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Metropolitan Opera, New York
New York : “Godounov“ & “Hoffmann“

Vu et entendu : Boris Godounov - Les Contes d’Hoffmann.

Article mis en ligne le décembre 2010
dernière modification le 15 décembre 2011

par Anne-Catherine BERRUT

Le Metropolitan Opera offrait, en octobre, la production des Contes d’Hoffmann due à Barlett Sher et Michael Yeargan, avec une distribution renouvelée, ainsi qu’une nouvelle production de Boris Godounov, en version russe, sous la battue du célèbre chef Valery Gergiev, et avec l’interprétation prodigieuse de René Pape dans le rôle titre.

Boris Godounov
Tout le monde n’aurait pas osé concevoir une production de Boris Godounov cinq semaines avant la première : c’est pourtant le défi qu’a relevé Stephen Wardsworth, qui a remplacé au pied levé Peter Stein, retenu par des problèmes de visa. Le pari a été tenu grâce à l’aide de la costumière Moidele Bickel (qui avait préparé quelques cinq cent costumes d’époque, brodés d’or) et du chef des décors Ferdinand Wögerbauer, qui ont ajusté leur travail au nouveau regard porté par Wadsworth sur l’œuvre. Celui-ci n’avait jamais monté Boris Godounov auparavant, ce qui se ressent un peu dans le traitement des personnages et de leurs relations, qui n’est pas parfaitement brossé. Mais si la mise en scène est parfois un peu statique et les relations entre personnages pas très bien définies, le résultat sonore reste un succès, notamment grâce au travail de Valery Gergiev auquel l’orchestre répond comme un seul homme.

« Boris Godounov » avec René Pape dans le rôle-titre

Cette nouvelle production en russe (la 265ème production de Boris Godounov au Met) est basée sur le livret de 1875, qui comprend le rôle de Marina Mnishek (ajouté par Moussorgski après avoir entendu critiquer l’absence de rôle féminin dans son opéra) – avec des ajouts de 1869. Le rôle titre est superbement endossé par René Pape, que le Met connaissait surtout en Philippe II (dans Don Carlo). On ne se lasse jamais d’écouter cette voix large et chaude, au legato parfait. Son interprétation du tsar tourmenté par la culpabilité est très convaincante, particulièrement dans la scène de sa mort, tableau touchant d’un père qui meurt entouré de ses enfants. Aleksandrs Antonenko, dans le rôle de Grigory, n’était pas absolument convaincant ; par contre, sa compagne Ekaterina Semenchuk était parfaite en Marina, belle, rousse et cruelle, à la voix chaude et suave. Notons aussi la très convaincante performance des chœurs du Met, ainsi que le jeu théâtral, particulièrement bluffant au dernier acte lors de la scène du soulèvement populaire.
Représentation du 11 octobre 2010, Première

Les Contes d’Hoffmann
Comme de coutume depuis sa nomination en 2005, le directeur du Met Peter Gelb n’hésite pas à faire appel à des personnalités connues du côté de Broadway et le pari est particulièrement heureux dans Les Contes d’Hoffmann par le duo Barlett Sher et Michael Yeargan. Donnée pour la première fois la saison passée, la production revient avec une nouvelle distribution – à l’exception de Kate Lindsey, qui est à nouveau Nicklausse. La scène s’ouvre sur une taverne à l’éclairage tamisé, qui cède la place au premier acte à un décor digne de Moulin rouge ou de l’Imaginarium du Dr. Parnassus. En effet, l’antre de Spalanzani tient à la fois du cirque et du cabaret (Barlett évoquait Fellini dans ses interviews) avec ses enseignes lumineuses sur fond rouge et ses poupées qui sont aussi danseuses et acrobates. Par contraste, le second acte consacré à l’histoire tragique d’Antonia est campé dans un décor austère aux tonalités gothiques. Quant au dernier acte, il reprend l’esprit de cabaret du premier et le radicalise ; Giuletta est entourée de danseuses dénudées et lascives sur fond d’une Venise au stupre oriental.

« Les Contes d’Hoffmann » avec Giuseppe Filianoti et Kate Lindsey

La distribution est généralement meilleure que l’année dernière. Récemment remis de sérieux problèmes de santé, Giuseppe Filianoti incarne un Hoffmann romantique et tourmenté ; son « Kleinsach » était peut-être un peu forcé, et il fatiguait visiblement au dernier acte, mais sa voix a tous les atouts et n’est pas sans rappeler celle de Placido Domingo. Les trois amours d’Hoffmann étaient incarnés par trois sopranos, toutes dans leurs débuts au Met. Elena Mosuc nous livre une Olympia ostensiblement mécanique avec une grande facilité vocale et une belle colorature. On découvre avec émerveillement Hibla Gerzmava, qui campe Antonia et Stella, dont la voix timbrée et chaude se réalise pleinement dans « Elle a fui, la tourterelle » et dont le chant de mort est extrêmement touchant. Kate Lindsey était très convaincante en muse (très drôle quand elle imitait Olympia), et Ildar Abdrazakov (bien connu sur les rives du Léman) était une des valeurs sûres de la production, avec sa belle voix de basse, son rire faustien et sa haute stature.
Représentation du 9 octobre 2010

Anne-Catherine Berrut