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Spécial Grand Théâtre
Portrait : Anne Schwanewilms

Portrait d’une remarquable artiste lyrique.

Article mis en ligne le mai 2010
dernière modification le 23 juin 2010

par Eric POUSAZ

Encore peu connue en Suisse ­– cette cantatrice ne s’est jamais produite sur une de nos scènes lyriques –Anne Schwanewilms est pourtant très présente sur les scènes les plus prestigieuses. Ses héroïnes straussiennes suscitent une admiration sans réserve alors que son engagement pour des musiciens oubliés comme Franz Schreker, par exemple, lui valurent de nombreux prix.

Sa participation aux productions de Der ferne Klang au Staatsoper de Berlin ou des Gezeichneten au Festival de Salzbourg l’ont d’ailleurs fait classer comme meilleure artiste lyrique de l’année par les journalistes d’Opernwelt, une des grandes revues lyriques d’Allemagne.

Portrait
Pour faire connaissance avec ce talent d’exception, la meilleure façon est peut-être de se procurer la captation du Chevalier à la Rose réalisée au Japon lors d’une tournée de l’Opéra de Dresde sous la direction de Fabio Luisi. Son portrait de la Maréchale n’a rien à envier vocalement à celui des plus grandes spécialistes du rôle d’hier et d’aujourd’hui, alors que son jeu scénique, d’une subtilité qui ferait honneur à une actrice de théâtre, place d’emblée son portrait du personnage dans une classe à part. Jamais un geste ne paraît gratuit, jamais une attitude ne semble dictée par les seuls impératifs du chant : cette Maréchale s’immerge dans le rôle avec une abnégation qui fait rapidement oublier au spectateur que le personnage chante…
La voix d’Anne Schwanewilms peut être qualifiée de lyrique, avec une solide tendance vers l’héroïsme. En début de carrière, Anne Schwanewilms fut un mezzo soprano apprécié qui se fit notamment remarquer à l’Opéra de Cologne où sa Dorabella est encore dans bien des mémoires. Puis sa voix prit de plus en plus d’assurance dans l’aigu tout en acquérant une rondeur laiteuse d’un éclat incomparable ; elle se concentra alors sur des rôles plus lourds, tel celui de Senta dans le Vaisseau Fantôme, Leonore dans Fidelio ou Sieglinde dans la Walkyrie, des emplois qu’elle a chanté un peu partout en Europe. Appréciées pour leur élan vocal autant que pour l’aplomb d’un grave large et solide, ses interprétations semblaient la diriger vers le grand répertoire wagnérien – elle possède d’ailleurs Elsa et Elisabeth à son répertoire.

Anne Schwanewilms

Répertoire
Pourtant, depuis quelques saisons, l’artiste a renoncé à stabiliser en priorité le timbre dans le médium pour soigner les crêtes d’un aigu de plus en plus moelleux qui se coule avec aisance et gourmandise dans les infinies volutes straussiennes. C’est donc dans le répertoire romantique et post romantique que cette cantatrice fait actuellement le plus souvent incursion. Elle fut une Euryanthe de Weber inoubliable au Festival de Glyndebourne de 2002 avant de remporter tous les suffrages avec son Elettra incendiaire dans l’Idomeneo de Mozart en 2003 sur la même scène ; de nos jours, c’est pourtant vers Richard Strauss qu’elle se tourne avec le plus de prédilection et elle chante aujourd’hui de plus en plus souvent Ariadne, Arabella ou La Maréchale. Il serait injuste pourtant de ne pas signaler ses incursions réussies dans les partitions contemporaines (elle est une interprète admirable des Poèmes pour Mi d’Olivier Messiaen) ou vers des rôles exigeants, voire franchement inconfortables, comme Roxane du Roi Roger de Szymanowski ou Marie dans le Wozzeck de Berg.

Anne Schwanewilms dans « Le Nozze di Figaro » à Berlin en 2007
©Monika Rittershaus

Récitals
Ses programmes de récitals font la part belle à un type de musiciens amoureux de la voix comme le furent un Mahler, un Debussy, un Strauss ou un Fauré. L’artiste dit aimer cette forme particulièrement exigeante de faire de la musique, car debout, seule face à un public dans une salle de concert, elle peut communiquer plus directement ses émotions sans recourir au masque rassurant qu’arbore tout artiste lyrique incarnant un personnage dans une mise en scène élaborée. Pour elle, une soirée de mélodies est l’occasion rêvée de mettre directement en présence un musicien avec son auditeur. La responsabilité de l’interprète est alors immense, car si le courant ne passe pas, il est impossible de recourir aux faux-fuyants pour justifier un échec. En assurant aux mots le maximum d’impact, elle se met au service du poète autant que du musicien ; car à quoi bon, selon elle, s’efforcer d’ajouter au texte, par l’intermédiaire de la musique, nuances subtiles et sous-entendus raffinés si l’auditeur n’a pas accès au point de départ initial qu’est le poème mis en musique ?
Le récital est donc un type de défi qu’elle entend relever de plus en plus souvent, car il lui permet aussi de vérifier à chaque instant l’état de santé de sa voix, ses points faibles ou ses atouts, vu que toute dissimulation reste impossible quand les seules notes d’un piano servent de prolongement au chant.
Pour Anne Schwanewilms, l’exercice semble dans tous les cas plus que réussi si l’on en croit la critique anglaise qui, après une interprétation récente de lieder de Mahler et Strauss au Festival d’Edimbourg, n’hésitait pas à écrire que la succession d’Elizabeth Schwarzkopf était enfin assurée…

Eric Pousaz

Anne Schwanewilms donnera un récital le 12 février 2011 à 20h au Grand Théâtre de Genève.