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Portrait : Vivica Genaux

Regard sur Vivica Genaux, une cantatrice qui vient du froid.

Article mis en ligne le février 2008
dernière modification le 26 octobre 2008

par François LESUEUR

Rossini lui a toujours porté chance, mais son nom est également associé à la musique baroque, à laquelle son timbre velouté de mezzo et son tempérament vainqueur semblent avoir été prédestinés. Vivica Genaux est une cantatrice heureuse, applaudie sur toutes les scènes, qui
incarnera son rôle fétiche au Grand Théâtre de Genève, celui de La Cenerentola, en février. Regard sur une cantatrice qui venait du froid.

Quatrième et dernière fille d’un couple pour le moins cosmopolite, composé d’une mère allemande élevée à Mexico City et d’un père originaire de l’Iowa, qui se sont rencontrés en Suisse où ils faisaient leurs études, Vivica Genaux passe son enfance à Fairbanks, en Alaska. Aux côtés d’une enseignante polyglotte et d’un biochimiste, l’enfant grandit dans un entourage où les langues et les cultures s’entremêlent le plus naturellement du monde. Pour lutter contre la dépression qui guette les habitants de cette région, où l’hiver dure neuf mois, la pratique des arts est indispensable.

Vivica Genaux

Déclic
La jeune Vivica jongle donc très tôt avec le jodel alpin et le mariachi mexicain, le lied allemand et l’opéra, avant d’étudier le piano, le violon, le chant choral et de s’adonner à la danse. Sa participation à une comédie musicale lors d’un spectacle de fin d’année est un déclic ; elle découvre à dix ans le plaisir de la scène et réalise qu’elle tient là la clé de son bonheur. Bien qu’elle poursuive des études de sciences à l’Université, Vivica choisit de suivre plus sérieusement des cours de chant.
Son premier professeur de musique ne se montre guère enthousiaste envers ses capacités. Il l’imagine soprano, mais cette tessiture se révèle assez inconfortable. Elle rencontre fort heureusement à l’Université d’Indiana où elle vient d’obtenir son diplôme, deux professeurs éminents, la basse Nicola Rossi-Lemeni et son épouse Virginia Zeani, qui l’orientent vers le répertoire de mezzo. Désorientée, elle se ressaisit et part en bibliothèque à la recherche des partitions et des artistes qui se sont illustrés dans ce répertoire. Elle qui ne connaissait que Carmen et Le barbier de Séville, découvre avec émerveillement un monde inconnu dans lequel elle s’immerge totalement. Sa voix naturellement agile, vocalisant avec facilité, lui permet de préparer activement ses premières auditions et d’obtenir un contrat pour l’Italie. Elle y fait la connaissance de son professeur actuel, la fille du célèbre Ezio Pinza, Claudia. Elle parfait sa technique aux côtés de cette pédagogue éclairée, avec laquelle elle travaille la langue italienne, s’initie à la culture du pays et se familiarise avec l’univers de Rossini en étudiant plus particulièrement Rosina du Barbier, Isabella de L’Italiana in Algeri et Angelina de La Cenerentola.

Débuts
Vivica Genaux débute professionnellement à Florence en octobre 1994, dans L’Italiana in Algeri, rôle dans lequel elle apparaît peu après à Paris et à San Francisco. Sa vélocité, la délicatesse de son chant orné, son timbre gracieux et son physique avenant sont immédiatement remarqués. Son interprétation de Rosina ne tarde pas à enchanter l’Allemagne et l’Amérique, Paris et New York lui offrant ses premières Angelina (Théâtre des Champs-Elysées, 2003, mis en scène par Irina Brook).
Si Rossini lui permet d’accéder aux plus grands théâtres (Malcom de La donna del lago, Arsace de Semiramide), Donizetti confirme sa maîtrise du bel canto (Maffio Orsini de Lucrezia Borgia et Alahor in Granata, enregistré en octobre 1998 publié chez Almaviva), son Romeo des Capuleti ed I Montecchi de Bellini confirmant son aptitude vocale et sa propension à s’investir dans les grands rôles de travestis.
Sa rencontre avec René Jacobs en 2001 s’avère tout autant déterminante. Peu de temps après avoir travaillé avec Alan Curtis et gravé le rôle-titre d’Arminio de Haendel (Virgin), Jacobs lui confie un plein programme d’airs immortalisés part le célèbre castrat Farinelli (HM). Les pages composées par Broschi, Hasse, Giacomelli et Porpora la propulsent parmi les jeunes mezzos du moment. Le succès commercial et critique remporté par cet album, lui donne l’opportunité d’étayer ses connaissances de la musique baroque, de se mesurer aux différentes écoles et d’acquérir le style approprié, grâce à la proximité musicale de Fabio Biondi avec lequel elle enregistre l’Oratorio per la Santissima Trinita d’Alessandro Scarlatti (Virgin 2004), Bajazet de Vivaldi (Virgin 2005), retrouvant Jacobs pour assumer le redoutable rôle-titre de Rinaldo de Haendel pour HM (2003). John Nelson dirige en 2003 son premier récital d’airs du bel canto pour Virgin (Rossini et Donizetti), avec l’Ensemble Orchestral de Paris, un second voyant le jour en septembre 2006, conduit cette fois par Bernard Labadie (oeuvres de Haendel et Hasse). A signaler enfin la toute dernière parution d’Atenaïde de Vivaldi chez Naïve, dirigée par Federico Maria Sardelli, où la pétillante Vivica Genaux interprète le rôle travesti de Teodosio.

Carrière
Ces dernières années la cantatrice a abordé à la scène Bradamante dans Alcina (en 2004 au Palais Garnier avec Luba Orgonasova, Patrizia Ciofi, Vesselina Kasarova et John Nelson), Polinesso dans Ariodante (TCE, mars 2007, mis en scène par Lukas Hemleb et dirigé par Christophe Rousset, autre spécialiste du répertoire baroque), avant de s’emparer du rôle principal à Dallas, Arminio à Amsterdam, Giulio Cesare à Washington, puis Sesto à San Diego, ainsi que Rinaldo à Montpellier et Innsbruck et Semele (Ino et Juno) au New York City Opera, des œuvres de Haendel qu’elle affectionne tout particulièrement. Après avoir endossé la tessiture d’Orfeo de Gluck à Los Angeles, partition qu’elle reprendra cette saison à Toulouse en concert avec Jean-Christophe Spinosi (6 mars), Miss Genaux est attendue à l’Opéra de Washington pour s’emparer du redoutable Bianca e Falliero de Rossini, en version de concert, puis en mai à Pittsburgh pour les Capuletti ed i Montecchi, avant de retrouver les studios d’enregistrement et le chef Fabio Biondi pour Ercole sul Termodonte de Vivaldi (rôle d’Antiope), en juillet à Bruxelles (une intégrale à paraître chez Virgin).
Avant cela, la jolie mezzo est annoncée pour des représentations de La Cenerentola au Grand Théâtre de Genève (du 13 au 25 février), une nouvelle production confiée par Joan Font dirigée par Giuliano Carella, où elle devrait une fois encore briller.

François Lesueur