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Au Grand Théâtre de Genève
Portrait : Nadine Denize

Bref aperçu du parcours de la mezzo-soprano française.

Article mis en ligne le février 2007
dernière modification le 14 juin 2007

par Martine DURUZ

Genève accueille à nouveau Nadine Denize à l’occasion de la création mondiale de l’opéra de Jacques Lenot, “J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne“, commande du Grand Théâtre. Quarante ans de carrière et une collaboration régulière avec les plus grands noms du monde lyrique n’ont rien changé aux fondements de sa personnalité : elle est restée modeste et chaleureuse, avec pour unique raison de poursuivre sa route, l’amour du chant et de la scène.

Originaire de Rouen, la mezzo-soprano française a obtenu à vingt ans un premier prix à l’unanimité au Conservatoire de Paris, qui a eu pour conséquence un engagement immédiat à l’Opéra, où elle assuma très vite, après quelques seconds rôles, des premiers plans tels que Charlotte de Werther, Marguerite de “La Damnation de Faust” ou Cassandre des “Troyens”. Au fil des années, les scènes les plus prestigieuses l’ont invitée à interpréter Berlioz (on l’appelait même « Madame Berlioz » !) et Wagner surtout, mais aussi Verdi, Poulenc, Ravel, Dukas, Strauss, Tchaïkovski, Janacek, sous la direction de chefs tels que Karajan, Prêtre, Barenboïm, Levine, Lombard, Casadesus, Plasson, Tennsted. Excusez du peu !

Nadine Denize, photo D.R.

Parcours
C’est à Rolf Liebermann qu’elle doit sa première incursion dans l’univers wagnérien (Kundry sous la direction de Horst Stein), et à Jean-Claude Riber son premier “Ring”, à Genève, en 1977. Les chanteuses françaises appréciées dans ce répertoire ne sont pas légion ; Nadine Denize a profité de sa parfaite connaissance de la langue allemande, acquise dans le Palatinat où elle vivait pendant son enfance, pour y faire son chemin. Elle dit aussi avoir bénéficié de l’enseignement d’excellents professeurs (Marie-Louise Christol d’abord, puis Camille Maurane et Germaine Lubin) et d’une maturité vocale précoce, ce qui lui a permis d’aborder Wagner dès l’âge de trente ans sans risques pour sa voix. Elle se souvient de certains conseils de ses maîtres et les applique aujourd’hui encore : elle restera fidèle aux « r » roulés, même si la tendance actuelle est de l’abandonner, car il favorise la projection de la voix, et elle ne cessera jamais de pratiquer ses vocalises quotidiennes.
A ses débuts, ses partenaires déjà célèbres lui ont apporté un soutien précieux. A ses côtés dans “la Walkyrie” à San Francisco, Birgit Nilsson et Léonie Rysanek (des femmes, dit-elle, pleines de gentillesse, de simplicité et d’humilité) l’encourageaient, s’efforçant toujours de la mettre à l’aise. Pavarotti fit de même, lorsqu’elle chantait le rôle de la Duchesse Federica dans “Luisa Miller”, lui proposant de fermer les yeux pendant qu’elle se concentrait sur une vocalise périlleuse, pour ne pas la déranger par son regard !

J’étais dans ma maison ...
Dans le livret de Jacques Lenot, adapté de la pièce de Jean-Luc Lagarce, mort du sida il y a dix ans, cinq femmes commentent l’histoire d’un jeune homme, chassé par son père, attendu et revenu chez lui pour mourir. Nadine Denize est la grand-mère. La musique contemporaine ne représente qu’une petite partie des activités de la cantatrice : des concerts, “Moïse et Aaron” de Schönberg, “L’Upupa” de Henze et une création de Donatoni il y a deux ans. Lorsque J.-M. Blanchard lui envoya la partition, sa première réaction n’a pas été vraiment enthousiaste ! L’œuvre est en effet une composition atonale et aléatoire, créée à l’ordinateur selon des « grilles », ce qui donne parfois, dit-elle, des choses étranges ! Il est particulièrement difficile d’attraper certaines notes, absentes de la partie jouée par l’orchestre, qui s’ingénie à en produire d’autres parfaitement gênantes ! De plus les interprètes dépendent les unes des autres et la moindre erreur peut avoir des conséquences fâcheuses pour tout le monde. C’est un véritable challenge, pour le public aussi, puisque l’intelligibilité est compliquée par des scènes « superposées » et les répliques souvent simultanées et différentes des personnages. Sans parler du texte lui-même, dont les accents toniques ou la longueur des syllabes ne sont pas pris en compte, une syllabe courte pouvant tomber par exemple sur une blanche.
Les altérations sur chaque note, l’absence de lyrisme, de mélodie, des lignes vocales peu gratifiantes, des rythmes loin d’être simples, tout cela rend le travail épuisant. Un travail de six mois à plein temps pour Nadine Denize, pour six représentations seulement, sans que quiconque ne puisse l’aider pour certains passages, même pas le chef de chant ! On peut se demander si un respect approximatif de la partition ne suffirait pas. Et bien non, pas de chance, le chef, Daniel Kawka, entend tout !!!
Si le décor à panneaux coulissants est extraordinaire, l’action, elle, est quasi inexistante, et la mise en scène de Christophe Perton est minimaliste, car les chanteuses ont besoin de toute leur concentration pour la musique.

Une question vous brûle les lèvres, n’est-ce pas ? “ POURQUOI avoir accepté une telle tâche. “ La réponse est étonnante et flatteuse pour l’intéressé et pour la Cité de Calvin : Je l’ai fait pour J.-M. Blanchard, et parce que j’aime Genève !

D’après des propos recueillis par Martine Duruz

Projets : En 2007 : “Ariane et Barbe-Bleue” à Turin / En 2008 : “Dialogues des Carmélites” à l’Opéra des Flandres / Récitals

2 , 6 et 9 février à 20h, 4 février à 17h : “J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne” de Jacques Lenot. OSR, dir. Daniel Kawka, Chœur du Grand Théâtre, dir. Ching-Lien Wu, m.e.s. Christophe Perton. Au Grand Théâtre (loc. 022/418.31.30)