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Opéra du Rhin
Strasbourg : “Jephtha“

L’Opéra du Rhin a rendu un bel hommage à Haendel, en proposant une version scénique de Jephtha.

Article mis en ligne le juillet 2009
dernière modification le 4 juillet 2009

par Eric POUSAZ

L’Opéra du Rhin a rendu à Haendel un des plus beaux hommages qui se puissent imaginer en proposant à Jonathan Duverger et Jean-Marie Villégier de réaliser une version scénique de son oratorio dramatique Jephtha. Dans une esthétique qui faisait ouvertement référence aux grands maîtres de la peinture flamande, les deux metteurs en scène ont trouvé le juste milieu entre théâtralisation et mise en perspective musicale.

On sait que le compositeur anglais a renoncé à composer des opéras contre son gré ; aussi voyait-il lui-même dans ses oratorios bibliques, écrits sur des livrets rédigés en langue anglaise, des tragédies lyriques déguisées, mais leur musique se veut moins brillante et n’épouse pas une ligne dramatique claire, d’autant plus que l’important dispositif choral, chargé de commenter l’action, en freine une exposition scéniquement efficace. Pourtant, dans cette réalisation exemplaire de l’Opéra du Rhin, ce pari impossible en apparence a été brillamment tenu.

Décor intimiste
Le sobre décor de Jean-Marie Abplanalp évoque l’intérieur d’un temple réformé, éclairé parcimonieusement par une grande baie vitrée totalement dépourvue de vitraux ; les parois en bois et l’estrade surmontant l’entrée sont d’une couleur sombre et permettent des éclairages en clair-obscur raffinés qui baignent les personnages dans des pâles halos de lumière, à la façon de ces scènes intimistes chères à Rembrandt, par exemple. Les costumes de Patrice Cauchetier, de coupe sévère mais distinguée, accentuent encore les références au monde pictural du 17e siècle et ajoutent une touche décisive à l’élégance raffinée de cette splendide réalisation visuelle.

« Jephtha »
Photo Alain Kaiser

Distribution
La distribution n’est pas en reste. Elle est dominée par l’impressionnant Jephtha de Topi Lehtipuu dont le ténor clair se charge d’infinies nuances pour rendre sensibles les tourments de ce père poussé au sacrifice de sa fille par un serment insensé. Storgè, la mère impuissante, bénéficie de l’alto chaleureux, aux graves d’une rondeur ensorcelante, d’Ann Hallenberg, alors que Carolyn Sampson prête sa voix d’une douceur et d’une précision fascinantes au personnage d’Iphis. Le contre-ténor Christian Dumaux n’est pas en reste dans son portrait vibrant de Hamor, un personnage que sa voix énergique et magnifiquement étale dote d’une virilité affirmée. Moins en vue mais non moins présents, le Zebul d’Andrew Foster-Williams plaît par ses interventions sonores attestant une impressionnante maîtrise stylistique alors que la voix déliée mais à l’aigu un peu trop agressif de Suzana Ograjensek transforme l’Ange en personnage ambigu, à mi chemin entre oratorio et comédie musicale.

Clarté
Les chœurs font honneur à la direction de leur chef Michel Capperon qui est parvenu à transformer ses chanteurs en solistes émérites dont les interventions, bien que très homogènes au plan sonore, séduisent par l’inatendue diversité de couleurs de chaque timbre. A la tête d’un Freiburger Barockorchester étonnant de virtuosité instrumentale et de maîtrise rythmique, Ivor Bolton manque peut-être de fluidité dans une direction qui frappe surtout par son énergie et sa pétulance. Mais ce parti pris qui étonne de prime abord assure à la représentation une assise solide et culmine dans une mise en place tout simplement grandiose des grands épisodes choraux, notamment des fugues construites avec une clarté dans les divers niveaux sonores qui ne laisse de captiver l’auditoire.

Eric Pousaz