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Opéra du Rhin
Strasbourg : “Boris Godounov“
Article mis en ligne le octobre 2007
dernière modification le 24 septembre 2007

par Eric POUSAZ

L’Opéra du Rhin a terminé sa saison avec une version déroutante de Boris Godounov qu’il a coproduite avec le Teatro Real de Madrid et le Théâtre de la Monnaie de Bruxelles.

Troublante, cette production l’est d’abord par son refus quasi systématique d’ancrer la réalité du livret dans l’univers russe. Cette course effrénée au pouvoir est montrée ici dans toute l’universalité de son message : les victimes sont habillées de costumes actuels alors que les dignitaires présentent des vêtements fastueux qui ne sont pas directement inspirés de tel ou tel protocole. Les décors d’Eduardo Arroyo restent d’une simplicité spartiate, mais occupent l’espace avec une efficacité percutante, à l’image de cet ange ornant l’immense paroi nue du fond de la scène pendant la scène du couronnement ; la mise en scène de Klaus Michael Grüber concentre l’intérêt du spectateur sur l’interaction entre les personnages, sur leurs doutes, leurs angoisses et sont réglées avec un souci du détail révélateur qui fait mouche à chaque coup. De fait, cette parabole sur les crimes et compromissions nécessaires à quiconque aspire à s’arroger un pouvoir absolu ne pouvait prendre plus de sens que dans cette réalité désincarnée, affranchie de trop précises références culturelles ou géographiques.

La distribution est splendide, même si l’on doit reconnaître que le Boris de John Tomlinson n’est plus au sommet de ses pouvoirs expressifs tant les notes aux deux extrémités de la tessiture paraissent émoussées, voire franchement éraillées. Mais le chanteur britannique sait faire de ses limites actuelles un formidable moyen d’expression et rend sensible par ses cassures vocales autant que par ses envolées d’une noire prégnance la nature déchirée du monarque assassin. Ian Caley en Chouiski est à peine moins impressionnant avec sa voix insinuante, rarement utilisée en pleine gorge pour mieux donner corps à ses manigances d’intrigant sans scrupule. Le Pimène d’Alexandre Kisselev se veut plutôt réservé, mais sait donner à chaque phrase musicale un impact qui rend ses deux interventions particulièrement mémorables alors que le Varlaam justement débraillé de Vladimir Matorin ne manque ni de faconde ni de truculence. Dmitri Voropaev incarne un Fou qui s’inscrit dans la grande tradition russe avec son timbre désincarné, presque blanc tant il est clair. Les très nombreux autres rôles font tous forte impression, y compris ceux qui sont tenus par les jeunes membres de l’Opéra Studio (baptisé : Les Jeunes Voix du Rhin) qui saisissent l’occasion de se mesurer à des collègues plus expérimentés sans jamais démériter (on pense notamment aux deux enfants du tsar et à la Nourrice). Les chœurs, formidablement préparés par Michel Capperon s’intègrent sans rupture dans le flux de cette fresque rendue moins longue par la suppression de l’acte polonais, - une décision qu’il est permis de regretter à l’écoute d’une distribution aussi homogène.

La direction de Hans Graf est plutôt retenue et trouve dans la mise en exergue de certains petits détails instrumentaux l’occasion de réhabiliter un art de l’instrumentation que l’on a trop longtemps disqualifié au nom de sa rudesse.
(A signaler que la prochaine nouvelle production de Boris Godounov de l’Opéra de Zurich au printemps 2008 sera confiée aux mêmes décorateur et metteur en scène, mais comprendra l’intégralité de la deuxième mouture écrite par le compositeur, c’est-à-dire qu’elle inclura l’acte polonais…

La prochaine saison à l’Opéra du Rhin
Six productions d’opéra seulement (dont deux reprises) sont à l’affiche de la saison 07/08 qui continue à explorer le mythe de la Guerre de Troie avec une reprise de Cassandre (de Jarrel) dont la création a été montée le 4 février 1994 au Théâtre du Châtelet à Paris. Suivront une nouvelle production d’Idomeneo de Mozart (novembre – décembre), une reprise d’Elektra de Richard Strauss (janvier / février), la poursuite de l’aventure du Ring de Wagner avec une Walkyrie donnée en avril et mai en parallèle à une Iphigénie en Aulide de Gluck avant un ultime Fidelio en juin et juillet (voir détails de la saison page 11 du présent numéro).

Eric Pousaz