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A l’Opéra de Montpellier : Wolf-Ferrari et von Zemlinsky
Montpellier : “Il Segreto di Susanna“ & Une tragédie florentine“
Article mis en ligne le avril 2007
dernière modification le 15 juillet 2007

par François JESTIN

Il Segreto di Susanna et Une Tragédie florentine, deux œuvres du début du XXème siècle, d’une petite heure chacune, deux drames à huis-clos, ou plus exactement un faux drame, puis un vrai de vrai, avec la jalousie comme fil conducteur.

Le rideau du Segreto di Susanna s’ouvre sur un charmant intérieur moderne, au sens du design « futuriste » des années 1960-1970, meublé de 3 divans allongés, tableaux et autres pots de fleurs et vases – les décors sont réalisés par Virgile Koering. Une haute fenêtre voûtée servira de support à des projections vidéo – qui n’accaparent pas la totalité de l’attention du spectateur ! – et laissera voir tour à tour un beau ciel bleu, Susanna sous sa douche, puis la fumée… de cigarette. Car là est bien le secret : Susanna fume à l’insu de son mari, alors que celui-ci pense qu’un amant fumeur le rend régulièrement cocu.

Il Segreto di Susanna : Michelle Cannoccioni (la Contessa Susanna) et Gilles Yanetti (Igor) © Marc Ginot / Opéra National de Montpellier

Cette intrigue, à contre-courant complet de nos campagnes anti-tabac de ces dernières années, serait toutefois un peu ténue, si ce n’était la musique de Wolf-Ferrari, qui dépeint au plus près les situations d’angoisse, d’attente ou de coups de théâtre, dans la pure lignée du Falstaff de Verdi. Sous la baguette de Bernhard Kontarsky, la soprano Michelle Canniccioni (la Contessa Susanna) et le baryton Ales Jenis (il Conte Gil) sont les composantes idéales, à la fois vocalement et physiquement, du couple en crise. Le troisième rôle est muet : le valet Igor (Gilles Yanetti) rappelle curieusement la sorcière du dessin animé Blanche-Neige, avec sa bosse et ses yeux exorbités.
D’autres personnages font irruption sur le plateau, comme Sherlock Holmes ou l’inspecteur Colombo, qui enquêtent, et troquent volontiers leur pipe et vieux cigare contre un généreux joint offert par la maîtresse de maison. Le metteur en scène René Koering a choisi en effet de remplacer ici la cigarette par le pétard, ce qui donne l’occasion à Igor d’arroser la marijuana.
On remarque enfin, et ceci sera le petit trait d’union entre les deux œuvres, que Gil, joue comme un grand enfant avec sa Ferrari miniature téléguidée. La mini Ferrari se transforme en superbe Testa rossa, qui continuera d’effectuer de petites marches avant et arrière, et testera le bon fonctionnement de ses phares, pendant toute la durée de la Tragédie florentine.
Avec à nouveau les Koering père et fils à la réalisation, le décor est à présent tout noir, faiblement éclairé de flammes et de rares projecteurs, bien en phase avec le sombre drame qui va se jouer. L’ouverture montre les ébats sensuels de Bianca et son amant, sous un drap du même rouge écarlate que celui de la Ferrari, et qui marquera, avec les riches étoffes du marchand Simone, descendues plus tard des cintres, les touches de couleurs les plus marquantes du spectacle. La belle mezzo Kate Aldrich (Bianca) et le ténor Robert Künzli (Guido Bardi) répondent vaillamment aux exigences de tension de la partition, avec un volume qui semble affaibli : la porte du garage est restée ouverte en fond de scène, pour les besoins de manœuvres de la voiture… Le rôle beaucoup plus développé de Simone est défendu avec brio par le baryton-basse Pavlo Hunka, avec un son homogène, expressif et plein, du grave à l’aigu, et qui semble idéal pour certains emplois wagnériens.

Sans atonalité ni dodécaphonisme, la partition, qui penche du côté de Richard Strauss, est défendue avec soin et fougue par Bernhard Kontarsky. Le dénouement est glaçant, et ouvre la perspective d’un serial killer : l’amant est tué à l’issue du duel, le couple légitime se rabiboche bien vite, et un boucher enlève Guido Bardi avec son crochet, et le hisse à côté de 4 autres cadavres …

François Jestin

Wolf-Ferrari : IL SEGRETO DI SUSANNA & Von Zemlinsky : EINE FLORENTINISCHES TRAGÖDIE : le 4 mars 2007 à Montpellier