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De passage à Genève
Portrait : Edita Gruberova

Edita Gruberova revient au bord du Léman dans le cadre des traditionnels concerts lyriques donnés sous l’égide de Postfinance.

Article mis en ligne le décembre 2008
dernière modification le 21 janvier 2009

par Eric POUSAZ

Depuis une série de représentations genevoises de La Somnambule de Bellini abandonnée en cours de route pour cause de maladie, Edita Gruberova est restée éloignée des planches du Grand Théâtre. Elle revient au bord du Léman dans le cadre des traditionnels concerts lyriques donnés chaque année à la période des Fêtes sous l’égide de Postfinance…

Le chemin parcouru depuis les années 60 par la cantatrice slovaque est impressionnant. Après avoir conquis les scènes avec un aplomb imperturbable dans des rôles surtout connus pour leurs difficultés vocales dans l’aigu et le suraigu (elle acceptait de signer un contrat où ses gages pourraient être diminués si elle ratait un seul contre-ut en cours de soirée !), elle a progressivement abandonné les rôles de soprano coloratur légers (comme Adèle de La Chauve Souris, la Reine de la Nuit de La Flûte enchantée ou Zerbinetta d’Ariadne auf Naxos) pour se concentrer sur les grandes héroïnes du premier romantisme italien.

Répertoire
Elle a d’abord fait sien le rôle titre de Lucia de Lammermoor, un rôle qu’elle a interprété pendant de nombreuses saisons sur les planches de l’Opéra de Zurich dans une mise en scène de Robert Carsen, avant de le promener sur tous les grands plateaux du monde. Comblée par ses succès renouvelés devant tous les publics, elle a progressivement revisité les grands emplois belcantistes de Donizetti et de Bellini. Du premier, elle a surtout remis au goût du jour les héroïnes de la trilogie dite élisabéthaine (Roberto Devereux, Anna Bolena et Maria Stuarda) ainsi que sa rare Linda de Chamounix.
Cet approfondissement du répertoire donizettien lui a donné l’occasion de peaufiner son approche psychologique des personnages tout en continuant à voltiger de trilles en vocalises pour le plus grand plaisir de ses auditeurs. Avec Bellini, elle a poussé plus loin encore sa curiosité en remettant au goût du jour une Beatrice di Tenda que peu de théâtres osent afficher en raison de la difficulté diabolique du rôle (un DVD capté à Zurich témoigne d’ailleurs avec éloquence des moyens vocaux insolents dont la cantatrice peut faire preuve dans ce type de musique). Sa réussite dans ce répertoire marginal a été encore plus spectaculaire qu’ailleurs car l’artiste a su perfectionner un art du chant incomparable qui semble détaché de toute contingence physique ; cette technique si particulière a, il est vrai, des limites car il prive souvent son timbre de couleur et de précision dans l’émission au point d’agacer les admirateurs d’une Caballé ou même d’une Callas !

Edita Gruberova

Enfin, il y a trois ans environ, Edita Gruberova s’est attaquée au plus impressionnant de tous les rôles belliniens : Norma. L’entreprise n’était pas sans risque, car en plus d’un aigu sans défaut, l’artiste doit être capable de faire un sort aux longues mélodies qui nécessitent un souffle quasiment inextinguible ; de plus, il faut faire preuve d’une science dans la conduite de la voix qui rende l’interprète capable de diffuser dans l’auditoire les pianissimi les plus impalpables en alternance avec de foudroyants éclats de colère froide. Ce n’est donc pas pour rien que ce personnage de prêtresse gauloise est considéré par toutes les artistes lyriques comme l’apogée d’une carrière … ou le début de sa fin ! Les réactions à cette Norma d’abord tentée en concert à Vienne, puis sur scène à Munich, ont été contradictoires. Certains ont vu en Gruberova la digne héritière d’une Sutherland ou d’une Caballé, alors que d’autres ont esquissé un sourire à peine poli. Depuis lors, la carrière de l’artiste se déroule presque exclusivement en Allemagne et en Espagne, alors qu’en Italie, en Angleterre ou en France, les portes des théâtres se sont progressivement fermées aux exploits vocaux de la diva.

A Genève
Lors du concert de décembre, le public genevois aura l’occasion de (re)faire connaissance avec deux aspects majeurs de l’art d’Edita Gruberova. Accompagnée par l’Orchesre Philharmonique du Württemberg placé sous la direction de Ralf Weikert, la cantatrice slovaque se lancera d’abord dans quelques airs tirés d’opéras de Mozart, un compositeur qu’elle a beaucoup servi en son temps avec la complicité de Nikolaus Harnoncourt. Toujours très à l’aise dans l’écriture trapue de certains rôles, la chanteuse s’est pourtant progressivement laissée aller à des effets de portamenti qui n’ont pas l’heur de plaire à tous. L’air de furie d’Elettra (d’Idomeneo) ou la fameuse intervention vindicative de Donna Anna (Don Giovanni) devraient néanmoins lui permettre de se montrer sous son meilleur jour. Les admirateurs de cette voix d’exception jugeront sur pièce car ils ne devraient pas rater l’occasion qui leur est offerte de l’entendre encore une fois en direct dans un répertoire qu’elle évite depuis quelques années sur scène. Après l’entracte, Donizetti (Lucrezia Borgia) et Bellini (Il pirata) figurent à l’affiche. Terrain d’élection de la musicienne depuis près d’une décennie, ces pages aideront probablement la musicienne à prouver à tous les amateurs sceptiques que, finalement, ce sont bien les publics espagnols, japonais et allemands qui ont raison de lui faire confiance. A suivre, donc….

Eric Pousaz

Récital Edita Gruberova, au BFM à 20h
PostFinance Classics 2008.
Billets sur www.postfinance.ch/ticket ou 0900.800.810