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Opéra du Rhin
Strasbourg : “Louise“

A l’Opéra du Rhin, nouvelle production de Louise de Charpentier qui marque l’entrée en fonction d’une direction renouvelée.

Article mis en ligne le février 2010
dernière modification le 24 février 2010

par Eric POUSAZ

Le nouveau directeur de l’Opéra du Rhin a décidé de mettre l’accent sur le
répertoire français car, la situation géographique de l’Alsace rend inutile, selon lui, une programmation trop dense du répertoire germanique comme c’était le cas
avant son arrivée.

Aussi n’a-t-il pas hésité à interrompre un Anneau du Nibelung de Wagner après Siegfried pour remplacer ce titre par une Ariadne auf Naxos de Strauss sans que les raisons données pour ce changement paraissent bien évidentes. Pour ce qui est du répertoire français, deux titres sont à l’honneur cette saison : Platée de Rameau et cette nouvelle production de Louise de Charpentier qui a marqué en octobre la véritable entrée en fonction de la direction renouvelée.
Première constatation : il est certes louable de vouloir revisiter le répertoire français en dehors des sentiers battus, mais fallait-il dans un tel contexte engager deux chanteurs étrangers au fort accent pour incarner les deux protagonistes ? Certes, la soprano ukrainienne Nataliya Kovalova et le ténor roumain Colin Bratescu disposent de beaux timbres, puissants et fermes, qui se déploient avec délectation dans les mélismes relativement lourds de l’écriture du compositeur français, mais leur chant aux sons étranges met le spectateur à rude épreuve en l’obligeant à lever constamment les yeux vers les surtitres pour comprendre de quoi il est question. Il y a mieux pour rendre sa popularité à un style lyrique qui demande avant tout une communication directe avec l’auditoire pour faire tout son effet. Même dans les innombrables emplois secondaires, les accents baroques étonnent plus d’une fois dans la bouche de chanteurs à qui ne sont confiées que deux ou trois répliques… Fort heureusement, les rôles capitaux du Père et de la Mère sont confiés, eux, à deux chanteurs tout simplement hors du commun.

« Louise » avec Nataliya Kovalova et Colin Bratescu
© Alain Kaiser

Marie-Ange Todorovitch, souvent entendue à Genève, déguste avec un appétit gourmand les phrases assassines que cette mère dégénérée distille sur les prétendues escapades de l’amoureux de sa fille : la voix est sombre, bien placée et porte jusque dans les derniers recoins du théâtre sans le moindre effort apparent. Plus grandiose encore se révèle Philippe Rouillon en père protecteur que l’amour paternel a rendu égoïste et tyrannique. La voix reste chaleureuse jusque dans les éclats les plus tonitruants et parvient même à rendre compréhensibles, voire sympathiques, ses accès de possessivité jalouse. La direction de Patrick Fournillier, plus analytique que dynamique, fait la part trop belle à certains moments orchestraux de remplissage sans parvenir à doter l’ouvrage d’une vraie dynamique interne qui rendrait plus facilement digeste ces plus de trois heures de musique. Le chœur, excellent, se montre très à l’aise dans ce répertoire qu’il fréquente relativement peu alors que les musiciens du Philharmonique de Strasbourg peinent à jouer à l’unisson.
Vincent Broussard propose une relecture fort sage de cet opéra naturaliste dans les décors de guingois qu’a créés pour lui Vincent Lemaire : trop souvent, les chanteurs se livrent à des activités répétitives ; le Père, par exemple, ne cesse de repeindre son salon pendant les vingt-cinq minutes du dernier acte, alors que deux jeunes femmes ramassent un à un les innombrables papiers qui jonchent le trottoir dans la longue scène de rue du 2e tableau… Cette agitation n’ajoute bien évidemment rien à la compréhension de la situation !... De fait, il s’agit ici ni plus ni moins que d’une lecture décorative et passéiste qu’un coup de neuf du côté des décors est censé faire passer pour une création contemporaine !

Eric Pousaz