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Opéra de Lausanne
Portrait : Benoît Capt

Benoît Capt incarnera Papageno sur la scène de l’Opéra de Lausanne.

Article mis en ligne le mars 2010
dernière modification le 20 mars 2010

par Christophe IMPERIALI

Du 21 au 31 mars prochains, le baryton genevois Benoît Capt incarnera le joyeux oiseleur de La Flûte enchantée sur la scène de l’Opéra de Lausanne. Une prise de rôle importante pour ce jeune chanteur fraîchement sorti des classes de chant des Conservatoires de Lausanne et de Leipzig. Quelles questions se pose-t-on, à l’orée de ce qui promet d’être une très belle carrière artistique ? Quels lendemains envisage-t-on ? Portrait d’un jeune musicien à la recherche d’authenticité, qui allie une curiosité insatiable avec un très grand souci du détail.

Hier : la formation
« Il était une fois, dans une épaisse forêt, un petit garçon qui s’appelait... ». Ainsi commencent les contes... Et justement, c’est à travers un conte de fées que le petit Benoît est entré en contact avec la scène : à neuf ans, alors qu’il est membre de la maîtrise du Conservatoire de Genève et du chœur d’enfants des Pueri, il chante dans Hänsel et Gretel, au Grand Théâtre. « Hokus pokus... » dit la sorcière de Humperdinck : le sort est jeté, diaboliquement confirmé, la saison suivante, par une participation au Mefistofele de Boïto, avec l’ensorcelant Samuel Ramey dans le rôle-titre. Quelques mois plus tard, c’est L’Enfant et les sortilèges, sous la direction d’Armin Jordan – un opéra que Benoît Capt retrouvera sous peu, puisqu’il y incarnera le Fauteuil et l’Arbre, en avril à l’Opéra de Lausanne.

Benoît Capt

Mais tout apprenti-sorcier sait bien que la maîtrise des sortilèges, ça ne s’improvise pas. Il faut beaucoup de travail, et de bons maîtres. Au premier rang de ceux-ci, on doit nommer cette infatigable éveilleuse de talents que tant de jeunes chanteurs genevois révèrent comme une seconde mère : Marga Liskutin, qui dirigea pendant des années la maîtrise du Conservatoire, avec un engagement et une passion hors du commun. C’est sous sa houlette que le jeune Benoît entreprend la lente catabase qui le voit descendre progressivement dans les registres, le petit soprano qui chantait aux côtés d’autres chérubins (parmi lesquels un certain Emiliano Gonzalez-Toro) se muant progressivement en un solide baryton dont nous voyons aujourd’hui le ramage s’accorder au plumage de Papageno. Sur ce long chemin, d’autres rencontres seront décisives : le pianiste Alexis Golovine, chez qui Benoît étudie pendant de nombreuses années ; et bien sûr son maître de chant Gary Magby, dans la classe duquel il achève son diplôme de soliste à la Haute École de Musique de Lausanne, et qui restera désormais son guide et son mentor. A Leipzig, Benoît Capt travaille également avec Hans-Joachim Beyer et Phillip Moll, obtenant auprès d’eux respectivement un diplôme de concert de chant et un diplôme postgrade de musique de chambre.
En parallèle de cette formation de chanteur, il décroche également un master en musicologie à l’Université de Genève ainsi qu’un diplôme d’enseignement de la théorie au Conservatoire de la même ville.

Aujourd’hui : l’heure des choix
Voilà donc avec quelles cartes Benoît Capt se présente aujourd’hui au seuil de sa carrière professionnelle – un seuil déjà partiellement franchi, au demeurant, puisqu’il a notamment fait partie de l’Envol, cette jeune troupe mise en place par le directeur de l’Opéra de Lausanne, Eric Vigié, pour donner à de jeunes chanteurs la possibilité de vivre leurs premières expériences professionnelles de la scène. C’est dans ce contexte que Benoît Capt a débuté, en tenant des petits rôles dans de grands opéras (La Traviata, Carmen), aussi bien que des grands rôles dans de petits opéras (Le Chat botté de Montsalvatge, et surtout Le Téléphone de Menotti, chanté également à Vichy et à l’Opéra Comique de Paris).

« La Flûte enchantée » avec Benoît Capt-Papageno et trois enfants.
Photo Marc Vanappelghem

Si la période de formation a été soutenue par de nombreuses bourses de perfectionnement ou prix d’encouragement (parmi lesquels Migros, Mosetti, Leenaards), il s’agit à présent de trouver des engagements qui permettent d’acquérir de l’expérience, d’apprendre des rôles – et, accessoirement, de payer son loyer... C’est le moment tout indiqué pour participer à des concours, ce que Benoît Capt considère comme un excellent exercice et une activité très formatrice, non seulement pour la voix, mais surtout pour les nerfs. Car c’est une grande gageure que de chercher à émouvoir un public dans un cadre qui est à peu près aux antipodes des conditions favorables au développement d’un discours artistique : airs isolés de leur contexte, souvent accompagnés par quelqu’un avec qui l’on n’a jamais travaillé, devant des auditeurs qui, stylo à la main et sourcil froncé, voient se succéder des numéros durant plusieurs jours... Les concours fournissent d’autre part une opportunité de se mesurer à ses pairs et de faire beaucoup de rencontres, dans une atmosphère qui est généralement pleine de respect et de collégialité. Et c’est aussi l’occasion d’être entendu par des programmateurs. Ainsi lors du dernier concours de Marmande (où il a obtenu un 1er prix de mélodie française), Benoît Capt a-t-il été approché par Marc Adam, directeur de l’Opéra de Berne, qui lui a proposé un engagement pour ce printemps : aux côtés de la pianiste Sonja Lohmiller, avec qui il forme un remarquable duo depuis plusieurs années, il assumera la partie musicale d’un spectacle chorégraphique autour de Clara Schumann. Outre les concours, deux voies se présentent au jeune chanteur pour entrer plus avant dans la carrière d’opéra : soit collaborer avec un agent qui cherchera à le faire connaître, l’aidera à décrocher des rôles ici ou là, et qui gèrera les aspects administratifs de ses contrats. Soit être engagé dans une troupe, ce qui se pratique peu dans nos contrées, mais qui est la norme en Allemagne, par exemple, où chaque maison d’opéra dispose d’un certain nombre de chanteurs qu’elle distribue régulièrement dans l’ensemble de ses productions.

Demain : les rêves...
Quelle que soit la voie sur laquelle il s’engagera, Benoît Capt se montre avant tout soucieux de garantir à sa voix un régime sain et propice à un développement harmonieux. Difficile de prédire exactement comment celle-ci est destinée à évoluer, mais il est important de trouver un bon équilibre et de n’être ni trop prudent, ni trop pressé. Il faut aussi se méfier des étiquettes qui enferment les chanteurs dans un certain type de rôles : il n’y a pas a priori de raison de se spécialiser. Une voix saine et bien formée doit être à même de s’épanouir dans de l’opéra baroque, dans du bel canto ou dans des créations contemporaines. De même, une bonne technique vocale devrait pouvoir permettre la fréquentation des scènes d’opéra comme celle des salles de concerts et de récitals, et Benoît Capt espère beaucoup pouvoir continuer à chanter ces différents répertoires. José van Dam, Simon Keenlyside ou Stéphane Degout représentent des modèles de barytons qui, aujourd’hui, privilégient une telle approche du métier de chanteur.

« La Flûte enchantée » avec Papageno
Photo Marc Vanappelghem

Quant aux rôles qu’il aimerait aborder, Benoît Capt songe dans l’immédiat à des rôles mozartiens, comme Guglielmo dans Cosi fan tutte, le Comte ou Figaro des Noces ; il pense également être prêt pour des rôles français comme Albert, dans Werther de Massenet, Lescaut de Manon ou le Mercutio de Roméo et Juliette de Gounod, en espérant pouvoir incarner ensuite Golaud de Pelléas ou le rôle titre de Hamlet d’Ambroise Thomas. En allemand, peut-être bientôt le Wolfram de Tannhäuser et l’Harlekin d’Ariadne auf Naxos... et plus tard, peut-être Don Quichotte de Massenet, Eugène Onéguine, ou encore Nick Shadow, dans The Rake’s Progress de Stravinsky... Pour réaliser de tels rêves, il importe surtout de voir comment se développera la voix. Que de séduisantes perspectives ! Mais nous aussi, il nous faut apprendre à ne pas être trop pressés. Et pour l’heure, nous avons déjà un bel échantillon à nous mettre sous la dent, avec ce Papageno lausannois qui promet bien du plaisir.

Propos recueillis par Christophe Imperiali