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A l’Opéra de Nice
Nice : “Faust“ intégral & “Werther“

L’Opéra de Nice a proposé Faust dans une version très complète. Quant à Werther, la représentation est globalement assez loin de l’exceptionnel.

Article mis en ligne le février 2006
dernière modification le 11 juin 2008

par François JESTIN

Il est tellement rare de pouvoir goûter aux ballets du 5ème acte, que la direction de l’Opéra de Nice doit être remerciée d’avoir proposé ce Faust dans une version très complète, d’un peu plus de trois heures de musique.

Le respect de la partition originale ne rend pas uniquement plus évident sa filiation au genre du grand opéra français, mais éclaire également l’intrigue. Ainsi le 4ème acte ne démarre pas directement par la scène de l’église, mais propose un grand air pour Marguerite «  Il ne revient pas  », beau et triste à souhait, qui exprime parfaitement le désarroi dans lequel est plongé son âme.

Faust © Ville de Nice

La représentation est globalement de haut niveau, avec en premier lieu la direction admirable du chef Emmanuel Villaume, qui maintient la tension dramatique de bout en bout, en donnant dynamique et relief à la musique. Le ténor Andrew Richards dans le rôle-titre est une heureuse découverte : la voix est claire et élégante, parfaitement homogène sur toute sa tessiture, et il fait valoir de plus une diction remarquable. La soprano Nathalie Manfrino (Marguerite) confirme sa valeur montante, avec un timbre d’une grande beauté, des aigus lumineux, des piani superbement filés, et un jeu particulièrement émouvant ; les limites de son pur soprano lyrique se font tout de même sentir sur les quelques aigus plus lourds et destinés idéalement à un soprano dramatique. Le Valentin de Marc Barrard approche de l’idéal, de par la projection de sa voix ainsi que sa diction exemplaire, alors que Karine Godefroy (Siebel) et l’éternelle Martine Mahé (Dame Marthe) sont tout à fait satisfaisantes. Le vrai gros point noir de la distribution, qui confine à l’erreur de casting, est le Méphistophélès, confié à Christophe Fel. On cherche en vain une quelconque noirceur dans la couleur de sa voix, et on trouve malheureusement beaucoup de problèmes : aigu qui sature en hauteur, nombreux écarts de justesse (par exemple dans l’air « Vous qui faites l’endormie, n’entendez-vous pas ? » - Si, si on entend justement !), grossissement artificiel de son volume qui amène un vibrato très serré par moments, voire une certaine instabilité… C’est bien dommage pour cette fois-ci, mais on espère retrouver prochainement Christophe Fel dans un rôle moins exposé et plus en adéquation à ses moyens. La mise en scène de Paul-Emile Fourny, qui se rapproche visuellement de l’imagerie des expositions universelles de la fin du XIXème siècle, prend le parti d’un traitement en noir, gris et blanc, à l’exclusion du rouge réservé à Méphistophélès et d’autres couleurs à l’occasion de la nuit des Walpurgis du 5ème acte. Cette production est une réussite, d’autant que la direction d’acteurs est efficace, aussi bien pour les solistes que pour les masses des choristes et figurants. Représentation du 11 décembre 2005.

Werther : peut mieux faire…
Annoncé à grand renfort de publicité depuis l’été dernier, l’événement lyrique à ne pas manquer à Nice cette saison était la prise de rôle dans Werther du ténor mexicain Rolando Villazon, nouvelle coqueluche des scènes internationales. La valeur d’un spectacle ne repose cependant pas uniquement sur les qualités d’un seul chanteur, et il faut admettre que la représentation est globalement assez loin de l’exceptionnel. La production, signée à nouveau par Paul-Emile Fourny, le Directeur de l’Opéra de Nice, est très décevante, surtout en regard de son Faust, très réussi un mois plus tôt. Le traitement visuel des 2 premiers actes en particulier laisse le spectateur perplexe à l’entracte : sur une hauteur de 2 ou 3 marches, un grand praticable de couleur grise est posé sur la scène, présentant lui-même quelques rampes et autres marches, de formes géométriques assez franches vues de dessus. Au contraire d’un Werther « au naturel  », on attend donc une lecture stylisée et symbolique de l’ouvrage : et bien non, les enfants, le Bailli, Sophie et les autres, tout le monde en costumes d’époque, un petit bassin en avant-scène, un pêcheur qui ferre (à 2 reprises je crois…) un poisson en caoutchouc, réputé nager sur scène (donc 2 ou 3 marches sous le niveau du praticable pour les lecteurs qui suivent…). Les choses s’arrangent un peu aux 3ème et 4ème actes avec une toile de décor d’intérieur un peu passe-partout (et toujours gris triste), mais qui a le mérite de couper la profondeur de scène, et ramène les protagonistes à l’avant, au profit de la tension dramatique.

Werther © Ville de Nice

Pour ce qui concerne les chanteurs, l’enthousiasme n’est pas non plus au rendez-vous : mis à part Michel Trempont (Le Bailli) et Valérie Condoluci (Sophie), très bien chantants, la prestation d’André Cognet (Albert) est à oublier rapidement, qui manque de s’étrangler à peu près à son entrée en scène, et dont le timbre, peu élégant, semble lutter trop souvent avec la stabilité. Marie-Ange Todorovitch (Charlotte) est une excellente mezzo, mais dont les moyens importants, idéaux dans ses récentes Carmen ou Dulcinée, sont sans doute surdimensionnés pour Charlotte ; l’engagement dramatique de la chanteuse et son impeccable diction sont tout de même bien appréciables. Quant à notre « chanteur de Mexico », il faut lui reconnaître beaucoup de qualités : excellente diction du français, un jeu sur scène plus sobre, intériorisé et finalement plus crédible qu’il y a quelques années (Faust ou Manon à Bastille), et aussi quelques aigus éclatant à pleine puissance. Hormis ces passages excitants, le medium est parfois très modeste en volume, et un grand nombre de notes sont prises par « en-dessous », formant un style qui pourrait devenir un peu lassant à la longue. La direction musicale est confiée à Patrick Fournillier, spécialiste du répertoire français : l’oreille est conquise (merci, car que cette partition est belle !), et dommage que les yeux ne soient pas autant à la fête ! Représentation du 11 janvier 2006 (générale)

François Jestin