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A l’Opéra-Comédie de Montpellier
Montpellier : “Rimbaud, la parole libérée“

L’Opéra de Montpellier présente Rimbaud, un opéra de Marco-Antonio Pérez-Ramirez.

Article mis en ligne le mai 2007
dernière modification le 15 juillet 2007

par Pierre-René SERNA

Le compositeur Marco-Antonio Pérez-Ramirez a le vent en poupe. Après une résidence à Montpellier, succède une autre à l’Orchestre de Strasbourg, alors que ses créations s’annoncent de partout, comme à Paris ou récemment
avec Rimbaud, la Parole libérée à Montpellier.

Si Pérez-Ramirez est Chilien d’origine, sa carrière semble prendre forme en France. Cet ancien élève de Tristan Murail a retenu la simplicité de la forme alliée à une complexité invisible : cacher l’art par l’art. Rimbaud, cet opéra insaisissable et inclassable, l’attesterait. Le chant se distribue entre parlé, chanté et récitatif, sans que l’on sache bien où l’un commence et l’autre finit. La parure orchestrale est du même acabit, oscillant entre frottements déliquescents et accentuation où on ne l’attendrait guère.
Le langage instrumental est redevable de l’école des épigones de Boulez, mais tout en offrant à la vocalité à s’exprimer sans la brusquerie de sautes stridentes. On peut se plaire à se laisser envoûter par ce Rimbaud, mais aussi y échapper pour vagabonder ailleurs et lâcher ses pensées. Une intention délibérée, à en croire les propos du compositeur. Ce qui assurément ne parvient pas à captiver, serait le livret de Christophe Donner, qui plagie platement la manière du génial poète (une prétentieuse gageure et un défi impossible !), à partir d’une trame incompréhensible si elle n’était affichée dans le programme : la déposition à la police de Rimbaud après le coup de feu par Verlaine sur lui attenté. Oublions donc l’histoire, ou plutôt son absence, et ses pauvres mots, et attachons-nous à ce qui en fait l’essence.

Rimbaud, la parole libérée © Marc Ginot / Opéra National de Montpellier

Les solistes vocaux, tous féminins pour les rôles principaux (référence à la tradition baroque), s’acquittent avec constance et élégance de leur partie : Chantal Perraud (Verlaine), Christine Tocci (la femme du précédent) et Marie-Annick Béliveau (Rimbaud), dans un quasi bel canto pour cette dernière qui rend justice à la poésie de l’écriture musicale (à défaut de celle du livret).

La battue ferme de Jérôme Pillement conduit l’ensemble et la formation de chambre de l’Orchestre de Montpellier, avec ferveur et acuité. La mise en scène de la chorégraphe Laurence Saboye confirme le savoir-bouger et savoir-écouter que possèdent les gens de la danse – et dont témoignent si peu les gens du théâtre, étrangers trop souvent à la dimension proprement musicale d’un opéra. Mouvements virevoltants, petites projections vidéographiques d’esprit allusif (dues au trio Camille Boissière, Axelle Carruzzo et Laurence Sytnik), éclairages immatériels : le rêve prend forme. Et le public succombe.

Pierre-René Serna