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A l’Opéra-Comique de Paris
Paris : Quand l’Opéra-Comique revit

Entretien avec Jérôme Deschamps, maître d’œuvre de la renaissance de cette salle.

Article mis en ligne le décembre 2007
dernière modification le 21 décembre 2007

par Pierre-René SERNA

Avec Jérôme Deschamps à la tête de l’Opéra-Comique, cette salle parisienne à nulle autre pareille, tous les espoirs sont permis. D’ores et déjà, la programmation annoncée suscite tous les enthousiasmes. Entretien avec le maître d’œuvre de cette vibrante renaissance.

Quels sont les moyens financiers dont dispose l’Opéra-Comique ?
Cela fait partie de ces entreprises archaïques, comme toutes les maisons d’opéra, qui ne peuvent vivre sans un soutien puissant de l’État. Nous avons une jauge réduite, 1200 places. J’ai souhaité que le prix des places soit vraiment modéré, c’est la tradition de la maison. Mais en maintenant un niveau artistique élevé. C’est tout le pari. Nous combinons donc une fondation, un mécénat si vous voulez, les revenus propres et les deniers publics. Pour ces derniers la subvention a été portée par le ministère de la Culture à dix millions d’euros, sur budget total de quinze millions, le reste se répartissant à part égale entre billetterie et mécénat.

Jérôme Deschamps © Marc Enguerand

Car l’exigence artistique à un coût…
Avoir John Eliot Gardiner, le Monterverdi Choir ou même des artistes de talent mais moins connus comme Jérémie Rohrer, répond à la volonté de défendre ce répertoire au plus haut niveau, mais comporte des contraintes, ne serait-ce que financières. Car l’objectif est aussi de réunir à l’Opéra-Comique ceux qui éprouvent une passion pour cette maison et son répertoire. Je me suis alors aperçu que ce lieu sublime était dans les mémoires et les oreilles, dans les désirs, des plus grands artistes. L’État a répondu à cette attente, à ce souhait d’aller vers la qualité, en augmentant sa subvention.

Pour combien de temps êtes-vous nommé ?
Cinq ans. Après, je ne sais pas.

Vous avez donc au moins une vision à cinq ans…
Ce que je voudrais déjà, modestement, c’est tourner une page. Et d’en finir avec les atermoiements, une certaine politique artistique récente, qui a écorné l’identité de l’Opéra-Comique. La maison avait trop longtemps vécu dans un semi-abandon, même si certains directeurs antérieurs ont su faire montre de talent, comme Thierry Fouquet ou Pierre Médecin. Le théâtre a vraiment risqué la disparition.

Comment les pouvoirs publics ont-ils pris conscience de la nécessité de survie de cette salle au passé et au patrimoine prestigieux ?
Quand on m’a proposé de faire ce projet, j’ai ressenti cette impérieuse nécessité. Je pense que l’on était au bord du gouffre. J’ai tiré la sonnette d’alarme. Les institutions officielles ont été convaincues et ont suivi. J’ai remué ciel et terre et ai voulu le justifier en faisant appel aux plus grands interprètes. Et ces derniers ont répondu admirablement. Quand on pense que souvent leur calendrier est réservé très longtemps à l’avance !... Nous sommes donc actuellement dans une situation de coup de foudre partagé.

À lire la programmation de cette première saison, nous voyons déjà combien l’ambition est élevée, aussi bien pour ce qui concerne les artistes que le choix des œuvres. Quels ont été les critères sous-jacents ?
À part quelques chefs-d’œuvre comme Pelléas ou Carmen, le répertoire spécifique à l’Opéra-Comique était presque méconnu. Notre intention est de le réhabiliter. Un trésor, qui appartient au patrimoine musical français, mais pas seulement. Une chose importante, essentielle, à faire partager. Pour ce faire, nous avons voulu viser d’emblée la qualité. Mais au-delà, le projet est aussi de rencontrer le public, de multiplier les chemins et les accès en éclairant chaque production phare par une multiplicité d’événements annexes, de concerts et spectacles en échos, de colloques, d’expositions... L’idée est de favoriser et d’organiser les retrouvailles entre ce répertoire et un très vaste public. Nous avons mis au point par exemple, ce que nous appelons un “mécène de regard”, qui permet à une personne un peu plus fortunée d’acheter une deuxième place qui profitera à un invité qu’elle ne connaît pas. Ce qui s’ajoute, par ailleurs, à la politique de prix attractifs. Donc, favoriser l’échange et la diffusion.

Parlez-nous de votre prochain spectacle, celui de rentrée, l’Étoile de Chabrier, mis en scène par vous et par Macha Mikaïeff...
J’ai souhaité me mettre au service de l’œuvre, sans vouloir y plaquer je ne sais quelle excentricité. Cela ne se passera donc pas en Allemagne de l’Est, pendant la dernière guerre, ou derrière des barbelés… Il y aura des costumes et décors d’époque, de la fin du XIXe siècle, avec une direction d’acteurs qui illustre au mieux la subtilité de cette fable délicatement mélancolique. C’est aussi l’esprit que je veux donner à l’Opéra-Comique, dans ses retrouvailles avec ce qui en constitue l’essence, son répertoire propre.

Propos recueillis par Pierre-René Serna