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Sur les scènes strasbourgeoises
Strasbourg : “Richard III“ et Musica

Belle production à l’Opéra du Rhin, avec un superbe Richard III.

Article mis en ligne le novembre 2009
dernière modification le 26 novembre 2009

par Pierre-René SERNA

L’Opéra du Rhin et le Festival Musica se retrouvent à nouveau. Il semble donc bien que la prise en main de la première institution par Marc Clémeur, qui succède à Nicholas Snowman, poursuive en l’espèce les bonnes habitudes coopératives et coproductives. Richard III de Giorgio Battistelli scelle ces retrouvailles.

Richard III avait été créé en 2005 à Anvers, car, comme par hasard, Clémeur vient de l’Opéra des Flandres dont il était le directeur. La production est ici entièrement reprise, à nouveau signée par Robert Carsen. Dans ce cas on peut même parler de collaboration étroite entre le compositeur, le metteur en scène et le librettiste, Ian Burton. Ce dernier s’inspire de l’œuvre éponyme de Shakespeare, l’allégeant quelque peu et mettant au goût du jour son langage – en anglais, toujours. Reste la trame générale, avec la monstrueuse et sanguinaire folie du personnage principal. La scène de l’Opéra de Strasbourg se convertit ainsi en un sol de sable rouge, parsemé de personnages tout de noir vêtus devant un fond de gradins. Sang et arènes ! Et, comme toujours avec Carsen, tout résulte parfaitement défini, les situations comme les mouvements, pour aboutir à un sentiment d’horreur impressionnant. Pour sa part, la musique de Battistelli mêle violence orchestrale et chorale, atonalité et tonalité, avec une ligne vocale à l’ambitus restreint pour les solistes : peut-être l’aspect faible de l’opéra, qui rend un peu longues quelque trois heures de durée sans aucun instant de véritable lyrisme.

« Richard III »
Photo Alain Kaiser

Nonobstant, l’interprétation appelle tous les éloges, et surtout Scott Hendricks, Richard III, dans une émission toujours ferme et une expression constante malgré une présence continuellement active sur scène. Le grand triomphateur de la soirée, avec Carsen. Dans le reste d’une distribution sans tache se distinguent en outre la soprano Lisa Griffith (Queen Elizabeth), le baryton Urban Malmberg (Buckingham) ou le contre-ténor Jonathan De Ceuster (Edward) de par leurs voix assurées. Face à l’Orchestre symphonique de Mulhouse, Daniel Klajner sait insuffler chaud et froid sans un moment de relâchement.

Musica
En dehors de cet événement de première importance, le Festival Musica essaime en solitaire pour envahir de musique contemporaine – dont nombre de créations – les lieux les plus divers de la capitale alsacienne. Les “Samedis de la Jeune Création européenne” font ainsi cohabiter des œuvres inédites de Jean-Pascal Chaigne, Fabrizio Rat Ferrero et Frédéric Durieux ; ce dernier l’emportant sans doute pour l’imagination personnelle, servie ardemment par l’Orchestre des lauréats du Conservatoire de Paris sous la battue incisive de Tito Ceccherini.
À la salle de la Bourse, joli bâtiment haussmannien, c’est au tour du célèbre violoncelliste Jean-Guilhem Queyras de s’attaquer à des pages de Marco Stroppa, de Kaija Saariaho (avec le magnifique Près), György Kurtag (un classique !) et Bach (autre classique).

Jean-Quihen Queyras au Festival Musica

À la Cité de la Musique, dix-huit concerts de 30 minutes se bousculent dans une après-midi échevelée. Relevons de ce marathon : le récital de la soprano Clarissa Worsdale, avec une mélodie attachante du jeune Mexicain Juan Pablo Muñoz, The Raven ; le concert de l’ensemble Accroche Note avec la soprano Françoise Kubler, pour une envoûtante suite chantée de Sarah Nemtsov ; et le duo clavecin et percussions, par d’efficaces étudiants du Conservatoire de Strasbourg, associant pertinemment des pages éclectiques de Steve Reich, Alejandro Viñao et Manuel Ponce.
Dans le même lieu, mais dans son grand auditorium, l’Orchestre philharmonique de Fribourg (dans la Forêt noire, et non pas en Suisse), affronte sous la direction de Fabrice Bollon des grandes pièces de Johannes Maria Staub, du prématurément disparu Fausto Romitelli et de Bernard Cavana ; successivement : Musik für 2 Klaviere und Orchester, dans des coloris tourmentés ; Dead City Radio, jouant du son et de ses déformations ; et Karl Koop Konzert, en hommage au grand-père de Cavana, accordéoniste, mélangeant l’instrument à bretelles et le grand orchestre avec cet humour dont le compositeur a le goût et le secret.

Pierre-René Serna