Arts-Scènes
Slogan du site

Cinéma Danse Expositions Musique Opéra Spectacles Théâtre

Opéra de Monte-Carlo - Palais Garnier
Monte-Carlo : “La Dame de Pique“

Représentation magique de La Dame de Pique à Monaco.

Article mis en ligne le juillet 2009
dernière modification le 6 juillet 2009

par François JESTIN

L’affiche de cette Dame de Pique monégasque était très prometteuse, on n’en attendait pas pour autant un tel miracle !

L’opéra nous réserve ainsi parfois quelques moments magiques – très rares et c’est ce qui en fait la valeur ! – où absolument tout concourt à l’excitation de l’oreille, le plaisir des yeux et la force de l’émotion ressentie.
D’abord Vladimir Galouzine distribué en Hermann, vraisemblablement le rôle de sa vie, qu’il a fréquenté de nombreuses fois, notamment à l’Opéra de Paris Bastille en 1999 puis 2005 (il existe un DVD TDK dans la production de Lev Dodin, à l’hôpital psychiatrique). Le ténor russe n’est jamais aussi excellent que dans le répertoire… russe, vocalement impressionnant, entre ses graves barytonnants, ses piani murmurés et ses aigus lancés à pleine puissance, et déambulant comme un zombie hypnotisé par les fameuses 3 cartes, regard halluciné et le dos se voûtant par moments sous le fardeau de son implacable destin. Nous découvrons ensuite la basse Dmitri Oulianov (Comte Tomski), superbe grain de voix, étendue et sonore comme une grande basse slave, et nous assistons aux débuts du baryton canadien Jean-François Lapointe (Prince Eletski) dans le répertoire russe, capable d’un somptueux legato, mais aussi d’aigus à faire décoller le plafond de la salle Garnier.

Vladimir Galouzine (Hermann) et Ewa Podles (la Comtesse)
© Opéra de Monte-Carlo

Les rôles secondaires sont idéalement distribués : Alexandre Kravets (Tchékalinski), Adrian Sampetrean (Sourine), Guy Gabelle (Tchaplitski), Grigori Soloviov (Naroumov). Du côté des chanteuses, l’événement attendu est la prise de rôle de Ewa Podles en Comtesse : sa voix aux accents masculins convient parfaitement à ce personnage fantomatique qui évoque avec nostalgie son glorieux passé. Le rôle féminin principal est tenu par Barbara Haveman (Lisa), très expressive dans son chant, vaillante avec Galouzine, et musicalement bien accordée dans ses duos avec Svetlana Lifar (Paulina), celle-ci trouvant ici un emploi optimal pour ses beaux moyens. Satisfaction également pour les prestations de Sofia Aksenova (Gouvernante) et Natasha Kowalski (Macha).
On connaissait le chef d’orchestre Vladimir Jurowski, magnifique d’urgence et de fièvre dans sa direction, en particulier dans le répertoire russe. Son frère cadet Dmitri, au pupitre ce soir, n’est pas en reste : un son très homogène, un style sans doute moins heurté, mais aussi une pulsation vivante, et qui veille constamment à ne pas couvrir les solistes, ni les chœurs, fort bien préparés pour ces représentations.
La production de Guy Joosten, en provenance de l’Opéra des Flandres, réussit le tour de force de captiver l’attention du spectateur, et maintenir la tension sur le plateau, malgré le livret passablement décousu. Un dispositif scénique unique – deux enfilades de cloisons qui fuient en V vers le fond du plateau – permet en effet d’enchaîner rapidement les scènes successives. Ces parois ont d’abord l’aspect de vieux miroirs à moitié dépolis, puis sont recouvertes de tentures noires pour la chambre de la Comtesse, ou se referment encore sur Hermann, presque jusqu’à l’écrasement. Seul changement de décors important – et petite cassure du rythme pour le public – la scène finale du jeu met à disposition tout l’espace du plateau aux solistes, choristes et figurants.

François Jestin

Tchaïkovski : LA DAME DE PIQUE : le 26 avril 2009 à l’Opéra de Monte-Carlo – Palais Garnier