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Opéra de Montpellier
Montpellier : “Mefistofele“

Magnifique surprise : la découverte de la splendide soprano Takesha Meshé Kizart.

Article mis en ligne le juin 2010
dernière modification le 2 août 2010

par François JESTIN

Le rare Mefistofele de Boito est proposé dans la spectaculaire production de Jean-Louis Grinda, inaugurée en juin 2007 à l’occasion de ses adieux en tant que directeur de l’Opéra Royal de Wallonie.

Et en assistant à la représentation dans la vaste salle du Corum de Montpellier, on imagine que décors et artistes se tenaient un peu à l’étroit sur le plateau plus exigu de l’Opéra de Liège. L’image du prologue (qui revient à l’épilogue) est probablement la plus forte : après un film projeté de ciel bleu et nuages, le rideau découvre en transparence quatre rangées de choristes installés sur toute la largeur de gradins. Les chanteurs sont habillés de blanc, en Pierrot à collerette, et semblent suspendus dans les cieux, derrière le voile blanc vaporeux levé à mi-hauteur, la partie inférieure du plateau plongeant dans le noir. Les nombreuses scènes suivantes seront également marquantes visuellement, avec une profusion de costumes (de carnaval très colorés à l’acte I, ou en noir et blanc pendant le sabbat de l’acte II), et de beaux jeux de lumière, souvent rouge lorsque Méphisto est de passage. L’inconvénient de ce parti est la longueur des coupures entre chaque tableau, qui hache le rythme et finit par présenter l’opéra uniquement comme une succession de scènes mises bout à bout.

« Mefistofele » – acte I
© Marc Ginot / Opéra National de Montpellier

Le grand triomphateur de la soirée est le chef Patrick Davin, déjà à la baguette à Liège, qui maintient un excellent niveau, à la fois technique et artistique (les violoncelles et contrebasses sont somptueux). Il assure d’abord la bonne coordination de l’ensemble, en particulier des très nombreux chœurs (de l’Opéra de Montpellier, de l’Opéra Royal de Wallonie, et chœurs supplémentaires de Montpellier). Sans produire une prestation parfaite (quelques difficiles aigus des soprani), ceux-ci sont très satisfaisants vocalement, peu avares de nuances, mais pas toujours facilement compréhensibles pour ce qui est du texte, tandis que les chœurs d’enfants d’Opéra Junior – dans lesquels se trouvent des femmes adultes à peu près pour moitié... – sont aussi bien en place.

Les rôles principaux ne sont pas tous enthousiasmants. La basse Konstantin Gorny dans le rôle-titre possède de beaux moyens naturels (graves profonds et timbre de couleur slave) qu’il a tendance à noircir et vouloir enfler. Cela ne fonctionne pas toujours correctement, mais il assure globalement une belle présence, et l’acteur est crédible. Gustavo Porta (Faust) est en revanche une grosse déception : malgré des débuts professionnels en 1996, la voix sonne comme celle d’un ténor le jour de son départ en retraite ! Il parvient à assurer sa partie, mais l’effort est visible, le vibrato embarrassant, et la diction émaillée de quelques chuintements. Le petit rôle de ténor, tenu par Maurizio Pace (Wagner) au timbre plus clair, en devient même intéressant.

Le meilleur pour la fin : la découverte de la splendide soprano Takesha Meshé Kizart (Margherita), noire américaine comme d’autres de ses consœurs entendues dans ce même rôle ces deux dernières décennies (on pense à Leona Mitchell et Michele Crider). Le timbre est magnifique, et après un démarrage plutôt timide, l’instrument se déploie généreusement, pour culminer dans son grand air (« l’altra notte in fondo al mare  »). Très belle en scène et très engagée, l’actrice fait aussi passer le frisson dans cet acte III.

François Jestin

Boito : MEFISTOFELE : le 4 mai 2010 au Corum de Montpellier