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Opéra du Rhin, Strasbourg
Strasbourg : “Simon Boccanegra“

L’équipe des chanteurs se montre à la hauteur des exigences de la musique.

Article mis en ligne le février 2011
dernière modification le 18 février 2011

par Eric POUSAZ

L’atmosphère austère et sombre de cet opéra a incité Keith Warner à proposer une mise en scène ascétique de cette sombre histoire plutôt comppliquée. Deux panneaux sur lesquels figurent des motifs extraits de fresques de Mantegna délimitent l’aire de jeu ; un cyclorama éclairé aux couleurs du ciel ou de la mer ferme l’espace alors que, sur l’avant, une mare d’eau stagnante où flottent quelques cadavres semble devoir symboliser les contingences sordides du monde de la politique fait de compromissions et de manipulations.

Séduisant au premier abord, ce dispositif scénique finit par lasser car les mouvements rotatifs des panneaux ne signifient pas grand-chose alors que les mouvements scéniques n’échappent pas aux canons de la tradition la plus rétrograde : on lève beaucoup les bras au ciel, on les écarte en signe de rejet, on les ferme sur l’être aimé, - bref : il n’y a rien de bien neuf sous ce plateau où la convention triomphe en maîtresse absolue.

« Simon Boccanegra »
Photo Alain Kaiser

Heureusement, l’équipe de chanteurs se montre, elle à la hauteur des exigences de la musique. Serguey Murzaev prête à Boccanegra son timbre pétulant de santé ; le chant ardent et une certaine propension aux débordements sonores font du personnage le vrai pivot de l’intrigue, même s’il peine à rendre sensibles, en fin d’ouvrage, les souffrances d’un mourant qui paraît ici en trop bonne santé vocale. Son adversaire est incarné par la basse tout aussi impressionnante de Michail Ryssov ; ce Fiesco se donne déjà des airs de Phiippe II avec ses graves percutants et son legato soigné. Seul personnage féminin d’importance, Nuccia Focile dessine un portrait tout en nuances de Maria Boccanegra après un début hésitant : dès que le premier air, chanté sur la retenue, est derrière elle, la cantatrice se libère et laisse se déployer une voix lumineuse qu’elle maîtrise souverainement même dans les moments d’intensité dramatique extrême ; le ténor Andrew Richards aborde le rôle quelque peu sacrifié de Gabriele Adorno avec un timbre aux diaprures charmeuses qui apporte une touche de lumière bienvenue dans cet opéra dominé par les voix masculines graves. Le Paolo sonore de Roman Burdenko et le Pietro incisif d’Arnaud Richard complètent avec bonheur une distribution dont on ne louera jamais assez l’homogénéité.

L’Orchestre symphonique de Mulhouse est placé sous la direction de Rani Calderon, un chef sur la retenue qu’intéressent plus les raffinements de l’écriture verdienne que les débordements des grands ensembles : son approche retenue, soignée dans le détail, séduit mais ne transporte pas car elle peine à rendre un brin de cohérence à un ouvrage que divers remaniements de la part du musicien comme du librettiste ont rendu passablement disparate. (Représentation du 21 novembre)

Eric Pousaz