impérissables, à la différence du travail d’Olivier Py ou de Peter Sellars, pour ne citer que deux exemples magistraux récents. Comme il est aujourd’hui de mise sur la plupart des scènes, Nicolas Joël et son décorateur Andreas Reinhardt privilégient le symbole, l’évocation, en épurant leur spectacle pour laisser à la musique tout l’espace et aux interprètes le soin de s’investir totalement et de porter la représentation à bout de bras et de voix. Ni bateau, ni voile, ni mât au 1er acte, mais un sol entièrement articulé qui ne cesse de se mouvoir, telle une frêle embarcation jetée sur les flots. Le 2, situé sur la terre ferme, ne présente qu’un ciel piqué d’étoiles, l’obscurité totale lui succédant, le 3 de loin le plus saisissant, offrant comme seul refuge à un Tristan à l’agonie, une proue de navire relevée de plusieurs mètres. Restée seule, Isolde accède impassible à l’au-delà, alors qu’au lointain le ciel se déchire en lambeaux pour céder la place à une lumière lustrale. Un tel parti pris scénique ne peut tenir sur la durée que s’il s’appuie sur une direction d’acteur fouillée, renouvelée et suffisamment subtile pour entraîner le spectateur par la main ; or Nicolas Joël s’en désintéresse. Aussi impliqués soient-ils, ses artistes sont en mal d’indications, d’idées, d’accessoires auxquels se rattacher. Isolde est tantôt à genoux, tantôt allongée à terre, gênée ou maladroite ; Brangaene peine à évoluer sur ces sols mouvants et Tristan s’accroche à son promontoire comme un ver à sa pomme, seul à se débattre avec ses fantômes, alors qu’un météorite menace de l’écraser.

La satisfaction procurée par la fosse où Pinchas Steinberg règne en maître, parvient à rééquilibrer ces limites visuelles. Le chef possède l’autorité, la puissance et l’imagination qui conviennent à ce luxuriant poème d’amour et de mort. Couleurs miroitantes, phrasés envoûtants, sens de l’exposition, de la progression dramatique et de l’épanouissement orchestral, révèlent une adéquation parfaite au style wagnérien. Janyce Baird et son chignon à la Kim Novak (façon Vertigo), tire son Isolde à la sobriété fêlée, du côté de la juvénilité, de l’insouciance et de l’exaltation romanesque. Sa voix robuste possède un beau volume, des uts glorieux, un timbre métallique assez droit, mais des graves parfois rebelles. Alan Woodrow d’abord économe, fait grincer son Tristan au 1er acte, se fâche avec le diapason une bonne partie du second, avant de se déchaîner au 3. Sa folie destructrice, son embrasement, prennent peut être le pas sur la douleur qu’il est censé éprouver, mais l’auditeur ne peut qu’applaudir sa résistance. Brangaene à la voix longue et nuancée (très beaux appels), Janina Baechle entoure de sa corpulente présence le couple maudit, tandis que Kurt Rydl confère au Roi Marke une présence écrasante. Remarquable enfin, le Kurwenal senti avec force et détermination par Oliver Zwarg.

François Lesueur