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Grand Théâtre de Genève
Portrait : Patricia Petibon

Patricia Petibon incarnera Lulu dans les représentations données au Grand Théâtre de Genève.

Article mis en ligne le février 2010
dernière modification le 26 février 2010

par François LESUEUR

Nouvelle année et nouvelle étape dans la carrière, menée tambour battant, de la soprano Patricia Petibon, qui retrouvera le metteur en scène Olivier Py et le Grand Théâtre de Genève du 4 au 19 février, pour incarner la fascinante héroïne mise en musique par Alban Berg : Lulu. Portrait d’une colorature intrépide.

Extravagante, délurée, espiègle, inattendue, Patricia Petibon est une colorature qui décoiffe. Ceux qui pensaient qu’elle resterait l’éternelle jeune et bondissante soprano française vouant un culte au répertoire baroque en ont été pour leurs frais. Fidèle à Rameau vers lequel sa carrière la ramène régulièrement, la cantatrice côtoie Mozart, se plie à Haendel et s’offre sans crainte à Hérold (avec Zampa donné l’an dernier à l’Opéra Comique), à Offenbach avec cette Poupée Olympia qui lui colle à la peau (la dernière avec Olivier Py à Genève en 2008 était bluffante), avant d’approcher la Lulu de Berg, toujours à Genève et avec Py en février prochain.

Patricia Petibon

Beau parcours qui ne fut pas pour autant sans embûches. Cette bretonne de cœur, née en 1970 à Montargis, licenciée en musicologie, monte à Paris pour accomplir ses études au CNSM début 1990, dans la classe de Rachel Yakar. Son professeur lui transmet le goût du grand répertoire, lui fait travailler quantité de partitions, agissant sur elle, non comme un gourou, mais davantage comme un passeur lui permettant de cultiver sa propre personnalité.

Reconnaissance
Munie d’un premier prix de chant en 1995, la jeune musicienne est remarquée par William Christie qui l’engage sans tarder. La confiance est immédiate et le fameux chef lui confie plusieurs rôles importants qui la propulsent sur les scènes nationales et internationales en compagnie des Arts Florissants. Patricia Petibon débute ainsi au Palais Garnier dans Hippolyte et Aricie et 1996, bientôt suivis par Les indes galantes (conçues par Andrei Serban pour le Palais Garnier), David et Jonathas et Il Sant’Alessio, son intérêt pour la musique ancienne prenant forme, sous la férule de ce maître, qui lui enseigne la façon d’appréhender la musique en scrutant la partition. Sa voix longue et agile, sa technique du chant ornementé lui ouvre les portes du répertoire mozartien : L’enlèvement au Sérail (Blondchen) précède La Finta giardiniera (Serpetta), Les Noces de Figaro (Susanna) ou encore Lucio Silla (Giunia).

« Lulu » avec Patricia Petibon
Photo GTG/Gregory Batardon

Repérée pour son art de la vocalise, elle répond très tôt à l’appel des Contes d’Hoffmann (Nancy) avec cette Olympia intrépide, aborde Norina (Don Pasquale), Zerbinetta (Ariadne auf Naxos), Sophie du Rosenkavalier et Dialogues des carmélites (Sœur Constance à l’Opéra du Rhin) sans sourciller. Elle accepte d’incarner Sophie dans Werther aux côtés de Roberto Alagna (Emi), interprète Amour dans Orphée et Eurydice et élargit son univers avec deux héroïnes que sa condition de colorature lui autorise, Lakmé et Hamlet. Ses débuts à Vienne ont lieu avec Les Contes d’Hoffmann, suivis peu après d’Armida de Haydn (Zelmira) sous la direction de Nikolaus Harnoncourt, avec lequel elle enregistre également Orlando Paladino (Angelica).

Sans étiquette, sans limite
Un premier album chez Virgin la ramène à ses premières amours, Rameau, Charpentier, Lully et Grandval se disputant les vocalises ailées de la soprano. Boulimique, la jeune artiste s’amuse à repousser les limites, refuse les étiquettes et ne cesse d’explorer de nouveaux territoires, passant de Bernstein (Candide) à Haendel (Ariodante à Paris avec Marc Minkowski et Jorge Lavelli en 2001 où elle est Dalinda, abordant le rôle de Ginevra à Genève en 2007), ne résistant pas à jouer avec son image de rousse déjantée, moderne et rockn’roll, quitte à brouiller les cartes.

« Lulu » avec Patricia Petibon et Gerhard Siegel
Photo GTG/Gregory Batardon

Mal accueilli par la presse, son disque « French touch » publié chez Decca en 2005, fourre-tout mal ficelé avec Yves Abel, et ses apparitions aux côtés de vedettes issues de la variété française, la décrédibilise un temps auprès de la profession. Quelques saisons plus tard, la jeune soprano a redressé la barre, comme son album « Amoureuses » paru chez DG en 2008, dirigé par Daniel Harding à la tête du Concerto Köln, en a apporté la preuve. Fini les incartades, cette jeune mère plus posée, mais toujours pétillante et curieuse, a conservé sa voix fine et ses suraigus, même si Mélisande (donnée à Lyon) est passée par là. Elle choisit désormais ses rôles en fonction de son évolution vocale et physique, se produit en récitals, prend le temps de choisir les productions scéniques qui l’intéressent, ce qui explique qu’elle se mesurera prochainement à la redoutable Lulu de Berg, sommet de la littérature musicale allemande pour toute colorature qui se respecte (mais que Natalie Dessay n’a pas eu le cran de se confronter).
Une nouvelle étape dans la carrière de cette artiste où l’art du travail bien fait, n’empêche jamais l’humour et la facétie. Courrez la retrouver.

François Lesueur

Les 4, 7, 10, 13, 16, 19 février : « Lulu » d’Alban Berg, Orchestre de la Suisse Romande, dir. Marc Albrecht, m.e.s. Olivier Py. Grand Théâtre (loc. 022/418.31.30)