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Chorégies d’Orange
Orange 2007 : Compte-rendu

Vu et entendu : Madama Butterfly – Il Trovatore.

Article mis en ligne le septembre 2007
dernière modification le 2 octobre 2007

par François JESTIN

L’Italie à l’honneur cette année au théâtre antique, avec Puccini et Verdi. Le concert de Renée Fleming qui devait conclure les Chorégies est malheureusement annulé, en raison de problèmes de santé de la soprano américaine.

Madama Butterfly
Décidément, les miracles météorologiques existent bien à Orange : la soirée du 10 juillet est très couverte, les gouttes se faisant de plus en plus nombreuses sur le pare-brise à l’approche du but, et on finit par arriver en ville vraiment sous la pluie. Celle-ci s’arrête comme par enchantement à 21h30 ; juste le temps de passer la serpillière sur scène et le spectacle peut démarrer, avec 10 petites minutes de retard.

Madama Butterfly © Grand Angle Orange

La mise en scène est confiée à Mireille Larroche, directrice de la Péniche-Opéra, qui fait ainsi ses débuts aux Chorégies, mais en reprenant les éléments de sa production montée à l’Opéra Théâtre d’Avignon en février 2005. Le décor et les costumes (signés respectivement par Guy-Claude François et Danièle Barraud) sont pleinement japonais, avec la maison au centre, le jardin autour, ainsi qu’une multitude de maisons miniatures disposées au sol sur toute la largeur de la scène, du plus bel effet lorsqu’elles seront toutes allumées dans la nuit. La scène finale prend aux tripes, avec Butterfly reliée à son enfant par la ceinture de son kimono, tel un cordon ombilical, s’éloigne de celui-ci pour se suicider.
Distribuée dans le rôle-titre, Veronica Villaroel est une voix puccinienne dont les accents sont idéaux pour Butterfly. L’aigu est souvent fragile, mais elle semble en avoir conscience, et allège, en chargeant son style par l’émotion, parfois éthérée. Le ténor Marco Berti (Pinkerton) propose en revanche un aigu très sonore et presque arrogant, mais au détriment d’une justesse approximative trop fréquente dans le medium. Le baryton Anthony Michaels-Moore (Sharpless) et la mezzo Julia Gertseva (Suzuki) sont bien présents vocalement, et tout à fait satisfaisants, ainsi que les seconds rôles de Gilles Ragon (Goro) et Wojtek Smilek (il Bonzo). Le chef Yutaka Sado paraît en parfaite symbiose avec l’Orchestre de la Suisse Romande, et propose une direction délicate, qui permet d’entendre tous les pupitres.

Roberto, Sarko and Ko
Le soir du 31 juillet (représentation de Il Trovatore), le spectacle est d’abord « dans la salle » : le Président de la République française Nicolas Sarkozy est de sortie aux Chorégies. Il entre dans le théâtre antique tel un gladiateur des temps romains, sous les vivats de la foule, mais aussi les quelques huées. Aime-t-il l’opéra ? Le doute subsiste, puisqu’à l’issue de la représentation, le remuant Président est le premier parti, entouré de son essaim de gardes du corps, sans avoir eu le temps d’applaudir. Il aura tout de même trouvé l’occasion de se faire interviewer juste avant le spectacle, la soirée étant retransmise en direct à la télévision.

Il Trovatore © Grand Angle Orange

Effet possible du trac ou d’un stress supplémentaire, la soprano Susan Neves (Leonora) tombe très rapidement sur des problèmes d’aigus. Alors que la voix est bien large dans les graves et le medium, les aigus de la partition font figure pour elle de mur vers lequel on fonce. Avec quelques pertes répétées de musicalité, elle en évite certains, en massacre d’autres, et finit (à l’acte 4 sur l’air « D’amor sull’ali rosee ») à les passer en diminuant fortement le volume, presque en voix de tête, cette fragilité déclenchant les applaudissements. La mezzo Mzia Nioradze, sans posséder les aigus du rôle d’Azucena, fait valoir de beaux graves, et remplit plus que correctement son contrat en remplaçant Larissa Diadkova qui avait été préalablement annoncée, et très bien chantante également, la basse Arutjun Kotchinian (Ferrando). Dès ses premiers mots prononcés, on est impressionnés par la présence vocale et le volume du baryton Seng-Hyoun Ko (Luna). Le timbre est aussi de belle qualité, mais il oublie Verdi de temps à autre en s’approchant du style vériste, en particulier lorsqu’il noircit sa voix pour faire plus méchant. Vedette de la soirée, le ténor français Roberto Alagna (Manrico) est au maximum de ses possibilités vocales et physiques, en y mettant du cœur et de l’engagement. La ligne de chant est très élégante, et les longueurs de phrase, le style et le legato sont un régal. Il n’en devient pas pour autant un ténor spinto, prévu idéalement pour le rôle de Manrico, et l’aigu triomphant lui fait défaut dans les ensembles : son « Di quella pira » tombe un peu à plat – même avec l’épée brandie au-dessus de la tête … – alors que le « Ah, si ben mio » précédent est une merveille.
La direction musicale de Gianandrea Noseda, à la tête de l’Orchestre National de France montre un joli relief, avec des tempi variés, mais n’évite pas quelques légers décalages d’abord au sein même de l’orchestre, et aussi avec les chœurs, ces derniers étant par ailleurs appliqués et dynamiques. Pour la mise en scène, Charles Roubaud utilise la vidéo, les séquences projetés sur le mur restant sobres et plutôt originales : des ombres de branches dans le vent, une muraille, une croix et des bougies avec flammes qui oscillent, des drapeaux, une grille, puis le feu du bûcher final. Le jeu des acteurs, ainsi que la gestion des masses chorales, restent un peu convenus, à part quelques passages (le trio du l’acte I, l’entrée des religieuses par la porte centrale du mur, la sortie au pas cadencé des chœurs masculins, ..). Les entrées et sorties de Roberto Alagna se font quant à elles en courant quasi systématiquement. Son premier déboulé en scène, à la manière d’un Zorro qui aurait perdu masque et cape en route, peut prêter à sourire, mais cette générosité lui vaudra un beau triomphe personnel ce soir.

François Jestin

Puccini : MADAMA BUTTERFLY : le 10 juillet 2007
Verdi : IL TROVATORE : le 31 juillet 2007